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"On a l'impression que le sort s'acharne": ces familles touchées par de multiples cas de cancers

Un couples de personnes âgées de se tiennent la main (photo d'illustration)

Un couples de personnes âgées de se tiennent la main (photo d'illustration) - FreePik

Quelques mois après le roi Charles III, la princesse de Galles a annoncé être aussi atteinte d'un cancer. Tout comme la famille royale, de plus en plus de familles sont aujourd'hui touchées par la maladie à de multiples reprises, parfois en même temps. Elles racontent cette épreuve à BFMTV.com.

"Quand est-ce que ça va s'arrêter?" Ces derniers mois, Laura Abou a comme l'impression que "le sort s'acharne" sur elle et ses proches. En moins de deux ans, quatre membres de sa famille ont reçu un diagnostic de cancer, à l'image de la famille royale britannique qui voit Charles III, Kate Middleton ainsi que Sarah Ferguson être touchés par des cancers au même moment.

Pour Laura Abou et sa famille, le calvaire a commencé avec la sœur de son mari en novembre 2022. Cette femme de 40 ans est morte seulement quelques semaines après avoir été diagnostiquée d'un cancer de l'estomac.

"Ça commence à faire beaucoup"

Puis en avril et juillet 2023, son père de 62 ans et sa sœur du même âge sont diagnostiqués du même cancer du poumon à trois mois d'écart. Un cancer qui sera fatal à Jean Abou en novembre 2023. Mais la série ne s'arrête malheureusement pas là: en août dernier, une belle-sœur du côté de son mari apprend à son tour qu'elle est atteinte d'un cancer du pancréas, alors qu'elle n'a qu'une quarantaine d'années.

"Ça commence à faire beaucoup", souffle cette femme de 40 ans, assistante maternelle à Pamiers (Ariège). "On se pose des questions. À force, on ne peut pas s'empêcher de se demander si ça ne va pas finir par nous arriver à nous, et ce qu'on ferait dans telle ou telle situation".

Entre la fin d'année 2020 et le début de 2021, Elisabeth Chizalet et sa belle-sœur ont elles vu leurs deux maris tomber malades en même temps. Son compagnon Jean-Marc, 67 ans, a d'abord été diagnostiqué d'un cancer de la vessie puis son frère Bernard de 62 ans a appris six mois après qu'il avait un cancer de la langue. Aujourd'hui, les deux frères sont tous les deux en rémission.

Près de quatre ans après, Elisabeth Chizalet se souvient de la lourde tâche d'annoncer la maladie de son frère à son mari, alors en plein traitements. "Quand sa femme m'a prévenu, je n'ai pas osé le dire tout de suite à mon mari parce que je redoutais sa réaction, d'autant qu'il était plutôt fragile", raconte la sexagénaire, commerçante près de Chamonix (Isère).

Une épaule pour avancer

Finalement, le grand frère a pris une posture d'autorité à ce moment-là pour remonter le moral son cadet, complètement abattu par l'annonce de son diagnostic. "Ça lui a mis un sacré coup, je l'ai vu, mais c'est une force de la nature et il n'a pas laissé l'accumulation de mauvaises nouvelles le plomber", raconte sa femme, avec le recul.

Au contraire, c'est lui qui est allé remonter le moral de son frère lorsqu'il était au plus bas. "Mon beau-frère sombrait complètement moralement et je me souviens qu'un jour Jean-Marc l'a trouvé enfermé dans le noir chez lui. Il est allé le secouer au moment où il fallait. Il lui a ouvert ses volets, lui a dit qu'il faisait grand soleil et qu'il fallait qu'il continue à vivre... Et petit à petit, le fait de voir Jean-Marc aller de mieux en mieux l'a aidé à remonter la pente".

"Ils se sont motivés mutuellement. C'était incroyable de les voir s'épauler et remonter comme ça l'un grâce à l'autre", confie Elisabeth Chizalet.

Selon elle, cette épreuve a à la fois rapproché et éloigné les deux hommes. D'un côté, la maladie a créé "un lien fort" entre eux, mais de l'autre "quelque chose s'est défait". Depuis, Jean-Marc et Bernard se voient beaucoup moins souvent qu'avant, "comme s'ils voulaient oublier cette période où ils étaient souvent ensemble pour se soutenir".

De la même manière, la mort du père de Laura Abou est difficile à encaisser pour sa sœur, atteinte du même cancer. "C'est difficile de ne pas faire le lien entre eux, même si chaque cas est différent", commente sa nièce, trentenaire. "On s'inquiète forcément que ça se passe de la même façon. La semaine dernière, elle a subi la même opération que lui dans le même service du même hôpital... On se demande tous évidemment si elle va avoir les mêmes complications que mon père, si elle va passer par les mêmes moments que lui ou pas".

Le rôle des mutations génétiques

Lorsque plusieurs personnes d’une même famille sont atteintes du même cancer, il peut s’agir d’un cancer héréditaire dû à une anomalie génétique qui se transmet d’une génération à l'autre. Cette mutation génétique est à l'origine de 5% des cancers selon l'Agence de la biomédecine.

Lorsqu'il a appris que sa sœur de 70 ans avait un cancer du rectum métastasé à l'été 2021, Francis a tout de suite fait le lien avec ses propres symptômes. Depuis quelques semaines, cet homme de 71 ans était lui-aussi victime de saignements hémorragiques anaux, tout comme Rollande. Mais bouleversé par la maladie puis la mort de sa soeur, le septuagénaire n'a pas voulu faire les examens médicaux nécessaires tout de suite.

"Il a d'abord été dans le déni et nous a caché ses symptômes plusieurs mois", se rappelle Sophie, sa nièce de 34 ans. "Mais après coup, il nous a dit qu'il se doutait à ce moment-là qu'il était concerné aussi, d'autant que leur père était mort du même cancer des années auparavant".

En février 2022, il est néanmoins diagnostiqué de deux cancers: un au rectum et un à l'œsophage, localisés. "Ça a été un coup dur pour ma cousine qui a vu ma mère dépérir de la même chose, même si j'ai pris soin de la rassurer en insistant sur le fait que lui n'avait heureusement pas de métastases".

"La maladie du siècle"

"Au début elle appréhendait beaucoup de m'en parler, vu que je venais de perdre ma mère de ça", explique Sophie. "Mais finalement elle s'est rendue compte que j'étais justement la plus apte à l'écouter car j'étais passée par là, et j'étais sans doute la mieux placée pour trouver les bons mots dans une telle situation... C'est plus facile quand on vit la même chose".

Sophie se dit à la fois "très peinée" et "abasourdie" que sa famille doive "à nouveau affronter ça". "Ça fait peur, d'une certaine manière", poursuit-elle. "Je ne me fais plus d'illusions, je n'y échapperai pas non plus. C'est un peu la roulette russe".

"C'est un peu la maladie du siècle. On le voit avec Kate et Charles mais aussi avec les nombreux influenceurs récemment diagnostiqués, ça va faire partie de notre quotidien et on doit se faire à l'idée qu'une majorité d'entre nous ou nos proches seront confrontés à ça au cours de notre vie", conclut Sophie, résignée.

Alors qu'ils traversent la même épreuve, Sophie veille désormais à ce que son oncle ait accès aux meilleurs soins. Elle met également à profit sa douloureuse expérience pour conseiller sa cousine, et aiguiller son oncle sur les meilleurs services spécialisés dans le traitement des cancers digestifs. Sur les conseils des médecins, le troisième frère de Francis et Rollande, lui, a récemment passé toute une batterie d'examens médicaux qui se sont révélés rassurants.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV