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Pollution: faire du vélo en ville est-il dangereux pour la santé?

Pédaler ou ne pas pédaler en ville?

Pédaler ou ne pas pédaler en ville? - Martin Bureau-AFP (photo d'illustration)

Pour le ministère des Solidarités et de la santé, il vaut mieux pédaler que ne pas pédaler du tout, malgré la pollution. Ce qui n'est pas le point de vue de tous.

Se sent-on toujours pousser des ailes à bicyclette alors que les épisodes de pollution sont de plus en plus nombreux? Près de 20% des Français utilisent régulièrement leur vélo pour se rendre sur leur lieu de travail, faire des courses ou tout simplement dans le cadre des loisirs, selon la Fédération française des usagers de la bicyclette.

48.000 morts dues à la pollution de l'air

En France, la pollution atmosphérique, qui est liée aux activités humaines - principalement le trafic routier, l'industrie et le chauffage - apparaît comme la deuxième cause de mortalité évitable, juste après le tabac. Elle tue davantage que l'alcool.

Elle est ainsi responsable de 48.000 décès par an, selon Santé publique France, qui a étudié l'impact de la pollution de l'air dans 18 agglomérations. En cause: les particules fines. Cette agence assure que leur exposition est mortelle "même à des concentrations (…) conformes à la réglementation européenne" et aux valeurs de l'OMS. Maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, cancer: les pathologies sont nombreuses.

"Il ne s'agit pas uniquement de la quantité de particules inhalées mais aussi leur composition qui est néfaste, remarque pour BFMTV.com Pierre Souvet, président de l'Association santé environnement France (Asef). On est en train de découvrir que la pollution provoque aussi des lésions cérébrales. C'est le cas des nanoparticules qui se fixent sur les organes et peuvent provoquer des inflammations dans toutes les zones vascularisées, notamment le cerveau."

Villes et campagnes à égalité

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la pollution de l'air n'affecte pas que les grandes villes. En avril dernier, la Bretagne et la Normandie ont été touchées par un épisode de pollution. Si les métropoles, dont les agglomérations parisienne ou marseillaise, en sont particulièrement victimes, d'autres régions à première vue éloignées des activités humaines ne sont pas épargnées, telle la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie, au pied du Mont-Blanc, parfois présentée comme la région la plus polluée de France.

Dans les zones urbaines de plus de 100.000 habitants, la perte d'espérance de vie due à la pollution est en moyenne de quinze mois. Les zones moins habitées ne sont pas en reste: dans les communes de 2000 à 100.000 habitants elle est de dix mois, presque autant que dans les zones rurales.

Et comme le pointe Santé publique France, les pics de pollution pèsent moins que l'exposition chronique. "C'est l'exposition à la pollution, quotidienne et dans la durée qui a l'impact le plus important sur la santé."

Des bénéfices supérieurs aux risques?

Malgré la pollution de l'air, les autorités sanitaires recommandent la pratique du vélo en ville. Selon le ministère des Solidarités et de la santé, les bénéfices pour la santé de cette activité physique seraient "largement supérieurs aux risques". 

Ainsi, lors d'un épisode de pollution, sauf pour les personnes vulnérables et sensibles, "la pratique d'activité physique d'intensité modérée, dont le vélo, est possible", maintient le ministère. Ce que n'approuve pas Pierre Souvet. Selon ce cardiologue, si la pratique du vélo comme toute autre activité physique est évidemment bonne pour la santé, fournir de gros efforts lors d'un pic de pollution ou même tout simplement dans une zone touchée par une pollution chronique est particulièrement néfaste.

"Si vous pédalez sur une voie de circulation, vous vous retrouvez juste derrière les pots d'échappement. Vous êtes alors extrêmement exposé. Une exposition qui s'accentue du fait de l'effort fourni: vous augmentez le volume d'air respiré, et donc la quantité de particules inhalées."

Les automobilistes encore plus exposés

Ce médecin recommande ainsi de limiter l'effort et de s'écarter le plus possible des grands axes routiers pour leur préférer les zones arborées. "Le vélo électrique permet de limiter l'activité physique et donc de moins ventiler, ajoute-t-il. Les pistes cyclables permettent également de s'en éloigner, bien que parfois insuffisamment."

Enfin, si vous préférez délaisser votre vélo au bénéfice de la voiture afin de préserver vos poumons, sachez que la situation n'est pas meilleure. Car contrairement à ce que l'on pourrait croire, les automobilistes sont encore plus exposés que les piétons et les cyclistes. L'Agence française de sécurité sanitaire et du travail a montré que la concentration des polluants à l'intérieur des voitures était trois à cinq fois plus importante qu'à l'extérieur.

Pierre Souvet conseille ainsi d'aérer systématiquement son véhicule dès le démarrage et particulièrement après un embouteillage. "À l'intérieur de l'habitacle, les polluants se concentrent dans un faible volume d'air, d'autant plus que les systèmes d'aération des véhicules se situent au niveau des pots d'échappement." Mauvaise nouvelle si vous êtes adepte des transports en commun, cela vaut également pour les bus.

quid des masques anti-pollution?

L'efficacité des masques anti-pollution semble relative. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) considère que leur bénéfice pour la santé n'est pas démontré. "L'efficacité revendiquée par les masques reste une efficacité théorique; l'efficacité en conditions réelles d'utilisation sera très généralement inférieure." L'agence cite différents facteurs qui peuvent affecter leur étanchéité: mauvais ajustement dû à la morphologie du visage notamment pour un enfant ou en présence de barbe, augmentation du débit respiratoire lié à une activité physique mais aussi absence d'entretien ou de renouvellement du masque. Elle pointe également une autre faille: ils ne protègent pas des substances présentes sous forme gazeuse.

"En outre, le port d'un masque dit 'antipollution' peut donner un faux sentiment de protection à son utilisateur et entraîner des comportements conduisant éventuellement à une surexposition aux polluants dans l'air", regrette l'Anses.

Pierre Souvet, cardiologue et président de l'Association santé environnement France, estime lui aussi que la plupart des masques, notamment les masques chirurgicaux simples, sont inutiles. Il nuance tout de même les conclusions de l'Anses et considère que les masques complets qui couvrent le menton, la bouche, le nez et les yeux présentent une petite efficacité. "Bien que très inconfortables, ils limitent la souffrance cardiaque dans une atmosphère polluée."

Céline Hussonnois-Alaya