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#Metoo hôpital: Agnès Buzyn confie avoir été renvoyée à un simple "fantasme sexuel" alors qu'elle était médecin

Agnès Buzyn, le 24 janvier 2020 à Paris

Agnès Buzyn, le 24 janvier 2020 à Paris - Alain JOCARD

L'ancienne ministre de la Santé, également médecin, assure avoir subi du harcèlement alors qu'elle était professeure au début des années 2000. Les témoignages de harcèlement sexiste et sexuel se multiplient dans le milieu hospitalier ces dernières semaines.

Une ex-membre du gouvernement se confie. Alors que la parole se libère sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier, au point qu'on parle désormais d'un #Metoo hôpital, l'ancienne ministre de la Santé (2017-2020) Agnès Buzyn s'exprime à son tour. Elle évoque le harcèlement qu'elle a subi en tant que médecin avant de rejoindre le gouvernement, dans le documentaire Des blouses pas si blanches diffusé ce dimanche 5 mai sur M6.

Considérée comme un simple "fantasme sexuel"

Alors qu'elle souhaite devenir professeure, au début des années 2000, Agnès Buzyn se souvient de la réaction d'un responsable important au sein de la communauté médicale.

"Le président de la communauté médicale avait dit: 'Agnès Buzyn est venue me voir dans mon bureau pour parler de sa candidature comme professeure. C'est drôle, à chaque fois que je la vois arriver dans mon bureau, je l'imagine avec un fouet et des bottes'", souffle-t-elle.

"C'est incroyable! Qu'on me renvoie à un fantasme sexuel était atroce", confie-t-elle en toute franchise.

Insupportable d'avoir "une femme au-dessus d'eux"

Après avoir acquis le titre qu'elle espérait, Agnès Buzyn, qui a alors déjà 20 ans d'expérience derrière elle, raconte avoir vu le regard de ses confrères changer d'une façon qu'elle n'attendait pas. "Le fait d'avoir un titre, tout d'un coup, les rend fous furieux", dit-elle.

"Je sens une immense agressivité de mes collègues", assure-t-elle.

"J'ai ressenti que les hommes ne supportaient pas d'avoir une femme hiérarchiquement au-dessus d'eux", analyse aujourd'hui l'ancienne ministre.

"J'ai cru que j'allais mourir"

S'ensuivent quatre années durant lesquelles Agnès Buzyn dit avoir subi un harcèlement répété de la part de ses confrères de l'hôpital Necker.

"J'ai cru que j'allais mourir, sincèrement. Ça a été d'une telle violence, d'une telle mise à l'écart. J'étais épuisée. Je pense que si je n'avais pas eu des enfants, à cette période-là, j'étais vraiment pré-suicidaire", lâche-t-elle.

Finalement, ces actes répétés ont raison de sa carrière hospitalière. "Ça devenait tellement fou que j'ai décidé de m'extraire de mon métier de médecin", dit Agnès Buzyn.

Une omniprésence masculine

Agnès Buzyn confie avoir eu un déclic en 2003, alors qu'elle est professeure depuis peu de temps. Entrant dans la salle où se trouvent ses confrères, elle note: "il y avait 32 membres, 32 hommes".

"C'est ce jour-là que j'ai réalisé l'anomalie", dit-elle, évoquant un "dysfonctionnement grave".

"Je me suis dit: 'comment se fait-il que dans un groupement hospitalier qui comprend l'hôpital européen Georges Pompidou, l'hôpital Necker, l'hôpital Cochin, comment se fait-il que, pour une commission qui doit identifier les futurs cadres de l'hôpital, ils n'aient trouvé que 32 hommes et aucune femme?", déplore-t-elle.

Une autre ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, aussi docteure en pharmacie, avait elle aussi confié en avril dernier sur France 5 avoir été témoin de séances de "bizutage" humiliantes et avoir été confrontée à des formes d'abus de la part de chefs de service dans sa carrière à l'hôpital, sans en dévoiler la nature.

En réponse à la multiplication des témoignages de harcèlement dans le milieu médical, le ministre délégué en charge de la Santé Frédéric Valletoux a réagi en avril dernier. "La culture de l'impunité, si tant est qu'elle existe ici ou là, c'est terminé", a-t-il promis sur France Inter.

Juliette Desmonceaux