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Kusmi Tea: que sont les substances toxiques décelées dans l'infusion à la camomille?

Les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP), des toxines produites naturellement par plusieurs espèces de plantes, pour la plupart des mauvaises herbes.

Les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP), des toxines produites naturellement par plusieurs espèces de plantes, pour la plupart des mauvaises herbes. - iStock - amphotora

Certaines plantes contiennent des alcaloïdes pyrrolizidiniques, des substances toxiques qui peuvent se retrouver dans les denrées alimentaires dont le thé, comme l'a récemment affirmé une association allemande vis-à-vis de la marque Kusmi Tea.

Mauvaise nouvelle pour les adeptes du thé puisqu'une marque très connue dans ce domaine, Kusmi Tea, fait actuellement l'objet d'une mauvaise publicité dont elle se serait bien passée. Alors qu'il est connu que les fruits et les légumes peuvent contenir des pesticides, l'association de consommateurs allemande Warentest a révélé qu'une gamme de cette marque, les infusions à la camomille, contenait des alcaloïdes pyrrolizidiniques, une substance considérée comme cancérogène.

L'information a été relayée en France par BFM Business qui fait également savoir qu'à la suite de cette nouvelle, le produit a été retiré du marché européen et des ventes en ligne. Les alcaloïdes pyrrolizidiniques sont des toxines produites naturellement par plusieurs espèces de plantes, pour la plupart des mauvaises herbes. Plus précisément, l'association affirme qu'un sachet de tisane à la camomille en contient à lui seul 161 microgrammes, soit une dose 380 fois supérieure à la quantité qu'il ne faut pas dépasser au quotidien.

Si la caractéristique cancérogène de cette substance a surtout été démontrée chez les rats, l'association Warentest explique, en citant l'Institut fédéral allemand d’évaluation des risques, que des niveaux élevés d'alcaloïdes pyrrolizidiniques peuvent endommager le foie humain au point de provoquer des intoxications hépatiques. Ainsi, un adulte de 60 kilos ne doit pas en consommer plus de 0,42 microgrammes par jour et un enfant de 16 kilos, pas plus de 0,11 microgramme.

Une substance récoltée en même temps que les plantes

Outre le retrait du produit, la marque a également fait savoir qu'elle comptait saisir l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour avoir plus de précisions. Sur sa page Facebook, elle précise en effet que "cette substance ne fait l’objet, aux dires même de la fondation Warentest, d’aucun seuil maximum légal dans les produits alimentaires et (qu') il n’existe pas de consensus scientifique sur son taux de nocivité".

Pour expliquer cette contamination, celle-ci explique que "la substance naturelle détectée par la Fondation Warentest est présente naturellement dans de nombreuses plantes sauvages récoltées en même temps que la camomille". De son côté, la Fondation Warentest appelle les fournisseurs de tisanes à faire preuve de prudence dans la culture et la récolte de plantes destinées aux thés.

Elle recommande notamment que les herbes sauvages connues pour leurs niveaux élevés en alcaloïdes pyrrolizidiniques soient détectées afin de faciliter le tri et d'éviter au maximum le risque de contamination. Enfin, elle précise qu'une intoxication immédiate est peu probable, mais qu'une consommation régulière comporte les risques évoqués, comme la cirrhose du foie et le cancer.

Des risques difficiles à établir

L'EFSA estime que 6.000 espèces de plantes dans le monde sont susceptibles de contenir des alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP). "La teneur en AP dans l’alimentation humaine et animale dépend d’un grand nombre de facteurs, notamment de l’espèce et de l’organe de la plante produisant des AP, de la récolte ainsi que des procédés de conservation et d’extraction", atteste-t-elle. En 2011, cette dernière avait publié un avis sur leur présence dans les denrées alimentaires pour humains et animaux.

Les experts y affirmaient "qu’une classe d’AP, appelés AP 1,2-insaturés, peuvent agir comme des cancérigènes génotoxiques chez l’homme". Mais en en raison d’un manque de données disponibles, ils n'ont pu quantifier l’exposition par l’intermédiaire de denrées autres que le miel (en raison du butinage des abeilles), sans pour autant caractériser ce risque précis. En revanche, elle établit que la dose d’exposition induisant un effet toxique à long terme est de 15 µg/kg de poids corporel et par jour.

Sur cette base, une enquête de la Dgccrf* en 2014 montre que sur 53 échantillons de miel et 31 compléments alimentaires, neuf échantillons de miel contenaient des AP à des teneurs comprises entre 0,6 et 14,4 µg/kg et un tiers des échantillons de compléments alimentaires contenaient ces substances à des teneurs comprises entre 2,3 et 225 µg/kg. "Cette enquête a permis cependant de sensibiliser les opérateurs à ce danger encore peu connu", ont conclut les enquêteurs.

Dans ses conclusions, l'EFSA "encourage les efforts actuellement déployés pour recueillir davantage de données sur les AP", qui pourraient être potentiellement présents dans le lait, les œufs et la viande. Davantage de données sur l’origine géographique et botanique des AP sont également nécessaires pour comprendre où les concentrations peuvent être les plus élevées.

*Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes 

Alexandra Bresson