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Surmortalité dans le bassin de Saint-Nazaire: les habitants accusent la pollution

Une étude épidémiologique rendue publique la semaine dernière a pointé la surmortalité des moins de 65 ans dans le bassin nazairien. Les habitants sont nombreux à y voir l'influence des émanations d'usines ou des substances présentes sur les lieux de leur travail, mais les autorités dénoncent la consommation de cigarettes et l'alcool.

110.000 personnes environ vivent dans le bassin nazairien. Et c'est au sein de cette population qu'on remarque depuis plusieurs années une surreprésentation des cas de cancer, et donc de la surmortalité, par rapport à la moyenne nationale et à celle de la Loire-Atlantique. La préfecture de ce département annonçait ainsi la semaine dernière une mortalité des moins de 65 ans supérieure de 28% à la moyenne nationale. 

Des chiffres alarmants 

Cette statistique alarmante était tirée d'une étude épidémiologique rendue publique il y a quelques jours par l'Agence régionale de santé, mais élaborée en mai. Dans le détail, on y lisait qu'entre 2006 et 2015, la zone avait enregistré 478 cas de cancer, soit 13% de plus que la moyenne de Loire-Atlantique, puis 223 entre 2011 et 2015, soit un bond de 23% par rapport au département. 

Saint-Nazaire, Trignac et Montoir-de-Bretagne, deux petites communes limitrophes, concentrent l'essentiel de ces drames. Beaucoup des maux recensés sont des cancers du poumon ou des voies aérodigestives. Les autorités avancent une double explication: l'alcool, dont l'Observatoire régionale de la santé des Pays de Loire assure que la consommation est dans ce territoire deux fois supérieure à ce qu'elle est ailleurs en France, et le tabac.

Michel Bergue, sous-préfet de Saint-Nazaire, commente au micro de BFMTV: "Pour l’essentiel, les facteurs de cancer sont la consommation de tabac et la consommation d’alcool. Aujourd’hui, nos connaissances sont insuffisantes pour déterminer avec précision la part des facteurs environnementaux dans ce qui est constaté."

"C'est certainement dû à ce qu'on a inhalé"

Car la voix des habitants, dont certains habitent à moins d'un kilomètre des usines, s'élève à présent pour dénoncer l'influence néfaste sur l'organisme de la pollution, dans une région aussi fortement industrialisée que Saint-Nazaire.

"Vous pouvez voir la fumée, il y a un brouillard. Quand on ouvre les volets, on se dit qu’on ne peut pas vivre toujours là-dedans", fait remarquer Yannick Magne, qui habite Montoir-de-Bretagne.

On s'interroge aussi sur la portée des substances toxiques ayant flotté au-dessus des chantiers navals. "C’est certainement dû à tous les produits qu’on a inhalés quand on soudait sur les peintures, les huiles, les graisses, tout ce qui était des produits un peu toxiques. On est surtout en colère de ne pas avoir été prévenu de la dangerosité de ces produits. Personne ne nous disait: ‘Attention les gars, là vous avez vingt ans mais vous verrez quand vous aurez 50 ans’', fait valoir pour sa part Régis Perrais, qui y a travaillé pendant plus de quarante ans, et s'est vu diagnostiquer à 63 ans un cancer du colon puis de la vessie.

Santé publique France saisie

Leurs préoccupations commencent à trouver un écho. Dans Libération, mardi, Nicolas Durand, directeur-adjoint de l'Agence régionale de santé locale, signalait le lancement d'une nouvelle enquête épidémiologique, centrée cette fois sur l'univers professionnel. 

"La Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi a d’ores et déjà décidé de lancer en partenariat avec le registre des tumeurs du département une étude sur les corrélations possibles entre les cancers observés et l’activité professionnelle. De son côté, la Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement va exercer une surveillance plus fine de la qualité de l’air", expliquait-il d'abord.

Les investigations pourraient aussi s'orienter en direction d'une dimension environnementale. "En outre, nous avons écrit au directeur général de Santé publique France pour savoir s’il serait possible de lancer une nouvelle étude épidémiologique afin d’évaluer la part des cancers attribuables à d’autres facteurs de risque comme la pollution atmosphérique", indiquait ainsi Nicolas Durand au quotidien. 

Robin Verner, avec Justine Fontaine