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Santé

Obésité infantile: la fin des personnages animés sur les aliments trop gras et sucrés?

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- - iStock - MachineHeadz

Alors que l'Europe n'est pas épargnée par une hausse de la prévalence de l'obésité infantile, le Bureau européen des unions consommateurs s'attaque à l'un des facteurs qui serait en partie responsable: l'utilisation de mascottes par les fabricants pour promouvoir des aliments très peu équilibrés.

"Manger cinq fruits et légumes par jour", "limiter les aliments gras, salés, sucrés"... ces messages sanitaires sont à présent bien connus des consommateurs et ont permis un certain impact nutritionnel positif. Mais c'est aussi le cas du "marketing alimentaire" qui "englobe toute activité menée par une entreprise industrielle ou commerciale visant à promouvoir l’achat de ses produits.", selon l'Inserm*.

L'un des exemples les plus concrets est actuellement dans la ligne de mire du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC): des publicités ou des emballages de denrées alimentaires qui utilisent "des mascottes". Une pratique qui vise particulièrement les enfants et c'est justement ce qui dérange les experts.

Ainsi, le BEUC fait savoir dans un communiqué de presse qu'il appelle aujourd'hui les entreprises alimentaires européennes et les détaillants (Kellogg's, Auchan, Carrefour, Ferrero) à cesser d'utiliser des personnages de dessins animés lors de la commercialisation d'aliments pauvres en nutriments destinés aux enfants.

"Selon l'Organisation mondiale de la santé, il existe des preuves sans équivoque selon lesquelles la commercialisation d'aliments riches en matières grasses, en sucre et en sel est fortement liée à l'obésité infantile. Les personnages de dessins animés sont une méthode de marketing particulièrement puissante et convaincante pour cibler les enfants.", expliquent ses membres.

A l'inverse, les aliments sains n'en bénéficient pas

Ces derniers ont mené leur propre expérience qui a permis de constater à quel point cette pratique est courante. Ils ont examiné la présence de "mascottes" sur les étagères de supermarchés et lors de publicités dans 13 pays dont la France. Ils se sont intéressés aux humains fictifs, aux dessins animés d'animaux et aux objets animés utilisés pour ce fameux marketing alimentaire.

Ils ont pris en compte les personnages sous licence, tels que les Minions ou Batman, et les mascottes de marque, comme le lapin de Nesquik ou le "Tony the Tiger" des céréales Frosties. Les résultats ont montré que la quasi-totalité de ces mascottes apparaissait sur des aliments trop chargés en sucre, sel ou en graisses. Sur plus de 100 exemples, seul un personnage pour enfants était utilisé pour promouvoir un aliment sain: les "Minions" sont utilisés en Grande-Bretagne pour promouvoir le maïs en conserve.

Cette annonce intervient au moment où les ministres de la Santé des Etats de l'UE doivent se réunir le 16 juin à Bruxelles pour adopter des lignes directrices en ce qui concerne la lutte contre l'obésité infantile. En attendant de savoir si ces derniers vont en tenir compte, Monique Goyens la directrice générale du BEUC a envoyé une lettre à plusieurs marques (Carrefour, Danone et Kellogg’s parmi les plus connues) dans lesquelles elle les "exhorte" à mettre fin à l'utilisation de leurs personnages.

Un impact sur l'élaboration des préférences alimentaires

"Avec un enfant sur trois en Europe ou en surpoids ou obèses, il est crucial de prendre rapidement des mesures pour s'attaquer à ce grave problème de santé publique, écrit-elle. Des personnages dessinés attrayants suggèrent un sentiment d'amusement et d'aventure pour les jeunes enfants qui peuvent développer des liens émotionnels avec les personnages. La recherche scientifique a montré qu'ils peuvent avoir une influence puissante dans l'élaboration des préférences alimentaires et des demandes d'achat des enfants."

La directrice générale fait également savoir que pour cette mesure de restriction soit efficace, elle ne doit pas se limiter à la publicité, mais aussi être étendue aux emballages. Un pays fait office d'exemple à suivre dans ce domaine, les Pays-Bas. Monique Goyens cite l'initiative de la Fédération néerlandaise de l'industrie alimentaire, représentant 450 entreprises alimentaires sur le territoire, qui a décidé en décembre 2016 de restreindre l'utilisation de personnages sous licence pour les emballages.

"Les gouvernements nationaux doivent pousser les entreprises à utiliser les 'cartoons' de manière plus responsable. Nous ne demandons pas que Tony the Tiger ou les Minions disparaissent des publicités, nous voulons simplement que les produits vendus aux enfants soient plus sains", indique-t-elle dans le communiqué de presse. En France, l’Inserm a été sollicité fin 2013 pour réaliser une expertise collective afin d’analyser l’impact de messages sanitaires diffusés par les médias de masse sur les cognitions, attitudes, intentions et comportements.

Les experts recommandent notamment "de réduire l’exposition des enfants au marketing pour des produits de mauvaise qualité nutritionnelle et d’en limiter les effets en interdisant par exemple les publicités télévisées durant les plages horaires visionnées par un nombre important d’enfants." Ils recommandent également d’interdire le recours "à des techniques dotées d’un pouvoir de persuasion particulièrement fort" comme l’utilisation de porte-parole de marque (sportif, chanteur, etc.).

*Institut national de la santé et de la recherche médicale 

Alexandra Bresson