BFMTV
Santé

La nocivité du bisphénol A sur la virilité prouvée scientifiquement

La virilité peut être directement attaquée dès l'état foetal en cas d'exposition au bisphénol A.

La virilité peut être directement attaquée dès l'état foetal en cas d'exposition au bisphénol A. - -

Des chercheurs français viennent de démontrer la nocivité du bisphénol A sur la reproduction humaine masculine. Un composé que l'on retrouve encore dans de nombreux produits.

Connu pour sa nocivité potentielle sur la santé, le bisphénol A doit disparaître définitivement des contenants alimentaires (canettes, boîtes de conserve, barquettes...) dès juillet 2015. Pour la première fois, des chercheurs français ont réussi à démontrer que ce composé chimique, qui pénètre l'organisme par la peau, avait aussi un impact sur les organes génitaux de l'homme. Preuve, s'il en fallait encore, que les décisions politiques françaises de retirer ce composé chimique du marché sont fondées.

"Le bisphénol a des effets avérés ou suspectés sur différentes pathologies telles que les maladies cardiovasculaires, l'obésité, ou certains cancers, mais jamais aucune expérience n'avait pu démontrer qu'il y avait également un impact sur la reproduction masculine humaine", explique René Habert, professeur et chercheur à l'Université Paris-Diderot.

Ces résultats ont été obtenus grâce à un dispositif "unique" dans ce laboratoire, qui "permet de maintenir en survie dans une boîte de culture des testicules de fœtus humains, issus d'interruptions volontaires de grossesses", indique le scientifique, "et de mesurer le taux de testostérone sécrété dans ce milieu. Résultat : ce taux est moins élevé lorsque le testicule est exposé au bisphénol A."

Une hormone indispensable aux hommes

Est-ce grave, docteur ? "Oui !", s'exclame le chercheur. "La testostérone produite par le testicule joue un rôle indispensable pour masculiniser le fœtus, qui, en son absence, évolue automatiquement dans le sens femelle." Ainsi, lorsqu'aucune hormone de testostérone n'est secrétée, le fœtus se développe avec des organes génitaux externes complètement féminins, même si ses gènes indiquent qu'il est un garçon. L'enfant sera stérile car sans utérus, mais aura l'apparence d'une fille et sera élevé comme tel", explique le Pr René Habert.

En cas d'exposition au bisphénol A, la sécrétion de testostérone n'est pas supprimée mais diminuée. Le fœtus présente donc des défauts de masculinisation. Deux anomalies sont bien répertoriées. "A la naissance, les testicules peuvent ne pas descendre dans les bourses. C'est de plus en plus fréquent. Quelque 4% des nouveau-nés masculins sont concernés, contre 2% il y a quarante ans. Autre anomalie observée, l'orifice uro-génital apparaît sur la face ventrale du pénis, au lieu d'être au bout. Actuellement, on retrouve cela chez 4 nouveau-nés masculins pour 1.000, contre 2 pour 1.000 il y a 40 ans."

Des précautions nécessaires

Malheureusement, il ne faut pas être exposé à de grandes quantités pour que le bisphénol A agisse négativement sur l’homme. La réduction de la sécrétion de testostérone a été observée par les chercheurs français à partir de 2 microgrammes par litre. Une quantité qui correspond justement à ce que l'on trouve en moyenne dans le corps humain actuellement. "Cela signifie qu'il conviendrait de diminuer rapidement l'exposition au bisphénol A chez les femmes enceintes."

Pourquoi ne pas proposer un moratoire immédiat plutôt qu'attendre 2015 ? "On dispose actuellement de très peu de données sur la dangerosité ou l'innocuité des substituts au bisphénol A. Il faut donc intensifier considérablement les recherches à ce sujet. On a déjà pu le remplacer dans les biberons, mais il reste beaucoup d'autres produits, pour lesquels il faudra trouver un substitut adéquat", estime le chercheur.

Le Pr Habert préconise donc de prendre une habitude simple : "Evitez d'exposer vos aliments en boîte de conserve ou en barquette de surgelés, ou même vos canettes, à la chaleur, que ce soit en les laissant au soleil ou en les mettant directement au micro-ondes. Car cette chaleur provoque la libération du bisphénol A dans les aliments."

>> A LIRE AUSSI - Bisphénol A : comment s'en prévenir ?

Alexandra Gonzalez