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Prise de poids pendant le confinement: "C'était parfaitement prévisible"

Une femme sur un pèse-personne (photo d'illustration)

Une femme sur un pèse-personne (photo d'illustration) - Stock - Rostislav_Sedlacek

Les Françaises et Français ont grossi depuis le début du confinement et ont en moyenne gagné 2,5 kilos. La médecin nutritionniste Laurence Plumey répond aux 3 questions de BFMTV.com.

Plus d'un confiné sur deux a pris du poids depuis la mi-mars. Selon une étude Ifop pour Darwin nutrition menée fin avril et publiée ce mercredi, la balance des Françaises et Français affiche désormais - en moyenne - 2,5 kilos de plus qu'avant le début du confinement. Laurence Plumey, médecin nutritionniste et auteure de Le monde merveilleux du gras. Tout sur ces rondeurs qui nous habitent aux éditions Eyrolles, donne des explications et ses conseils à BFMTV.com.

  • En un peu plus de six semaines, les Français et Françaises se sont alourdis de 2,5 kilos. Qu'est-ce qui explique cette prise de poids?

"C'était parfaitement prévisible. D'abord, il ne faut surtout pas culpabiliser. Mais relativiser cette prise de poids qui est un mécanisme d'adaptation normal. Au total, ce sont près de six Français sur dix qui ont grossi, en moyenne de 2,5 kilos. Cela représente à peu près un excédent de 300 calories par jour. Et 300 calories, ce n'est pas grand chose, ça va très vite: c'est un pain au chocolat, quelques biscuits grignotés ou le fait d'avoir un peu plus mangé le midi et/ou le soir. Et cela représente au final 30 grammes de graisse dans le corps. Le gras est la réserve de calories la plus efficace pour le corps sur le plus faible volume."

"Mais cette prise de poids peut aussi s'expliquer par la baisse de l'activité physique. C'est l'heure de marche que l'on ne fait plus qui nous faisait brûler ces 300 calories. Donc même en ayant mangé de manière équilibrée, le simple fait de ne pas avoir bougé a créé cet excédent calorique."

"Habituellement, beaucoup de personnes sautent le déjeuner ou grignotent un sandwich à la va-vite. Certains et certaines se contentent d'un repas léger, d'une salade. Confinés à la maison, parfois en famille avec les enfants, cela a bouleversé leurs habitudes alimentaires et obligé à préparer des repas plus élaborés. À tout ceci s'ajoutent la frustration, parfois l'angoisse liée à la situation actuelle. Et le meilleur antidote, c'est souvent le sucre."

  • Les hommes ont pris 2,7 kilos et les femmes 2,3 kilos. Comment expliquer cette différence?

"La première piste, c'est que les hommes ont peut-être eu la main plus lourde sur les apéritifs, qui s'accompagnent souvent d'un grignotage salé. Et on le sait: toutes les calories du soir coûtent plus cher. Selon l'étude, 42% des personnes interrogées ont davantage pris l'apéritif pendant le confinement."

"L'autre explication, c'est peut-être un certain biais de sous-déclaration des femmes. Autant les hommes peuvent déclarer facilement avoir pris du poids, autant c'est plus difficile pour les femmes, bien plus soumises à une pression de la société sur leur silhouette et le contrôle de leur poids."

"Les hommes pourront rire du ventre qu'ils ont pris, jamais les femmes n'oseraient faire de remarque à ce sujet. L'étude le confirme: 47% des hommes sont insatisfaits de leur corpulence, contre 61% des femmes. Si un homme en surpoids est un bon vivant, pour une femme, c'est encore souvent considéré comme une marque de faiblesse, comme incapables de se maîtriser."

  • Si l'on fait partie de ceux et celles qui ont pris du poids depuis le début du confinement, que faire?

"S'il ne faut pas se dire 'c'est de ma faute', ce n'est pas non plus une raison pour garder ces kilos. D'abord, ne pas laisser s'enkyster la situation et se dire 'j'ai pris 3 kilos, tant pis'. Au contraire, ne baissez pas les bras! Car les kilos fraichement pris se perdent plus facilement que les kilos anciens. Ces derniers provoquent une fibrose et rendent les adipocytes moins sensibles à l'action de l'activité physique et à une alimentation plus saine."

"La priorité est de ne pas agresser le gras à coups de régimes sévères au risque de perturber les relations avec les centres, dans le cerveau, qui gèrent les comportements alimentaires. Oubliez les régimes qui vous promettent de perdre deux kilos en dix jours. Tout régime à moins de 1200 calories par jour déclenche forcément des frustrations et une sensation de faim qui pousse au craquage. Dans mon cabinet, les personnes obèses que je suis ont passé leur vie au régime à perdre et reprendre leurs kilos et à en reprendre encore plus parce que leur métabolisme a été perturbé."

"L'objectif n'est pas de maigrir vite en s'abîmant la santé mais de retrouver une alimentation équilibrée pour faire fondre le gras progressivement. Pour cela, il faut dîner léger, c'est le secret de la perte de poids. La nuit, on brûle entre 500 et 600 calories. Si votre dîner est copieux, à 1000 calories, les 400 calories supplémentaires se transforment en gras. Donc, peu de féculents, des légumes, un peu de protéines, un laitage et un fruit. Le dessert sucré ou le morceau de fromage avec du pain, ce sera plutôt le midi. Et pour éviter de manger trop le soir, il faut avoir bien mangé dans la journée avec un bon petit-déjeuner, un déjeuner conséquent et éventuellement une collation dans l'après-midi, quelques amandes et un fruit. C'est difficile de se restreindre le soir quand on a très faim."

"Quand à l'activité physique, il faut privilégier un effort léger à modéré mais prolongé plutôt qu'une activité intense et courte. Perdre 300 calories en une heure de marche, de vélo, ou en quinze minutes, ça n'a pas du tout le même effet. Car la graisse abdominale profonde est sensible aux efforts prolongés alors qu'un effort bref et intense ne fera que brûler le glucose des muscles."

"En réduisant de 300 calories son alimentation et en reprenant une activité physique modérée mais prolongée, ce qui équivaut à une réduction de 200 à 300 calories, ces quelques kilos seront perdus aussi vite qu'ils ont été pris."

Céline Hussonnois-Alaya