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"On va droit dans le mur": l'épidémie de Covid-19 explose en Île-de-France, les soignants désemparés

Les marqueurs permettant de rendre compte de la diffusion du Covid-19 en Île-de-France s'affolent. Les taux d'incidence sont au plus haut et les services de réanimation sont saturés.

Jeudi dernier, devant la situation épidémique, le gouvernement a choisi de reconfiner - sous des modalités bien différentes, plus souples, que les fois précédentes - 16 départements. Au premier rang de ceux-ci, les huit composant l'Île-de-France.

Cette décision n'a pas encore eu le temps de montrer son éventuelle efficacité et quelques jours après la mise en place du nouveau dispositif, les jauges permettant de rendre compte de la diffusion du Covid-19 sur un territoire continuent de grimper dans la région francilienne.

La flambée du taux d'incidence

Le taux d'incidence est par exemple de 549 cas pour 100.000 habitants ce mardi matin en Île-de-France, contre 350, il y a deux semaines - un nombre qui était alors déjà jugé préoccupant. Et ce n'est là qu'une moyenne: ainsi en Seine-Saint-Denis, on relève 683 cas pour 100.000 habitants - c'est le département le plus touché en France métropolitaine.

La situation s'en ressent évidemment au niveau des formes graves, et 1325 malades sont hospitalisés dans les unités de soins critiques de la région. C'est davantage que lors du pic de la deuxième vague.

"L'épidémie s'emballe"

En conséquence, devant cet afflux et la charge qu'il implique pour les hôpitaux, le directeur de l'Agence régionale de Santé d'Île-de-France, Aurélien Rousseau, a déjà demandé la déprogrammation de 40% des interventions sans lien avec le coronavirus prévues, comme il l'a glissé au Monde lundi. "Il faudra peut-être aller plus loin, et déprogrammer davantage encore d’opérations, mais cela pose de gros problèmes", a-t-il ajouté.

Il faut dire qu'il faut à la fois dégager du temps, de la place, du matériel et des bras: on s'attend à voir arriver 1530 malades du Covid-19 dans les hôpitaux de Paris et sa double couronne en début de semaine prochaine.

"Dans la région parisienne, l’épidémie s’emballe, tous les indicateurs progressent de façon violente. Il faut qu’on arrive à casser ces courbes, pour reprendre le contrôle de l’épidémie", a encore souligné le directeur de l'Agence régionale de Santé auprès du quotidien du soir.

Pas loin du "point de rupture"

L'inquiétude est générale chez les soignants. "La proportion de lits Covid dans le service et l’intensité des soins augmentent progressivement. On a commencé d’abord avec huit lits, maintenant on est à 20 lits. On a des paliers qui sont anticipés et vont monter encore un peu. Mais l’élastique se tend de plus en plus", a ainsi posé Nicolas Roche, chef du service de pneumologie de l’hôpital Cochin AP-HP, devant nos caméras, avant de reprendre:

"On n’est pas actuellement au point de rupture mais on s’en est beaucoup rapproché. On a l’impression qu’il n’est pas loin".

Dans l'édition du jour du Parisien, Jean-François Timsit, pneumologue et chef du service de réanimation de l’hôpital Bichat, y est allé franchement: "Nous avons de grosses difficultés à prendre de nouveaux patients. À ce rythme-là, on va droit dans le mur."

Les unités qu'il dirige sont elles aussi surchargées: "On ne peut plus en ouvrir, la prochaine étape sera de mettre les patients dans des blocs opératoires inoccupés. Partout, c'est plein, plein, plein."

Des semaines "difficiles"

Jean-François Timsit doit donc penser l'avenir immédiat, et il lui apparaît sous des tons bien sombres: "Il est possible que l'on soit obligé de mettre des malades dans le couloir ou de doubler les chambres, même pour les situations les plus graves."

"Dans tous les cas, nous savions que les deux prochaines semaines allaient être difficiles, mais on devine désormais que les suivantes le seront tout autant. Je suis très inquiet", a-t-il dit plus tard.

Et les soignants manquent d'alternatives. Le dispositif mis en place par le gouvernement? "Ce qui a été décidé ces derniers jours n'a aucune chance de casser l'épidémie", évacue Jean-François Timsit. Les capacités d'admission? "En réanimation, nous augmentons progressivement le seuil de gravité pour y admettre un malade. Pour les autres, on se débrouille comme on peut en les mettant en soins dits intermédiaires", déplore-t-il, craignant de devoir proposer sous peu une réanimation "dégradée".

Quant au transfert de patients... "Le problème, c'est qu'il n'y a aucune possibilité de transferts sanitaires de malades vers d'autres régions. Ils sont systématiquement refusés par les familles. Nous recevons des lettres de menace, avant même que les équipes ne l'envisagent", signale-t-il.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV