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Santé

Maladie d'Alzheimer: vers un déremboursement des médicaments

La maladie d’Alzheimer est une lente dégénérescence des neurones, qui débute au niveau de l’hippocampe puis s’étend au reste du cerveau.

La maladie d’Alzheimer est une lente dégénérescence des neurones, qui débute au niveau de l’hippocampe puis s’étend au reste du cerveau. - iStock - dolgachov

Quatre traitements contre la maladie d'Alzheimer pourraient prochainement ne plus être pris en charge par la Sécurité sociale, selon le souhait de la Haute Autorité de Santé qui juge leur service médical rendu inefficace. Une mesure qui aurait un impact financier important, mais c'est à la ministre de la Santé de trancher.

C'est une double mauvaise nouvelle pour les malades d'Alzheimer sous traitement. Non seulement quatre médicaments viennent d'être jugés inefficaces par la Haute Autorité de Santé, mais ce verdict pourrait entraîner par la suite leur déremboursement. L'avis concerne les molécules Ebixa, Aricept, Reminyl et Exelon, qui traitent les symptômes de cette dégénérescence des neurones, dans un rapport que s'est procuré le journal Libération.

C'est plus précisément la commission de la transparence de la HAS qui a jugé le service médical rendu "insuffisant pour être pris en charge par la solidarité nationale". Cette dernière est une instance scientifique composée de médecins, pharmaciens, spécialistes en méthodologie et épidémiologie qui mène deux missions.

Son principal objectif est de donner un avis aux ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale sur la prise en charge des médicaments, notamment au vu de leur service médical rendu (SMR) qui prend en compte la gravité de la pathologie, l'efficacité et les effets indésirables du médicament et sa place dans la stratégie thérapeutique, mais aussi de contribuer au bon usage du médicament "en publiant une information scientifique pertinente".

Une efficacité minime pour beaucoup d'effets indésirables

Cet avis n'étant émis qu'à titre consultatif, ce sera à la ministre de la Santé Marisol Touraine de trancher sur le sujet. Mais pour la Haute Autorité de Santé, aucun doute, l'efficacité de ces quatre médicaments étant minime, "ce sont plusieurs milliards d’euros dépensés en pure perte pour leur remboursement", explique Libération. S'ajoutent à cela de nombreux effets indésirables qui remettent en cause leur rapport bénéfice-risque.

"Les données de tolérance pointent des effets digestifs fréquents, cardio-vasculaires, mais aussi des symptômes psychiques comme des cauchemars, des crises d’angoisse et, enfin, d’autres effets variés comme des crampes, des rhinites, pas forcément graves mais qui empoisonnent la vie quotidienne des malades", a commenté au journal le professeur Olivier Saint-Jean, membre de cette Commission de la transparence.

Ce dernier évoque un autre argument en faveur de ce déremboursement: sur les 850 000 personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer en France, seulement 30 000 à 40 000 patients consomment ces médicaments. Car "depuis 2011, avec l’avis de la Commission de transparence exprimant un intérêt thérapeutique faible, les prescriptions ont commencé à baisser, au rythme de 10% par an. Aujourd’hui, le doute est partout", ajoute le médecin.

Une décision qui ne fait pas l'unanimité

Dans ce précédent rapport établi il y a cinq ans, la Haute Autorité de Santé pointait déjà du doigt trois raisons expliquant ce service médical rendu faible. En cause: des effets "au mieux modestes", un risque de survenue d’effets indésirables "pouvant nécessiter l’arrêt du traitement" et un risque accru d’interactions médicamenteuses "du fait de la polymédication habituelle chez les patients âgés".

Malgré tout, l'idée d'un déremboursement de ces traitements avait été refusée à une voix près, les spécialistes se prononçant pour des "conditions de prescription plus strictes". Ainsi, le traitement peut être prescrit pour une durée d'un an, mais au bout de six mois, sa poursuite doit faire l'objet d'une "réévaluation attentive du médecin prescripteur". Si dans les années 2000, la facture pour la Sécurité Sociale s'élevait à près de 400 millions par an, celle-ci atteint aujourd'hui les 100 à 130 millions d’euros.

Cette annonce était redoutée par certains spécialistes et l'association France Alzheimer, qui voient dans cette prise en charge un moyen de reconnaissance de la maladie d'Alzheimer. La raison tient aussi au fait qu'il n'existe pas de traitements curatifs contre sa progression ou d'autres médicaments pour traiter ses symptômes. Mais depuis 2008 et son plan national Alzheimer, la France fait des progrès dans sa prise en charge non médicamenteuse. Si la ministre valide cet avis, le pays sera le premier au monde à pratiquer ce déremboursement.

Alexandra Bresson