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Santé

Les jeux vidéo d'action peuvent endommager le cerveau

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- - iStock - dolgachov

Selon des chercheurs québécois, les scientifiques devraient réfléchir à deux fois avant de proposer à leurs patients de jouer à des jeux vidéo pour stimuler leurs fonctions cérébrales. Car dans de nombreux cas, cette activité peut faire plus de mal que de bien.

C'est un débat encore aujourd'hui difficile à trancher: les jeux vidéo peuvent-ils s'avérer bénéfiques pour la santé, ou au contraire favoriser violence, addictions et autres troubles cognitifs? Si des travaux ont montré que la pratique des jeux vidéo peut avoir chez les plus jeunes une influence positive sur différents paramètres comme le développement des fonctions cognitives et spatiales, des chercheurs de l'université de Montréal mettent en garde.

Leur récente étude indique en effet qu'il est vrai que ces derniers sont bons pour la mémoire à court terme, mais que certains jeux vidéo, ceux de tir à la première personne, pourraient causer une atrophie du cerveau s'ils sont pratiqués trop fréquemment. Plus précisément, les personnes qui ont l’habitude de jouer souvent à ce type de jeux vidéo sont plus susceptibles de présenter moins de matière grise dans leur hippocampe, une partie essentielle du cerveau.

Et plus l’hippocampe est affaibli, plus le risque de souffrir d’une maladie mentale (dépression, schizophrénie, trouble de stress post-traumatique) est important. "Il est prouvé que les jeux vidéo sont bénéfiques pour certains systèmes cognitifs, principalement ceux liés à l’attention visuelle et à la mémoire à court terme, explique Gregory West, qui a conduit l’étude. Or, certaines preuves montrent aussi qu’il pourrait y avoir un coût à cela, soit des répercussions sur l’hippocampe."

La mémoire spatiale n'est pas toujours sollicitée

Les chercheurs ont décidé d’entreprendre une étude complète par neuro-imagerie, en comparant les images des cerveaux de personnes qui jouent régulièrement à des jeux vidéo d’action avec celles de personnes qui n’y jouent pas. Ils ont remarqué qu’il y avait moins de matière grise dans l’hippocampe, la partie du cerveau qui aide à s’orienter et à se souvenir d'expériences passées, des joueurs pour une raison simple.

Celle-ci tient au fait que la pratique de ces jeux vidéo stimule davantage une autre partie d’importance égale dans le cerveau, le striatum, constituée de ce qu’on appelle le noyau caudé. En effet, 85% des joueurs testés utilisaient cette partie du cerveau pour naviguer dans un jeu vidéo. Le noyau caudé agit comme une sorte "d’autopilote" et de "système de récompense", il aide aussi à acquérir des habitudes et à nous rappeler comment faire les choses, comme rouler à bicyclette ou revenir à domicile après le travail.

Or, si l'hippocampe est moins sollicité, il perd par conséquent des cellules et s'atrophie, mentionne l'étude. Les chercheurs précisent de fait que "si les jeux vidéo d’action entraînent des diminutions de la matière grise dans l’hippocampe, il faut se montrer prudent lorsqu’on encourage les enfants, les jeunes adultes et les autres adultes à y jouer pour renforcer leurs aptitudes cognitives telles que la mémoire visuelle à court terme et l’attention visuelle."

De meilleurs jeux vidéo d'action sont nécessaires

Ces derniers indiquent par ailleurs que des traitements axés sur la pratique de jeux vidéo d’action ne seraient pas recommandés pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, de démence, de la maladie d’Alzheimer, de schizophrénie, de dépression ou encore de stress post-traumatique. Des personnes qui ont toutes moins de matière grise dans leur hippocampe. Dans leurs conclusions, ils appellent aussi les fabricants de jeux vidéo à changer la conception de leurs produits.

"Maintenant, les joueurs peuvent facilement choisir de naviguer dans un jeu sans avoir besoin de créer des liens entre des points de repère, un mécanisme fondamental de l’apprentissage spatial", indiquent-ils. En clair, pour que les joueurs adoptent plus fréquemment un apprentissage spatial, associé à des augmentations de la matière grise dans l’hippocampe durant le déroulement du jeu vidéo, ils recommandent des jeux vidéo conçus sans système GPS ni aide de navigation intégrés.

"Il est possible d’inciter les joueurs recourant à une stratégie de réponse par stimulus (lié au noyau caudé) à adopter des stratégies d’apprentissage spatial pour contrer les effets négatifs sur le système de l’hippocampe.", attestent-ils. A noter que cette étude n'aborde pas la thématique des "serious game", ces jeux vidéo développés le plus souvent afin de renforcer les compétences psychosociales des enfants.

Alexandra Bresson