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Perturbateurs endocriniens: les risques sont-ils minimisés?

Pour les femmes enceintes, les perturbateurs endocriniens sont suspectés d'augmenter le risque de mortalité intra-utérine et de retard de croissance fœtale.

Pour les femmes enceintes, les perturbateurs endocriniens sont suspectés d'augmenter le risque de mortalité intra-utérine et de retard de croissance fœtale. - iStock

Plusieurs scientifiques ont publié une tribune dans le quotidien Le Monde pour dénoncer l'influence des industriels sur la Commission européenne, chargée de légiférer sur l'exposition aux perturbateurs endocriniens. Car malgré toutes les études pointant leurs dangers, leur utilisation n'est pas assez encadrée selon eux.

Au fil des années, de plus en en plus d'études scientifiques pointent le risque des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques omniprésentes dans notre quotidien qui favoriseraient de nombreux maux (baisse de la fertilité masculine, puberté précoce, malformations congénitales, cancers du sein). Bien que de nombreux pays manifestent leur inquiétude à leur égard, leur dangerosité semble sous-estimée au regard des réglementations en la matière.

Une situation que dénonce une centaine de scientifiques internationaux renommés, dont des spécialistes des troubles hormonaux, dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde. Selon eux, les raisons de cette situation sont toutes trouvées: les industriels et leurs enjeux financiers.

Ces derniers sont présentés comme des "marchands de doutes" à l’œuvre dans plusieurs domaines, "des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels" qui "déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse". "Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement", écrivent les chercheurs.

Un "manque de consensus scientifique"

Alors que la Commission européenne souhaite légiférer sur le sujet, ces scientifiques établissent une comparaison avec la lutte pour la protection du climat entrée dans une nouvelle ère grâce aux accords de Paris en 2015. Et ce malgré "la farouche opposition de climatosceptiques sourds au consensus établi par les scientifiques engagés".

"Mais à ces plans d'élaboration pour une telle réglementation dans l'UE s'opposent énergiquement des scientifiques ayant des liens étroits avec les intérêts industriels, ce qui conduit à un manque de consensus scientifique. La même stratégie a été utilisée par l'industrie du tabac", soulignent-ils.

Cette réglementation au niveau européen est très attendue puisque c'est elle qui "fixera de nouvelles normes dans le monde." Mais les signataires craignent que celle-ci demande un niveau de preuve pour l'identification des perturbateurs endocriniens beaucoup plus élevé que "pour d'autres substances dangereuses, telles que les substances cancérogènes".

Pour garantir l'indépendance des études, ils se prononcent pour la création d'une organisation au sein de l'ONU, qui aurait le même rôle que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Celle-ci serait chargée d'évaluer les connaissances scientifiques "à l'abri de l'influence des intérêts privés", concluent-ils.

Des dangers reconnus... mais pas officiellement

Le ministère de la Santé affirme que les perturbateurs endocriniens peuvent interférer sur le système endocrinien de trois façons: "imiter l’action d’une hormone naturelle et provoquer la réponse des cellules cibles à cette hormone, bloquer la fixation d’une hormone sur son récepteur au niveau des cellules cibles et gêner ou bloquer la production ou la régulation d’une hormone ou de son récepteur et donc modifier le signal hormonal."

Ces substances comme le bisphénol A, les parabènes, les phtalates et le distilbène peuvent intervenir par différentes voies: ingestion, inhalation, ou contact cutané. Quant à leur évaluation de leurs risques sanitaires, il reconnaît que celle-ci est complexe et sujette à controverse "en raison notamment de l’absence de critères harmonisés en matière d’identification et d’évaluation du caractère perturbateur endocrinien des substances chimiques".

Plusieurs programmes de recherche s’intéressent aux perturbateurs endocriniens, en France et dans le monde, notamment le Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens (Pnrpe) lancé dès 2005 par le ministère de l’Ecologie et l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

Alexandra Bresson