BFMTV
Santé

Massacre à Charlie Hebdo: comment en parler aux enfants?

Enfant portant une pancarte "Je suis Charlie", lors d'une manifestation de solidarité à Istanbul, le 8 janvier 2015.

Enfant portant une pancarte "Je suis Charlie", lors d'une manifestation de solidarité à Istanbul, le 8 janvier 2015. - Bulent Kilic - AFP

Comment expliquer la barbarie à des enfants et leur permettre d'appréhender l'horreur absolue des assassinats perpétrés mercredi au journal Charlie Hebdo ? Voici quelques clefs et repères psychologiques pour éviter les écueils et trouver son juste rôle d'éducateur.

Au lendemain des assassinats terroristes perpétrés mercredi au journal Charlie Hebdo, l'émotion reste très vive dans une société française endeuillée et meurtrie. Les enfants ne sont nullement épargnés par le flot continu d'images, de commentaires, de réactions à chaud qui déferlent dans les médias et dans leur environnement scolaire, familial ou de loisirs. Pour les parents ou tuteurs, les questions se bousculent. Comment aborder ces faits extrêmement graves et choquants avec de jeunes enfants? Existe-t-il un risque de traumatisme? Les réponses d’un psychiatre.

> Faut-il parler des attentats aux enfants?

Pour le psychiatre Bernard Faurie, il s’agit d’une question en trompe-l'œil, puisque "les enfants entendent forcément parler de ces événements". "Si l'on pense qu'on a une responsabilité éducative, il faut leur en parler pour qu'ils ne retiennent pas uniquement les propos provenant de sources incontrôlées. On est obligé de s'enquérir de ce qu'ils ont vu et de le commenter. C'est d'autant plus important que ces gens assassinés étaient proches de nous. Ce n'est pas la même chose quand ils entendent parler de la mort de 200 Bengalis, beaucoup plus abstraite pour eux".

> A partir de quel âge peut-on leur en parler?

Pour le docteur Bernard Faurie, les enfants "comprennent très, très tôt et sont tous différents". Il souligne que "malgré les apparences, nous vivons dans un monde qui n'a jamais été aussi peu brutal, mais paradoxalement, on n'a jamais été aussi au courant des brutalités qui s'y perpétuent". Mais attention à ne pas soulever des problèmes que les enfants ne se posent pas encore, prévient le praticien: "Chaque enfant est différent, la grosse difficulté est de savoir quand et comment leur en parler, sans anticiper des questions qu'ils ne se posent pas."

Selon Stéphane Clerget, pédopsychiatre interrogé par Europe 1, "les enfants ne disposent pas de la capacité de comprendre ce type de drames". Il faudrait donc, dans l'idéal, les en préserver et notamment les protéger des images diffusées en boucle dans les médias. Isabelle Levert, psychologue clinicienne, insiste de son côté sur la nécessité de "mettre du sens, de donner aux enfants des clés pour comprendre, pour sortir de la confusion". "Ils vont avoir besoin d'en parler et d'en reparler jusqu'à ce que la charge traumatique disparaisse", explique-t-elle.

> Faut-il faire part de sa propre émotion?

Tout dépend du but recherché. "Si c'est pour tenir un discours de repli sur soi, identitaire, ce n'est peut-être pas indispensable de montrer sa colère", tranche Bernard Faurie. Le psychiatre ne condamne en revanche pas cette expression: "Expliquer qu'on est triste parce que des gens ont été tués, oui. Tout est question de juste milieu. Il ne faut pas paraître d'une part comme une bête, un robot, mais pas non plus, d'autre part, comme une pauvre dentelle qui part en lambeaux à la moindre émotion".

La manœuvre consistera à rassurer le plus possible, en ayant un rôle de "pare-excitation" au sens de ce que décrivait le psychiatre Donald W. Winnicott. La primauté étant ici donnée à la figure maternelle, il s’agit de permettre à l'enfant "par ses soins, sa protection" de "tempérer des excitations dont l'intensité trop importante dépasserait ses capacités d'y faire face", explique le site la-pyschologie.com.

A noter, pour aller plus loin dans les explications pratiques à donner à ses enfants, la mise à disposition en accès libre ce jeudi par le groupe de presse Playbac, de numéros spéciaux du Petit quotidien (pour les 6-9 ans), Mon Quotidien (10-14 ans) et L'Actu (14-18 ans).

David Namias