BFMTV
Santé

Réforme des retraites: les Français sont-ils en bonne santé à 64 ans?

L'espérance de vie sans incapacité à l'âge de 65 ans augmente depuis plusieurs années mais l'état de santé dépend fortement de la situation socio-économique des personnes concernées.

Dans quel état de santé peut-on espérer passer sa retraite? Le projet de réforme des retraites, présenté le 10 janvier par le gouvernement, remet cette question sur le devant de la scène, alors que l'exécutif veut porter progressivement l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, contre 62 ans actuellement.

Plusieurs variables peuvent être prises en compte pour parler de la santé en France. L’espérance de vie sans incapacité en est une. Elle permet d’estimer le nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre sans être limitée dans les activités de la vie quotidienne du fait d’un problème de santé.

Une espérance moyenne de 11,5 pour les femmes, 10,4 ans pour les hommes

Selon les données de la Drees, en 2019, une femme âgée de 65 ans peut espérer vivre encore 11,5 années sans incapacité. Un homme de 65 ans peut quant à lui espérer vivre 10,4 années sans incapacité.

La direction des études du ministère de la Santé note que ces dernières années, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a augmenté plus rapidement que l’espérance de vie à 65 ans. Elle l'explique par "le recul de l’âge auquel surviennent les maladies chroniques handicapantes" et par "l’amélioration de leur prise en charge".

Entre 60 et 64 ans, 49,9 % des femmes et 53,6% des hommes déclaraient avoir une maladie ou un problème de santé chronique ou durable en 2017, selon l'enquête "Statistiques sur les ressources et les conditions de vie" de l'Insee. Ce chiffre augmente à 56,4% pour les femmes et 53,9% pour les hommes sur la tranche d'âge suivante, les 65-69 ans.

Des différences selon les revenus

Mais au-delà des différences selon le sexe, l'état de santé dépend d'autres variables, comme les revenus. Selon une enquête publiée par l'Insee en 2018, sur la période 2012-2016, l'espérance de vie à la naissance des hommes faisant partie des 5% les plus modestes de la population est inférieure de près de 13 ans à celle des 5% les plus aisés.

Pour ces derniers, elle s'élève à 84,4 ans, contre 71,7 ans pour les plus pauvres. Chez les femmes, cet écart est de 8 ans (88,3 ans chez les plus aisées contre 80 ans chez les plus modestes).

L'Insee note qu'aux alentours d'un niveau de vie de 1000 euros par mois, "100 euros supplémentaires sont associés à 0,9 an en plus d’espérance de vie chez les hommes et 0,7 an chez les femmes".

La Drees souligne qu'à l'exception de certains cancers, les maladies chroniques "surviennent plus fréquemment chez les personnes aux revenus les plus modestes". Les 10% les plus modestes de la population développent ainsi 2,8 fois plus souvent un diabète que les 10% les plus aisés. Les maladies chroniques du foie ou du pancréas, hors mucoviscidose, présentent un surrisque de 2,2 par rapport aux plus aisés.

Un écart en fonction des conditions de vie

Selon l'Insee, 68% des personnes âgées de 60 à 69 ans vivant dans un ménage pauvre en conditions de vie déclarent souffrir d’une maladie ou d'un problème de santé chronique ou durable en 2018, contre 49,8% pour les personnes vivant dans un ménage non pauvre.

L'institut national de statistique définit un ménage pauvre en conditions de vie comme un ménage qui cumule au moins huit privations ou difficultés parmi 27 relatives à l’insuffisance des ressources, aux retards de paiement, aux restrictions de consommation et aux difficultés liées au logement.

Le métier influence la santé

Les différences se situent aussi dans les catégories socioprofessionnelles. Dans le Portrait social de l'Insee de 2016, 85% des cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent être en bonne ou très bonne santé, contre 82% des professions intermédiaires, 75% des ouvriers comme des employés 67% des agriculteurs exploitants. Ces données datent de 2014.

"Ce lien persiste après avoir corrigé la structure par sexe et âge au sein de chaque PCS pour la rendre comparable", explique l'Insee dans son rapport.

L'institut en conclut que "le fait que les agriculteurs soient en moyenne plus âgés que les cadres ne suffit pas à expliquer l’écart entre leurs états de santé perçue".

L'institut de statistiques explique les écarts par des différences de "modes de vie", de "comportements en matière de prévention", de "conditions de travail" et "recours aux soins". Ce dernier point tient à la fois aux barrières financières que peuvent rencontrer des personnes issues de catégories socioprofessionnelles au niveau de vie moins élevé et à "un rapport différencié au système de santé".

Une visite médicale pour les métiers les plus durs

Afin de répondre à la problématique des carrières plus exposées "aux risques d'usure professionnelle", le gouvernement prévoit dans son projet de réforme des retraites une visite médicale obligatoire à 61 ans, qui doit permettre à "tous ceux qui ne sont pas en mesure de continuer à travailler et sont ainsi reconnus inaptes au travail" de partir à 62 ans à taux plein.

Une mesure qui ne convainc pas le SNPST, le syndicat des médecins du travail, qui estime sur son site que "la sélection ne fait pas la prévention" et que "les pouvoirs publics doivent s’engager de façon volontariste dans une politique d’amélioration des conditions de travail".

Sophie Cazaux