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Santé

Ouvrir des lits de réanimation ou transférer des malades? Les soignants divisés

Le personnel médical opère un transfert de patients depuis le CHR de Metz, le 29 mars 2020.

Le personnel médical opère un transfert de patients depuis le CHR de Metz, le 29 mars 2020. - JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Les transferts de patients se multiplient ces derniers jours sur le territoire. Un soulagement pour les hôpitaux saturés tandis que certains médecins hospitaliers réclament plus de lits de réanimation.

2000. C'est le nombre de lits de réanimation disponibles dans toute l'Île-de-France, qui compte pourtant près de 13.100 cas de Covid-19 dans ses hôpitaux.

Face à cet afflux croissant de patients au sein des centres hospitaliers, la question du transfert de malades vers d'autres régions moins touchées par l'épidémie ne se pose plus. Quelques Franciliens ont d'ores et déjà été pris en charge dans des hôpitaux de province, des opérations de transferts qui vont se multiplier selon le Dr Rémi Salomon.

"Nous envisageons de transférer d’autres patients dans les prochains jours", a annoncé lundi le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP sur RMC.

Autre région très touchée par l'épidémie de nouveau coronavirus: la région Grand Est. Le week-end dernier ce sont une cinquantaine de patients qui ont été transférés en direction de la Nouvelle-Aquitaine. Ce mardi matin, deux patients du CHU de Metz ont même été transférés en Allemagne.

Des lits plutôt que des hélicoptères

Des opérations complexes qui requièrent beaucoup de personnels. 150 soignants auraient ainsi été déployés pour le transfert d'une vingtaine de malades en train sanitaire selon Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et syndicaliste CGT santé.

"Bien sûr cela soulage les deux régions que sont le Grand Est et l'Île-de-France", reconnaît l'urgentiste sur franceinfo qui estime toutefois qu'il faudrait ouvrir "des lits de réanimation plutôt que d’envoyer des hélicoptères, des équipes qui font des centaines de kilomètres, ou des TGV à l’autre bout de la France."

Christophe Prudhomme confie être - lui et certains de ses collègues - "un peu énervés d'être obligés de subir ces décisions qui nous mobilisent au delà du nécessaire" et réclame des lits de réanimation dans des locaux existants et des hôpitaux que le directeur général de l'AP-HP "a fermé et est en train de fermer", se référant à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris et à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis). 

Dans un communiqué de presse publié sur Twitter, l'AMUF martèle que la solution "ne peut pas être de multiplier les trains sanitaires à travers le pays" et demande l'augmentation immédiate du nombre de lits de réanimation.

"Un lit de réanimation n'est pas qu'un lit"

Philippe Juvin, chef de service des urgences à l'hôpital Georges Pompidou AP-HP se veut plus rassurant:

"On a déjà doublé en Île-de-France le nombre de lits de réanimation et on en fait là où on n'en faisait pas il y a un mois".

Le professeur reconnaît toutefois qu'il y a "un moment où la question du nombre de ventilateurs va se poser [...] on est ric-rac partout et c'est parfois le système D".

Il s'agit de "la problématique" pour le professeur Alain Combes. Le chef du service de réanimation à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière explique ainsi qu'augmenter la capacité de lits de réanimation sur les différents hôpitaux d’Île-de-France n'est pas chose aisée: 

"Ce n'est pas qu'un lit: il faut aussi des respirateurs, des pousse-seringues pour faire passer les médicaments et il faut surtout du personnel, notamment infirmier".

Le professeur n'exclut pas de recourir à des formations accélérées pour certains soignants "si l'on a besoin d’ouvrir beaucoup de lits dans les jours qui viennent".

Dans un entretien accordé ce mardi au journal Libération, Martin Hirsch tient à souligner la nécessité de ces opérations de transferts de patients pour désengorger les hôpitaux franciliens. S'il estime qu'il ne s'agit pas d'un problème "d'ordre administratif", le directeur général de l'AP-HP reconnaît qu'il puisse "y avoir aussi, et c'est logique, des balancements de doctrine pour savoir s’il vaut mieux transférer des malades ou transférer des équipes et du matériel." 

Hugues Garnier