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Surveillance du Covid-19 dans les eaux usées: "une remontée" observée sur "plus de la moitié des stations"

Avec la fin de la gratuité des tests, leur nombre a fortement diminué. Les regards se tournent donc vers la surveillance des eaux usées, qui permet de détecter la circulation du virus.

Le ministère de la Santé a fait état d'une baisse du nombre de dépistage Covid-19, "en répercussion de la fin de leur gratuité", le 15 octobre dernier. La Drees (Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques) évoque "une diminution de 675.200 tests, centrée sur les 16-65 ans", au cours de la semaine du 18 au 24 octobre 2021 par rapport à la semaine précédente.

Il est donc plus difficile d'observer l'évolution de l'épidémie avec cet indicateur, mais d'autres moyens permettent aujourd'hui de mesurer la circulation du virus, notamment la surveillance des eaux usées avec le réseau Obépine. Elle permet de déceler, en amont, une hausse du taux d'incidence. Et actuellement, dans certains lieux observés, la présence du virus augmente.

"Depuis fin septembre début octobre, on voit sur environ la moitié de nos stations d’épuration soit un arrêt de la descente, soit même un rebond léger, une ré-augmentation des niveaux dans les eaux usées, ce qui peut signer une recirculation du virus", déclare sur BFMTV, Vincent Maréchal, professeur de virologie, co-fondateur du réseau Obépine. Toutefois cette augmentation n’est "pas forcément surprenante à cette saison de l’année", avec le retour du froid.

"Sur plus de la moitié des stations, on est en train de remonter"

"La baisse qu'on a vu depuis l'été s'est arrêtée avec une remontée dans certaines stations. Sur plus de la moitié des stations, on est en train de remonter, soit légèrement, dans les stations où le niveau de circulation était relativement bas, soit de façon assez importante dans d'autres stations", explique également à BFMTV Yvon Maday, co-fondateur du réseau Obépine.
Le taux d'incidence selon le prélèvement des eaux usées à Lille
Le taux d'incidence selon le prélèvement des eaux usées à Lille © Réseau Obépine
"Lille est un exemple sur lequel on a une bonne remontée. Il y a d'autres stations en Île-de-France, du côté de Bordeaux aussi. Ça remonte de façon non uniforme", explique-t-il. "On attend les résultats de demain soir (vendredi) pour avoir une bonne confirmation de ce qu'il se passe, mais on a bien vu depuis 2/3 semaines un changement dans les tendances".

Vincent Maréchal évoque un "départ de feu, comme des brindilles qui repartent à différents endroits" mais qui restent pour le moment "très disséminées".

Côté tests, une augmentation du taux d'incidence a aussi été détectée: le 15 octobre, il était de 43,8 pour 100.000 habitants sur une semaine, contre 55,9 le 25 octobre. Mais le problème actuellement avec les tests, c'est qu'ils ne sont désormais gratuits que pour les personnes vaccinées, ou celles présentant des symptômes ou étant cas contacts. Et ces dernières sont donc plus susceptibles d'obtenir un test positif.

"Nous avons 200 stations, soit 33% de la population"

"Nous avons 200 stations, ce qui représente 33% de la population, un chiffre quand même très important. Les tests individuels représentent eux entre 5 et 10% de la population", explique Yvon Maday. "On n'a pas de représentation aussi fine quartier par quartier que ce que donnent les tests, mais on couvre une grande partie de la population, en particulier toutes les grandes agglomérations".

La détection dans les eaux usées "permet de détecter à l'avance une montée ou une baisse épidémique, et c'est un indicateur non biaisé qui touche toute une population", avait expliqué à BFMTV Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille.

"L’intérêt de la mesure sur les eaux usées c’est que c’est une mesure de circulation du virus qui ne dépend pas du comportement des personnes vis-à-vis des tests, en particulier en ce moment dans une situation où la règlementation a changé sur la prise en charge des tests", explique sur notre antenne l'épidémiologiste Dominique Costagliola, "c’est vraiment un outil intéressant pour voir si on a une tendance à repartir", même si "en cette saison ce n’est pas une surprise que cela reparte".

Vers une nouvelle vague?

Difficile toutefois pour l'instant de lire dans les résultats des eaux usées l'évolution future de l'épidémie, car "le virus a changé, le virus a muté, la population a changé parce qu'elle est vaccinée, donc je ne pense pas que l'on puisse comparer ce qu'il s'est passé il y a un an, à ce qu'il se passe maintenant", rappelle Yvon Maday.

D'autre part, les dernières mesures mises en place contre l'épidémie ont été "prises sur la situation à l’hôpital plus au fond que sur la circulation", souligne Dominique Costagliola. Or l'augmentation du nombre de patients Covid-19 reste pour le moment très légère au niveau national.

Mais "peut-être que ce serait plus prudent de décider des choses dès que l’on voit apparaitre quelque chose sur la circulation des cas dans les eaux usées, pour éviter de se retrouver dans une situation complexe à l’hôpital", lance l'épidémiologiste.

Face à cette hausse du taux d'incidence, pour Vincent Maréchal, "il faut s’interroger, faire des hypothèses. On pense toujours à la météo, il faut aussi penser que les gestes barrières sont sans doute beaucoup moins suivis en ce moment qu’ils ne l’étaient l’année dernière, cela on le voit à travers la circulation d’autres virus respiratoires", explique-t-il. "Donc il y a des messages à faire passer notamment sur le respect des gestes barrières", mais aussi sur la vaccination, afin de toucher ceux qui n'ont encore reçu aucune dose.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV