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Loi renforçant l'accès à l'IVG: le "parcours atypique" d'une des dernières lois du quinquennat

La députée Albane Gaillot, à l'origine de la proposition de loi sur le renforcement de l'avortement, en février 2019 à l'Assemblée nationale

La députée Albane Gaillot, à l'origine de la proposition de loi sur le renforcement de l'avortement, en février 2019 à l'Assemblée nationale - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Cette proposition de loi, dont le parcours a commencé en août 2020, doit passer en lecture définitive ce mercredi à l'Assemblée nationale, avant la suspension des travaux parlementaires.

Une dernière réforme de société avant la fin du quinquennat. L'Assemblée nationale doit voter ce mercredi en lecture définitive l'allongement du délai de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) de 12 à 14 semaines, en adoptant un texte écrit par une députée d'opposition et soutenu par la majorité. L'ultime vote pour ce projet de loi intervient au bout d'un long parcours parlementaire entamé en août 2020.

"C'est une grande aventure et on se réjouit aujourd'hui d'en voir la fin", a ainsi lancé mercredi Marie-Noëlle Battistel, co-rapporteuse de la proposition de loi, ce mercredi.

Cette proposition de loi de société sera certainement la dernière votée de ce quinquennat, car les travaux de l'Assemblée nationale doivent s'arrêter ce 27 février, selon le calendrier prévisionnel du Parlement, avant les élections présidentielle et législatives à venir.

Une proposition de loi "orpheline" de groupe

Au cours d'une conférence de presse ce mercredi, Albane Gaillot, députée Europe Ecologie Les Verts, a raconté le "parcours atypique" de cette ultime proposition de loi. En août 2020, alors membre du groupe Écologie démocratie solidarité elle dépose une proposition de loi sur l'avortement, qui sera discutée au mois d'octobre suivant, pendant la niche parlementaire de ce groupe. Un jour par mois, des groupes minoritaires peuvent en effet présenter des propositions de loi à l'Assemblée nationale.

"Nous il se trouvait que c'était le 8 octobre, et le groupe prend la décision d'inscrire dans cette niche parlementaire le texte pour renforcer le droit à l'avortement", raconte-t-elle, remerciant Écologie démocratie solidarité pour avoir fait de son texte une priorité, alors que leur temps de parole était limité. La proposition est validée et envoyée à l'étude à la Commission des affaires sociales.

Mais après des départs de députés de ce groupe parlementaire, faute d'effectifs il disparait ce même mois d'octobre. Cette proposition de loi se retrouve donc "orpheline", raconte Albane Gaillot, mais elle trouve ensuite "de nouveaux parents" avec le groupe socialiste, notamment la députée Marie-Noëlle Battistel, "qui a compris l'importance de ce sujet".

"Peu de textes ont connu ce parcours transpartisan"

"Pour moi l'aventure a commencé début 2019, c'est à dire il y a plus de deux ans, quand la délégation au droit des femmes a décidé de lancer une mission d'information sur l'accès à l'avortement", explique la députée socialiste. "Nous avions alors identifié tous les fronts à lever pour un véritable accès et un droit effectif à l'avortement" avec des recommandations et des propositions qui "sont toutes dans le texte aujourd'hui".

Le succès de ce texte, Marie-Noëlle Battistel le voit dans son parcours transpartisan. Au final, cette proposition de loi a en effet été co-signée par 40 parlementaires de 8 groupes politiques différents.

"C'est vrai que ce texte il est un petit peu particulier, je crois que dans l'histoire de l'Assemblée il y a assez peu de textes qui ont connu ce parcours transpartisan avec différents groupes politiques qui s'en sont saisi à tour de rôle pour le faire aboutir aujourd'hui", déclare Marie-Noëlle Battistel. "Chacun a apporté sa pierre et je crois que c'est une vraie victoire collective que l'aboutissement de ce texte".

Albane Gaillot salue également la majorité présidentielle, qui "a joué son rôle, a pris ses responsabilités et a inscrit à l'ordre du jour cette proposition de loi" et remercie le gouvernement, qui "a fait en sorte que ce texte se poursuive". Outre les députés qui ont travaillé sur le texte, elle rappelle que ce texte a été "co-construit avec des associations qui aident les femmes et des professionnels de santé".

"C'est un texte qui était beaucoup plus lourd au début"

Après avoir été adoptée en première lecture en octobre 2020, la proposition de loi a continué son parcours parlementaire, elle passe en deuxième lecture à l'Assemblée nationale en janvier 2021, mais est recalée au Sénat. Elle passe donc pas une commission mixte paritaire, qui "a été non conclusive", expliquait fin janvier Albane Gaillot. Une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, puis une autre au Sénat ont donc eu lieu en début d'année. Le rendez-vous de ce mercredi après-midi est le dernier pour ce texte, ce qu'on appelle "la lecture définitive".

Le parcours de cette proposition a duré "un an et demi pour quelques mesures très très importantes", déclare la députée. Et elle a été modifiée en cours de route: "c'est un texte qui était beaucoup plus lourd au début, on l'a un peu condensé, il comportait neuf articles au début", contre deux aujourd'hui.

Parmi les modifications apportées au projet depuis le début, "on a un petit regret c'est que la [suppression de la] double clause de conscience n'ait pas pu être adoptée", déplore ainsi Marie-Noëlle Battistel.

La double clause de conscience est le droit pour un médecin de refuser de pratiquer un acte médical si cela va à l'encontre de ses convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. Ainsi aujourd'hui, "un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse" explique l'article L2212-8 du Code de la santé publique.

"Un texte qui clive beaucoup"

Lors de l'étude de cette loi, "je n'ai jamais eu autant de manifestations de haine qu'avec ce texte", déclare Albane Gaillot. "Là j'ai eu des menaces de mort. C'est un texte qui clive beaucoup, qui révèle des relents conservateurs très prégnants dans notre société".

Les députées expliquent avoir dû "se battre" pour certaines mesures, comme l'ouverture de l'IVG chirurgicale aux sages-femmes. Un combat qu'elles ont remporté puisque la mesure fait partie du texte en dernière lecture.

Des députés se sont aussi inquiété du prolongement du délai d'avortement de 12 à 14 semaines. Avec la croissance du foetus entre 12 et 14 semaines "l'acte d'IVG change de nature", avec "des conséquences gynécologiques qui peuvent être graves", avait ainsi déclaré le député LR Fabien Di Filippo. Des doutes sanitaires qui avaient été écartés par le Comité consultatif national d'éthique.

Outre la prolongation du délai d'avortement de 12 à 14 mois, qui a porté le projet de loi, ce texte permettra également la création d'un répertoire officiel de professionnels de santé pratiquant l'avortement. Des mesures qui vont permettre, pour Albane Gaillot, "a beaucoup beaucoup de femmes d'accéder correctement à l'avortement".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV