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Santé

Le grand gâchis du plan français contre la grippe A

92 millions de vaccins commandés, 5,36 millions de personnes vaccinées...

92 millions de vaccins commandés, 5,36 millions de personnes vaccinées... - -

Jugée "trop rigide", la gestion de la grippe A par les pouvoirs publics s'est heurtée à une crise de confiance des Français sur le bien-fondé de la vaccination, dit un rapport parlementaire.

Dans ce document publié ce mardi, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur ce dossier estime que le gouvernement a "légitimement cru" à une crise sanitaire grave, d'où une mobilisation et des coûts importants pour y faire face, même si celle-ci s'est soldée par une "crise sans crise." Mais elle constate qu'il n'a pas su convaincre les professionnels de santé et les Français d'adhérer aux objectifs de la campagne de vaccination et en rend responsable internet et une tendance de la société à "préférer l'irrationnel".

« Enfin une parole publique qui dit que ça a été un échec ! »

Soulagé d’entendre « enfin une parole publique, collective, pour dire que cela a été un échec », le député PS de Paris, Jean-Marie Le Guen, membre de la Commission d'enquête sur la grippe A et sa vaccination, déplore par ailleurs que le rapport n’aille pas assez loin : « il ne met pas en cause la stratégie vaccinale française. Or, c’est bien en France où nous avions décidé dune façon un peu légère de dire que nous allions vacciner tout le monde. Ce qui était à la fois impossible, coûteux et finalement inutile. »

"L'erreur majeure" : ne pas avoir associé la médecine de ville

Dans un entretien accordé à Libération, le président de la Commission, Jean-Christophe Lagarde (NC), ne donne que "9 sur 20" au gouvernement, "c'est-à-dire au mieux moyen". Il justifie cette faible note par le "manque de souplesse du plan" et "l'erreur majeure" consistant à ne pas avoir associé la médecine de ville à la campagne de vaccination.

Bachelot blanchie

En revanche, le rapport blanchit la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, accusée d'avoir commandé 92 millions de doses de vaccins, alors qu'à peine plus de cinq millions de personnes ont été vaccinées. "Il n'y a rien à reprocher au gouvernement sur la commande des 92 millions de doses. Quand la décision a été prise, à la mi-mai 2009, cela était tout à fait justifié", assure Jean-Christophe Lagarde.
Selon l'Institut de veille sanitaire (InVS), la grippe A a fait 312 morts en France, un nombre inversement proportionnel à l'ampleur médiatique de la crise.

Le gouvernement a annoncé l'achat de plus de 90 millions de vaccins contre la grippe A, pour un coût d'environ 800 millions d'euros, avant d'annuler 50 millions de commandes car une seule dose suffisait à vacciner la quasi-totalité de la population.
En France, 5,36 millions de personnes ont été vaccinées au 1er juin 2010, soit moins de 8,5% de la population. Mais, selon le rapport, "près de 3,46 millions de doses de vaccins auront été finalement jetées ou mises au rebut", une quantité qui représente plus de la moitié du nombre de personnes vaccinées.

Les Français « ne croient plus aux messages de santé publique »

Pour la commission d'enquête, les pouvoirs publics se sont attachés, face aux doutes et aux incertitudes, à "faire une application responsable" du principe de précaution qui les a conduits à décider d'une vaccination massive. Mais la campagne de vaccination, "volontariste, s'est en pratique révélée sans doute d'une application trop rigide, malgré ses ajustements", car elle prenait appui sur des dispositifs prévus pour des pandémies plus graves, estime-t-elle.
Le rapport constate en outre que la pandémie a été "le formidable révélateur d'une crise de confiance" des Français "qui ne croient plus aux messages de prévention et de santé publique."

« La parole officielle décrédibilisée par internet, les pseudo-experts… »

Pour expliquer ce comportement, les parlementaires citent "les folles rumeurs sur internet", les "attaques violentes du lobby anti-vaccin" ou les "annonces spectaculaires de pseudo-experts en quête de gloire médiatique". "La parole officielle a été décrédibilisée par des acteurs sur les motivations desquels on s'interroge encore", lit-on dans les conclusions.
Mais pour la commission, ce phénomène est aussi "probablement la conséquence d'un mal plus profond de la société française qui semble avoir préféré l'irrationnel au rationnel". En conséquence, les parlementaires font 42 propositions visant à restaurer la confiance dans les politiques de santé publique et à gérer au mieux les futures crises.

La Rédaction, avec A. Trautmann et REUTERS