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Santé

Pesticides: que reproche-t-on au glyphosate?

Le glyphosate est une substance active autorisée en Europe et très largement utilisée en France, en tant qu’herbicide.

Le glyphosate est une substance active autorisée en Europe et très largement utilisée en France, en tant qu’herbicide. - iStock - ilfede

Le glyphosate ne doit pas être classé comme cancérogène, selon des experts européens. Cette substance suscite la controverse depuis plusieurs années car elle est accusée d'être cancérogène et toxique pour l'ADN humain. Seulement, les autorités sanitaires n'arrivent pas se mettre d'accord sur sa dangerosité.

C'est une décision en demi-teinte qu'a rendu l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) à propos du glyphosate, un herbicide notamment vendu sous l'appellation Roundup par la firme Monsanto. Les experts de son comité d'évaluation des risques ont reconnu que cette substance causait des lésions oculaires graves et présentait une toxicité pour les milieux aquatiques, mais n'ont pas évoqué de caractère cancérogène, une question qui fait débat depuis plusieurs années.

"Les preuves scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères pour classer le glyphosate comme cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction", ont-ils indiqué à l'occasion d'une conférence de presse. Un avis qui a son importance puisqu'il "sera pris en compte lorsque la Commission européenne et les États membres envisageront de renouveler l'homologation de l'utilisation du glyphosate en tant que substance active dans les pesticides plus tard cette année", affirme l'ECHA.

Ce dernier indique néanmoins que sa décision n'a pas pris en compte un facteur déterminant, la durée d’exposition, un risque "pris en considération, par exemple, lors de la décision de renouveler l'homologation du glyphosate". La dernière réunion sur le sujet s'était tenue en juin 2016 alors que la licence de l'herbicide arrivait à expiration, et que le débat avait fait rage à Bruxelles pendant plusieurs semaines. En effet, la France et Malte avaient voté contre la réautorisation du glyphosate et sept pays s'étaient abstenus (Allemagne, Italie, Portugal, Autriche, Luxembourg, Grèce, Bulgarie).

Des rapports contradictoires

La décision finale est revenue à la Commission, qui a prolongé son utilisation pour 18 mois. Une hésitation liée à une synthèse du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en mars 2015 qui le classait dans la catégorie "cancérogène probable pour l’homme". "Il y a des preuves limitées de cancérogénicité chez l'homme pour le lymphome non hodgkinien (…) il a également causé des dommages à l'ADN et aux chromosomes dans les cellules humaines", a indiqué cette autorité qui dépend de l'Organisation mondiale de la santé.

Mais alors que ce classement constituait une bonne raison pour les Etats membres de ne pas prolonger l'utilisation du glyphosate l'année suivante, un avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), au nom de l'Union européenne, a conclu neuf mois plus tard "qu'il est improbable que le glyphosate soit génotoxique (qu'il endommage l'ADN) ou qu'il constitue une menace cancérogène pour l'homme".

En France, la question de la dangerosité du glyphosate reste entière puisqu'en 2013 une expertise collective de l'Inserm* affirmait qu'il semblait exister une association entre exposition professionnelle à des pesticides, dont les produits qui contiennent du glyphosate, et certaines pathologies chez l’adulte. Sont cités notamment des risques de maladie de Parkinson, cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non hodgkinien, myélomes multiples).

Au delà du glyphosate, les risques des pesticides

"Par ailleurs, les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant", indique l'Inserm. Pour tenter d'expliquer les conclusions divergentes de l’EFSA avec celles du CIRC, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a procédé à sa propre analyse des risques en février 2016, et s'est montrée plutôt partagée sur le sujet.

Dans ses conclusions, elle indique en effet "qu'une classification en catégorie 1A ou 1B (cancérogène avéré ou présumé pour l'être humain) ne peut être proposée, mais qu’une classification en catégorie 2 (substance suspectée d'être cancérogènes pour l'homme) peut se discuter".

Elle estimait en conséquence que le classement du glyphosate soit rapidement revu par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Au-delà de ce risque supposé, elle s'intéresse également à la question des co-formulants, soit les autres substances mêlées au glyphosate. A ce sujet, la ministre de l'Environnement Ségolène Royal a préféré appliquer le principe de précaution en demandant à l'Anses de retirer du marché les produits associant cet herbicide à certains adjuvants en juin dernier, 132 en tout.

Alexandra Bresson