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TOUT COMPRENDRE - Sida: comment un troisième patient a pu guérir du VIH

Le VIH vu en microscopie électronique à transmission.

Le VIH vu en microscopie électronique à transmission. - Wikimedia Commons

Le patient de Düsseldorf a guéri à la suite d'une greffe de moelle osseuse comportant une mutation rare "connue pour empêcher l’entrée du VIH dans les cellules et donc protéger de l’infection"

Le troisième à guérir du VIH. Les chercheurs du consortium IciStem, dont fait partie une équipe de l'Institut Pasteur, ont révélé ce lundi un nouveau cas de guérison du VIH après une greffe de moelle osseuse. Celui qui est appelé le "patient de Düsseldorf" ne présente plus de trace du virus dans son organisme quatre ans après le traitement, indiquent des travaux publiés dans Nature Medicine.

Seulement deux cas de guérison similaires ont été décrits jusqu'à présent dans des publications scientifiques: le patient de Berlin en 2009 et le patient de Londres en 2019.

· Quel traitement ce patient a-t-il reçu?

Tout commence en 2008, quand une équipe médicale de Düsseldorf (Allemagne) diagnostique un patient pour une infection VIH. L'homme commence en 2010 un traitement antirétroviral "qui lui permet de contrôler l’infection et de réduire la quantité de virus à des niveaux indétectables dans le sang, comme la plupart des personnes sous traitement", souligne l'Institut Pasteur.

Mais en 2011, on diagnostique chez ce patient une leucémie, "c’est-à-dire un cancer des cellules du système immunitaire localisé dans la moelle osseuse". Il est dans un premier temps traité par une chimiothérapie mais doit recevoir en 2013 une greffe de cellules souches. "Un donneur portant la mutation CCR5 delta-32" est alors recherché, car cette mutation est connue pour empêcher l'entrée du VIH dans les cellules.

"On sait que le virus du VIH a pour cible les cellules du système immunitaire", explique le virologue Asier Sáez-Cirión co-auteur de l’étude. Or "lors d’une greffe de moelle osseuse, les cellules immunitaires du patient sont ainsi remplacées intégralement par celles du donneur, ce qui permet de faire disparaître l’immense majorité des cellules infectées."

En 2018, l'équipe médicale ne détecte plus dans le corps du patient la présence du VIH, ce dernier arrête donc son traitement antirétroviral contre le virus, même s'il reste sous surveillance. Et 44 mois plus tard, toujours aucune trace du virus n'a été retrouvée dans ses tissus analysés.

"Même si nous n’avons pas pu analyser tous les tissus du patient pour formellement écarter la présence du VIH dans l’organisme, ces résultats indiquent que le système immunitaire n’a pas détecté le virus après l’interruption du traitement", précise Asier Sáez-Cirión.

· Quel est le mécanisme derrière cette guérison?

Le patient étudié a reçu des dons de cellules souches avant de guérir du VIH, comportant une mutation de la molécule CCR5. C'est cette dernière qui permet l'entrée du VIH dans les cellules.

"Située à la surface des globules blancs, CCR5 régule les réponses immunitaires de l’hôte contre les pathogènes", explique l'Inserm, "mais, victime de son succès, elle sert également d’ancrage au VIH pour infecter les cellules immunitaires, contribuant ainsi au développement du Sida".

Toutefois quelques personnes, moins de 1% de la population mondiale, possèdent une mutation de ce gène: la mutation CCR5 delta 32, qui "est connue pour empêcher l’entrée du VIH dans les cellules et donc protéger de l’infection", écrit l'Institut Pasteur.

Le patient de Düsseldorf a reçu une greffe avec cette mutation, comme le patient de Berlin et celui de Londres avant lui, à la suite desquelles ils ont éliminé le VIH.

· On a donc trouvé un traitement sûr contre le VIH?

Les procédures de greffe de cellules souches restent toutefois des exceptions. Dans les trois cas de rémissions décrits, elles ont été lancées parce que les patients souffraient "d’une maladie hématologique" pour laquelle "aucune autre alternative thérapeutique n'existe", explique l'Institut Pasteur. Autrement dit, ce traitement n'a pas été lancé pour lutter contre le VIH mais contre une autre maladie.

De plus, ce type de greffe est particulièrement lourd et peut s'avérer très risqué pour le patient, c'est pourquoi il reste exceptionnel et intervient en dernier recours.

Enfin, étant donné que moins de 1% de la population générale porte cette mutation protectrice du VIH, il est très rare de trouver un donneur de moelle à la fois compatible avec le patient et porteur de cette mutation.

"Au final, il s’agit d’une situation exceptionnelle quand tous ces facteurs coïncident pour que cette greffe soit un double succès de guérison, de la leucémie et du VIH", déclare Asier Sáez-Cirión.

· À quoi sert cette découverte du coup?

Le résultat de cette étude "nous apprend énormément de choses sur les mécanismes de guérison du VIH", a souligné ce mardi sur France Info l'infectiologue Yazdan Yazdanpanah.

Plusieurs essais de thérapies géniques sont également en cours, afin de trouver un moyen d'introduire la précieuse mutation CCR5 chez des personnes et de les rendre plus résistantes au VIH. Des vaccins sont aussi à l'étude et s'il y a eu des échecs, la recherche avance. En novembre dernier, l'immunologiste Yves Lévy annonçait que son candidat-vaccin avait passé les phases expérimentales 1 et 2.

S'il n'existe pas aujourd'hui de moyen de guérison du VIH à grande échelle, les traitements de la maladie, pour pouvoir vivre avec ce virus se sont grandement développés, "le traitement antirétroviral est actuellement la meilleure alternative thérapeutique", écrit ainsi l'Institut Pasteur.

Il existe également un médicament permettant d'éviter de se contaminer (la Prep) et un autre à prendre dans les 48h suivant une possible infection (TPE).

Le meilleur moyen de lutter contre le VIH reste toutefois encore aujourd'hui la prévention: il est primordial de se protéger lors des rapports sexuels, de se tester régulièrement pour être pris en charge rapidement. D'après l'Unaids, "38,4 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2021" et 1,5 million ont été nouvellement infectées la même année.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV