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Santé

La phagothérapie fait ses preuves sur deux patients à Lyon

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- - iStock - sanjeri

Deux patients atteints de sévères infections qui ne pouvaient plus cicatriser ont bénéficié à Lyon d’un traitement qui repose sur l'utilisation de virus spécifiques, les phages. Les résultats positifs laissent envisager un rôle prometteur de ce type de thérapie face au développement de l'antibiorésistance en France et dans le monde.

Quand on parle de virus, on pense d'instinct à des micro-organismes dangereux pour l'organisme. Mais dans certains cas, ils peuvent aussi s'avérer très utile pour la santé en soignant des patients souffrant d'infections graves que des traitements ne sont pas parvenus à vaincre. Ces virus spécifiques s'appellent des bactériophages (ou phages), inoffensifs pour l'homme mais capables de s'attaquer aux bactéries.

La "phagothérapie" repose donc sur leur utilisation pour traiter les infections bactériennes. Comme l'explique l'Inserm, "le recours à cette stratégie thérapeutique a connu un net recul dans le monde occidental, suite au développement des antibiotiques." Mais en raison de l'antibiorésistance, la phagothérapie connait actuellement un regain d’intérêt, notamment en Europe. Surtout en Géorgie, où se rendent de nombreux patients en échec thérapeutique afin d'éviter une amputation liée à leur infection.

Cette thérapie a récemment fait ses preuves à l'hôpital de la Croix-Rousse (Lyon) sur deux patients atteints d'infections ostéoarticulaires qui ne pouvaient plus cicatriser. Dans le cas du premier patient, les phages se sont attaqués à un Pseudomonas aeruginosa multirésistant et à un staphylococcus aureus récidivant chez l’autre patient. Cette thérapie apporte également l'avantage de ne pas détruire les autres bactéries, comme le font les antibiotiques, mais à la condition de savoir quelle bactérie est en cause.

Un médicament "vivant" fabriqué en France

Cette annonce fait également part d'une première, à savoir que le traitement a été concocté avec des phages fabriqués en France par la société Pherecydes Pharma, spécialisée dans la recherche et le développement de bactériophages à visée thérapeutique. Celle-ci a sélectionné des phages parmi sa collection interne, après les avoir testés sur les bactéries infectant les patients. Les résultats du "phagogramme" ont permis de choisir les phages les plus actifs et de fournir un traitement sur mesure aux deux patients.

Après une préparation réalisée par la pharmacie de l’hôpital de la Croix-Rousse, l'un des quatre grands pôles hospitaliers des hospices civils de Lyon (HCL), ils ont été appliqués sur le site de l’infection ostéoarticulaire. Les résultats ont montré que les plaies ont pu cicatriser alors que les autres traitements avaient échoué, et ce avec une bonne tolérance. Les HCL précisent néanmoins que cette procédure a été menée "avec d’autres procédures et traitements."

"Les résultats positifs de ce traitement ouvrent la voie à d’autres cas de bactéries difficiles à traiter et potentiellement résistantes.", déclare Guy-Charles Fanneau de La Horie, le Président du Directoire de Pherecydes Pharma. "Nous sommes impatients d’explorer la piste thérapeutique prometteuse des bactériophages pour lutter contre l’antibiorésistance et qui pourrait augmenter significativement les guérisons dans les infections ostéoarticulaires.", ajoute le Pr Tristan Ferry, de l’hôpital de la Croix Rousse-HCL.

Une législation stricte

Dans le cadre d'un partenariat entre l'hôpital et la société, des essais cliniques seront prochainement lancés pour traiter d'autres infections similaires. Avec à terme la possibilité d'une médecine personnalisée puisqu'une association de phages spécifiques contre la souche bactérienne pathogène permet un traitement adapté à chaque cas. La phagothérapie peut également être utilisée contre un autre type d'infections bactériennes: les infections nosocomiales, des infections associées aux soins, contractée au cours d’une hospitalisation.

Or, parmi les bactéries souvent incriminées dans les infections nosocomiales, plusieurs présentent des résistances aux antibiotiques. "Ces résistances obligent souvent à changer d’antibiotique en cours de traitement et retardent la guérison. En outre, si les souches résistantes à tous les antibiotiques sont exceptionnelles, elles existent.", précise l'Inserm. Selon les Hospices Civils de Lyon, elles affectent environ 5% des personnes hospitalisées en France et provoquent 13 000 décès par an.

Mais il n'est pas possible de mener ce type de thérapie dans tous les hôpitaux puisque les auteurs de cette annonce précisent qu'elle a été menée "à titre compassionnel". En effet, la phagothérapie fait partie des spécialités pharmaceutiques qui ne bénéficient pas en France d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) et qui n'a pas fait l’objet d’un essai clinique publié. Son utilisation est donc conditionnée par une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) délivrée par l'ANSM, que la société Pherecydes Pharma a obtenu.

Les ATUs sont délivrées par l’ANSM si les conditions suivantes sont respectées: les spécialités sont destinées à traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares, s'il n'existe pas de traitement approprié et si leur efficacité et leur sécurité d'emploi sont présumées en l'état des connaissances scientifiques.

Alexandra Bresson