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Rougeole: pourquoi cette maladie est particulièrement dangereuse pour les enfants

Un enfant se faisant vacciner contre la rougeole en février 2022 au Monténégro

Un enfant se faisant vacciner contre la rougeole en février 2022 au Monténégro - SAVO PRELEVIC / AFP

L'UNICEF alerte sur le manque de vaccination des enfants contre la rougeole ces derniers mois, qui pourrait entraîner une grave épidémie mettant en danger les plus jeunes, plus fragiles face à cette infection virale.

"Une situation qui met en danger les enfants". L'Organisation Mondiale de la Santé et l'UNICEF ont alerté mercredi au sujet de "l'augmentation préoccupante des cas de rougeole en janvier et février 2022", une flambée des cas qui pourrait toucher "des millions d’enfants", écrivent ces deux organisations. L'épidémie de Covid-19 a en effet retardé, ou empêché, dans plusieurs pays la vaccination des enfants pour cette infection, contre laquelle il n'existe pas de traitement antiviral.

"Les conditions actuelles" sont donc "particulièrement favorables à une flambée épidémique de rougeole, une situation qui met en danger les enfants", notent l'OMS et l'UNICEF.

La rougeole est une maladie très contagieuse, une personne contaminée peut ainsi infecter jusqu'à 20 personnes. Elle est due à un virus qui se transmet très facilement par la toux, les éternuements et les sécrétions nasales, et qui peut avoir des conséquences graves comme des atteintes pulmonaires, au foie et aux reins, mais aussi des complications neurologiques comme l'encéphalite. La plupart des décès imputés à la rougeole sont dus aux complications de la maladie.

"Une des causes importantes de décès du jeune enfant"

La rougeole "reste l'une des causes importantes de décès du jeune enfant, alors qu’il existe un vaccin sûr et efficace", écrivait l'OMS en 2019, rappelant qu'on "estime que 89.780 personnes, dont une majorité d’enfants de moins de 5 ans, sont mortes de la rougeole en 2016 (...) Les jeunes enfants non vaccinés sont les plus exposés au risque de rougeole et de complications éventuellement mortelles."

Si les enfants sont davantage touchés par ce virus, c'est que, comme pour d'autres infections, ils "ne sont pas immunisés contre cette maladie, ils sont immunitairement naïfs", explique à BFMTV.com le virologue Eric Leroy directeur de recherche et membre de l’Académie nationale de médecine. Leur système immunitaire plus jeune se défend donc moins bien contre ce virus qu'il découvre.

À l'inverse en France, "les adultes ont été vaccinés ou l'ont eu quand ils étaient jeunes, ils sont donc immunisés", explique le virologue, car la protection conférée par la maladie ou le vaccin est très durable.

Cette maladie est "surtout virulente chez les moins d'un an, car ils sont beaucoup plus fragiles et peuvent faire des formes graves" avec des risques de complications neurologiques ou de pneumopathies, explique auprès de BFMTV.com Brigitte Virey, pédiatre libérale et présidente du Syndicat National des Pédiatres Français. Pour enrayer cette maladie infectieuse, depuis 2018, le gouvernement français a ainsi inclus le vaccin contre la rougeole parmi les vaccins obligatoires pour les enfants de moins de deux ans.

Outre les effets de la maladie en elle-même, "le virus de la rougeole affaiblit le système immunitaire et rend l’enfant plus vulnérable pendant plusieurs mois à d’autres maladies infectieuses telles que la pneumonie et la diarrhée", rappelle l'Unicef.

"Les personnes présentant des comorbidités"

L'OMS souligne également que les formes sévères de la rougeole "surviennent plus particulièrement chez les jeunes enfants malnutris, notamment si les apports en vitamine A sont insuffisants ou si leur système immunitaire est affaibli par le VIH/sida ou d’autres maladies".

"Il y a en effet des classes d'âge plus touchées, mais aussi les personnes présentant des comorbidités" ou des fragilités, abonde Eric Leroy. Outre les moins d'un an, les personnes les plus à risques de faire des formes graves de la maladie sont "les femmes enceintes" et "les sujets immunodéprimés", écrit ainsi le ministère de la Santé français.

Si "les enfants non vaccinés sont la cible privilégiée du virus", les adultes ne sont pas non plus épargnés par la maladie, déclare à BFMTV.com Fabienne Kochert pédiatre libérale et présidente de l’AFPA Néonatologie (association française de pédiatrie ambulatoire). Ils "peuvent aussi attraper la rougeole qui peut d’ailleurs être grave voire mortelle" chez eux, explique-t-elle, "si l’épidémie flambe, des adultes vont être contaminés."

Et "on sait que faire une maladie infantile quand on est adulte c'est plus grave", abonde Brigitte Virey, citant les exemples de la varicelle et de la rougeole.

"Mettre à jour le calendrier vaccinal"

La seule solution connue aujourd'hui, et très efficace, contre la rougeole est la vaccination avec deux doses. D'après les estimations, "l’élimination de la rougeole nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95 % chez le jeune enfant", explique le ministère de la Santé, ajoutant que ce niveau n'a jamais été atteint en France. En 2018, 79% des nourrissons avaient été vaccinés avec les deux doses nécéssaires. Or, environ 90% des cas de rougeole surviennent chez des personnes non vaccinées.

"Le message à faire passer, c’est qu’il faut mettre à jour le calendrier vaccinal pour tous les nourrissons et rattraper les retards si les vaccins n’ont pas été effectués", déclare Fabienne Kochert, qui ajoute que les adultes également "peuvent vérifier s’ils ont bien reçu deux doses" de ce vaccin.

Si la France a pu conserver une activité de vaccination correcte pour les enfants en parallèle du Covid-19, d'autres pays ont eu beaucoup plus de difficultés. En "2020, 23 millions d’enfants (3,7 millions de plus qu’en 2019) n’ont pas reçu les vaccins infantiles de base dans le cadre des services de santé de routine, soit le chiffre le plus élevé depuis 2009", écrit l'UNICEF, qui craint des épidémies à venir.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV