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Santé

"La privation d’accès aux toilettes entraîne 3,6 millions de décès par an"

Près de 40% de la population mondiale n'a pas accès à des sanitaires décents.

Près de 40% de la population mondiale n'a pas accès à des sanitaires décents. - -

INTERVIEW - La journée internationale des toilettes fête 19 novembre ses dix ans. Kristel Malègue, de la Coalition eau, nous explique pourquoi l'accès à l'assainissement est une question capitale.

Lundi 19 novembre, c’est la journée internationale des toilettes, et non, le sujet n'est pas particulièrement drôle. Au moins un milliard de personnes dans le monde n’a pas accès à des toilettes, 40% de la population mondiale à des sanitaires décents. Parmi eux, deux millions d'enfants meurent chaque année de maladies banales, comme la diarrhée, précisément des suites du manque d’hygiène qui en découle.

Kristel Malègue est coordinatrice de la Coalition eau, une association qui regroupe 31 ONG sensibilisées à la question de l'assinissement. Elle revient sur la nécessité de sensibiliser sur ce problème pas toujours pris au sérieux.

Quel est l’impact du manque d’accès aux sanitaires ?

La question de l’assainissement touche environ 2,5 milliards de personnes. La privation d’accès entraîne 3,6 millions de décès par an, dont la majorité sont des enfants. Mais cela a aussi des impacts sur l’éducation, l’économie, l’environnement… Au-delà du manque de toilettes, ce problème concerne tout un ensemble de secteurs sociaux, cela pénalise fortement les pays qui sont touchés par ce fléau.

L’absence de toilettes dans une école peut empêcher les enfants d’y aller, par exemple en Afrique. Les petites filles en âge de la puberté se sentent heurtées dans leur propre intimité. Contraintes à aller dans la brousse, elles peuvent être potentiellement victimes d’agression sexuelle, ou d’agression par des animaux. Leur sécurité est en question. A ce moment de leur puberté, il y a des filles qui abandonnent l’école plutôt que de faire face à ces deux problèmes. Il faut savoir que la question du manque d’accès à l’assainissement coûte 272 millions de jours de classe par an.

Pourquoi est-ce si difficile de sensibiliser autour de cette question ?

C’est une question souvent taboue au niveau politique : les pouvoirs publics considèrent que cela concerne la sphère privée, que cela ne relève pas de leurs prérogatives. Ils n’en font pas une priorité politique, donc pas non plus une priorité financière. Les Etats qui doivent faire face à leurs responsabilités et doivent vraiment investir dans ce secteur.

Il y a un objectif du millénaire qui concerne précisément l’assainissement et le nombre de personnes qui y ont accès. On devait atteindre pour le remplir 75% en 2015. Aujourd’hui ,on n’est qu’à 63%. On est très très loin de l’objectif, ça nécessiterait vraiment de doubler l’investissement. L’objectif du millénaire ne sera pas atteint , et de loin, mais peut-être pouvons-nous rattraper un peu notre retard ?

Quelle est l’urgence aujourd’hui ?

Il faut mettre en œuvre le droit de l’eau potable et de l’assainissement de manière effective. Il a été reconnu en 2010 par les Nations unies mais très peu l’ont mis en œuvre de façon nationale. Par exemple, en France, pays qui a reconnu ce droit à l’eau, une partie de la population n’a pas accès à l’assainissement, comme les gens du voyage ou les SDF.

On peut aussi développer les techniques d’assainissement écologiques qui ne sont pas très chères et mettre l’accent sur la sensibilisation. Il faut faire sortir cette question d’un cercle strictement expert.

Il faut surtout que les pouvoirs publics respectent leurs engagements : il y a des déclarations, mais pas assez de fonds débloqués. Maintenant, il faut mettre en œuvre.