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Ne pas reconfiner l'Île-de-France, une faute politique?

En Île-de-France, le taux d'incidence a grimpé à 350 et les services de réanimation franciliens ont atteint un niveau d'occupation de lit inquiétant. Pour certains médecins, il s'agit d'une "erreur sanitaire et politique".

"Le confinement de l'Île-de-France n'est pas d'actualité", a martelé au micro de RTL ce mardi Jérôme Salomon, le Directeur général de la Santé, à la veille d'un nouveau conseil de défense sanitaire. Pourtant, les services de réanimation franciliens ont atteint un niveau d'occupation de lits inquiétant. Pour certains médecins, la décision de ne pas reconfiner est "une erreur politique".

Les services de réanimation sous tension

Jusqu'alors, l'exécutif justifiait "le fait le non-reconfinement de l'Île-de-France par le fait que les réa étaient un peu moins pleines qu'ailleurs en France, et bien ce n'est plus le cas", déplore sur BFMTV le professeur Gilbert Deray, chef du service de néphrologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. "Moi je fais partie de ces gens qui disent: ce n'est pas ce qu'il fallait faire".

La région parisienne, confrontée au variant anglais, plus contagieux, a en effet vu le nombre de malades du Covid-19 monter en flèche dans les services de réanimation de ses hôpitaux. Avec 1018 malades en soins critiques dans les hôpitaux d'Île-de-France ce mardi pour "moins de 1050" lits disponibles en théorie, la pression hospitalière s'accentue, selon l'Agence régionale de santé (ARS).

Mais les tensions du nombre de lits sont-elles bien imputables au Covid? Ce n'est pas l'avis de Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation de l'hôpital Lariboisière à Paris. Selon lui, la tension actuelle "réflète une situation d'insuffisance chronique de lits de médecine intensive/réanimation que l'on ressent déjà depuis plusieurs années. Tous les hivers, nous sommes quasimment dans la même situation de travail à flux tendu" dans la région.

L'exécutif n'écoute-t-il plus les médecins?

Toutefois la hausse du nombre de patients en réanimation s'accèlère de jour en jour, puisque 170 patients de plus ont été admis dans les services de réa d'Île-de-France en 24 heures, une première depuis novembre dernier. À l'échelle régionale, le taux d'incidence est également préocupant. Il a grimpé à 350 cas pour 100.000 habitants pour l'Île-de-France, selon des chiffres arrêtés à samedi. Ce niveau est bien au-dessus du seuil d'alerte maximale fixé à 250 par le gouvernement, ce qui n'augure pas d'un soulagement dans les hôpitaux.

Pourtant, pour Jérôme Salomon, le confinement doit être proposé que "si nous avions l'impression que l'hôpital ne pouvait pas tenir et que nous étions en face d'un risque majeur de ne pouvoir accueillir les malades graves à l'hôpital."

Une décision incompréhensible pour Axel Kahn, président de la Ligue Nationale contre le cancer, invité sur notre plateau ce jour. Plus généralement à l'échelle nationale, il estime que "la situation actuelle, même si elle n’évolue pas, est tout simplement intolérable." Et d'ajouter que le fait de ne pas reconfiner, a minima le week-end, est "une erreur sanitaire, et c’est une erreur politique d’avoir fait cette erreur sanitaire".

"Ca aurait permis d'étouffer le variant"

Stéphane Gaudry, professeur de médecine intensive réanimation à l'hôpital Avicenne de Bobigny invité sur BFMTV considère qu'un confinement dès le mois de février aurait eu un triple intérêt: "éviter que les enfants soient déscolarisés, casser complètement la courbe et assumer de pouvoir dire dans quatre semaines on rouvre. Ça aurait permis d'étouffer le variant et de gagner du temps sur la vaccination".

Le professeur rappelle que l'ARS a réclamé la déprogrammation de 40% des activités des hôpitaux et cliniques pour accueillir les malades du Covid-19. "La saturation a déjà lieu", observe-t-il.

"Quand vous déprogrammez, vous réduisez la qualité des soins que vous offrez à la population. Quand vous faites comme c'est en train d'être faits, vous ouvrez des lits éphémères, vous faites une qualité de soin inférieur", ajoute-t-il.

"Il faut que les Franciliens soient bien conscients du prix que nous payons à ne pas confiner. Ce prix, ce ne sont pas les soignants qui le paient, ce sont les patients et leurs familles."

"Un phénomène d'éviction"

"Il faut le reconnaître, en Île-de-France on a des situations qui sont très alarmantes", reconnaît Sacha Houlié, député LaREM de la Vienne à notre antenne, mais "il n'y a pas de volonté politique de confiner l'Ile-de-France pour des raisons économiques, psychologiques, politiques". Le député macroniste estime aussi que le fait de ne pas reconfiner l'Île-de-France s'explique par un "phénomène d'éviction".

"Si on confine l'Île-de-France le week-end, on sait très bien qu'il y en aura qui pourront la quitter et pas d'autres. Et là on créé des inégalités", remarque-t-il. "À ce stade, je pense que c'est une bonne décision", affirme encore Sacha Houlié.

Le député de la majorité insiste également sur l'acceptabilité de nouvelles restrictions: "les gens en ont marre et on ne peut pas leur reprocher."

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