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Tests osseux: la méthode critiquée qui évalue l'âge des migrants

Radio d'une main d'un adolescent de 16 ans pour un test osseux via l'atlas Greulich et Pyle.

Radio d'une main d'un adolescent de 16 ans pour un test osseux via l'atlas Greulich et Pyle. - Wikimédia

Le Conseil Constitutionnel doit rendre ce mardi une décision concernant les tests osseux sur les immigrants se déclarant mineurs. Une méthode critiquée de longue date par des associations de défense des migrants, des magistrats ou encore des médecins.

Les tests osseux pour déterminer l'âge de personnes se déclarant mineurs sont-ils anticonstitutionnels? C'est ce que devra déterminer le Conseil Constitutionnel ce mardi, à la suite d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) déposée par Adama.S, un Guinéen arrivé en France en 2016. Le jeune homme, qui assure qu'il avait 15 ans à son arrivée, avait refusé de se soumettre à un test osseux, devant aider à déterminer sa minorité, ou non.

Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu'il n'était pas mineur et avait levé son placement auprès de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). En France, les mineurs, français ou non, sont obligatoirement protégés par l'ASE, mais une fois majeurs, ils n'y ont plus droit.

Adama.S avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux. En juillet, la cour d'appel de Lyon avait estimé son âge entre 20 et 30 ans et confirmé qu'il ne bénéficierait pas de l'ASE. Il avait alors formé un pourvoi en cassation, avant que sa défense rédige une QPC contre l'article 388 du Code Civil, qui encadre ces tests osseux.

Que dit la loi sur les tests osseux?

L'article 388 déclare que les examens radiologiques osseux "ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé". L'article précise également que "les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé."

Cet examen est en fait le dernier recours, qui doit intervenir en cas de "doute persistant", selon une circulaire interministérielle de janvier 2016 encadrant l'évaluation de l'âge. Elle précise que les tests médicaux - en plus des tests osseux, des données dentaires ou cliniques - doivent être lus en complément d'une évaluation pluridisciplinaire et des documents officiel - acte de naissance, papiers d'identité... - que la personne concernée fournit.

Ces tests sont-ils fiables?

Le test, réalisé dans un institut médico-judiciaire, consiste en une radio de la main gauche et du poignet, que l'on compare ensuite avec un atlas dit "de Greulich et Pyle". Il compile des radios prises entre 1931 et 1942 sur des enfants américains de milieux aisés, ce qui n'est pas le cas des jeunes concernés aujourd'hui.

Cette méthode "permet d’apprécier avec une bonne approximation l’âge de développement d’un adolescent en-dessous de quinze ans" en revanche, il y a des "difficultés" à déterminer un âge "dans les deux sexes au-delà de quinze ans, en particulier chez le garçon", estimait l'Académie nationale de médecine en 2007. "Les tests osseux sont fiables seulement lorsqu’on est très loin de la majorité", déclare plus récemment André Deseur, vice-président de l’ordre des médecins, dans Libération.

La marge d'erreur peut être vaste, avec un intervalle d'interprétation qui varie entre "4 ans minimum et 6 ans maximum" selon une étude citée par la Société européenne de radiologie pédiatrique, qui a affirmé "ne pouvoir recommander l'usage" de cette méthode. 

Dans les faits que se passe-t-il?

Si la loi rappelle que ces tests doivent avoir lieu en dernier recours, et que les documents d'identité officiels doivent prévaloir, dans une décision du 3 décembre 2018, le défenseur des droits Jacques Toubon "constate régulièrement que prévaut, au détriment du mineur, une présomption de non-authenticité des actes produits". Certains juges "considèrent les documents d’état civil de certains pays comme suspects par nature", constate ainsi le pénaliste parisien Emmanuel Daoud, dans Le Parisien.

Le test médical entre alors facilement en jeu et, contrairement à la ce que disent les textes de loi, devient parfois un argument principal dans la décision finale de détermination de minorité. "En zone d’attente à Roissy, ils sont l’outil principal de la détermination de minorité", déplore Laure Blondel, de l’association Anafé (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers), dans Le Parisien.

Ces tests sont de longue date dénoncés par les associations pour leur "absence de pertinence scientifique et éthique" et leur "caractère attentatoire aux droits de l'enfant", rappelait un communiqué commun (Gisti, Médecins du Monde, LDH, La Cimade...) en février. Une déclaration appuyée par le défenseur des droits, qui y voit "une violation des droits de l’enfant constitutionnellement garantis".
Salomé Vincendon avec AFP