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Ouvriers blessés par balles : le trafic de drogue en cause ?

« Sur certaines zones, certains délinquants estiment qu’ils ont des droits particuliers… », explique le secrétaire départemental du syndicat policier Alliance.

« Sur certaines zones, certains délinquants estiment qu’ils ont des droits particuliers… », explique le secrétaire départemental du syndicat policier Alliance. - -

Deux ouvriers du BTP ont été blessés par balles lundi dans une cité de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis. La police recherche toujours le tireur, qui a fui en scooter. Sur place, habitants et forces de l’ordre pointent du doigt le trafic de drogue de « délinquants qui estiment avoir tous les droits ».

Lundi matin à Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, deux ouvriers du BTP ont été blessés par balles. Quatre ou cinq coups de feu auraient été tirés par un inconnu, blessant aux jambes deux des trois ouvriers qui se trouvaient dans un local en dur de ce chantier de construction de 440 logements sociaux. Le chantier est suspendu jusqu'à nouvel ordre. Une réunion doit avoir lieu à 15h ce mardi à la préfecture de Seine-Saint-Denis pour établir un calendrier de reprise.

« On leur disait de s'occuper de leurs affaires »

Les jours des deux ouvriers ne sont pas en danger. Le tireur a pris la fuite sur un scooter. Les policiers ont retrouvé sur place l'ogive d'un projectile, et sont toujours à sa recherche. Aucun élément ne permet encore de comprendre les motivations de ces tirs. Le maire PS de la commune, Michel Fourcade, a fait état de « menaces verbales, des pressions » proférées ces derniers temps à l'encontre des ouvriers du chantier. « On leur disait qu'il fallait qu'ils s'occupent de leurs affaires », a-t-il expliqué.
La première tranche de ce chantier dans la cité des Poètes, qui avait permis de livrer 17 logements neufs, avait été marquée par une affaire de racket : en mars 2011, des personnes qui avaient exigé d'être embauchées comme vigiles sur la construction du premier bâtiment, celui-là même qui abrite le local où a eu lieu la fusillade, avaient été interpellées dans ce cadre.

« La rénovation déstructure leur trafic »

Sur place, comment réagissent les habitants ? Cela fait 50 ans qu'Isabelle habite le quartier. L'agression d'hier n’est pas une surprise pour elle. Car ici, c'est quasiment toujours la même chose, dès qu'un nouveau chantier arrive, les menaces et le chantage des trafiquants suivent : « ça rénove, donc ça désenclave, ça déstructure leur trafic, parce que là ils passent d’immeuble en immeuble, ils sont tranquilles. Dès lors qu’on essaie de faire quelque chose de mieux, ça les désoriente ».

« On leur explique que c’est pour leur bien, mais... »

Ali Gök, le directeur du chantier, mène souvent des rénovations dans des quartiers difficiles de banlieue. Mais ce qu'il s'est passé hier, c'est du jamais-vu pour lui : « On sait qu’il y a toujours des petits accrocs avec des jeunes du quartier, on sait aussi être pédagogues, leur parler, leur expliquer que c’est pour leur bien, pour la rénovation de leur quartier, qu’on est là. Mais on pensait pas du tout que ça arriverait jusqu’à tirer à balles réelles sur les ouvriers ».

« On veut 300 à 400 fonctionnaires supplémentaires »

Pourquoi les chantiers de rénovation urbaine ont-ils tant de mal à se dérouler normalement dans ces quartiers sensibles ? Christophe Ragondet, secrétaire départemental du syndicat policier Alliance, explique : « A partir du moment où vous rentrez sur certaines zones, certains délinquants estiment qu’ils ont des droits particuliers : exercer du racket, du trafic de stupéfiants… Tous ces crimes et larcins sont sur leur zone, ils estiment qu’ils ont absolument tous les droits. Les forces de police du département répondent présentes tout le temps. Mais il est évident que vous ne pouvez pas avoir un policier tous les dix mètres. Encore une fois nous réclamons une forte augmentation significative des effectifs, 300 à 400 fonctionnaires supplémentaires, pour pouvoir créer une présence supplémentaire ».

J.V. avec Benjamin Smadja