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"J'ai dépassé le préjugé du divan": ils ont décidé de consulter un psy grâce à la série "En Thérapie"

Le casting de la saison 2 d'En thérapie.

Le casting de la saison 2 d'En thérapie. - ARTE

Anxiété, isolement, surmenage ou peur du virus... Comme la première, la deuxième saison de la série d'Arte "En thérapie" rencontre un succès phénoménal et offre à certains un nouveau regard sur la psychiatrie et la psychanalyse. Jusqu'à convaincre certains de franchir la porte d'un cabinet.

"Je n'allais pas très bien quand j'ai commencé la série, et le fait de voir les patients s'ouvrir peu à peu, creuser la source de leur mal-être, ça m'a poussé à me demander si cela ne me ferait pas du bien à moi aussi." Pour Éloïse, 22 ans, la première saison d'En thérapie a eu l'effet d'un déclic.

D'épisode en épisode, la série d'Éric Toledano et Olivier Nakache, diffusée sur Arte depuis 2021, nous fait découvrir les séances de psychanalyse de cinq patients différents, qu'ils soient policier, chirurgien, chef d'entreprise ou encore écolier. Avec 7 millions de vues en une semaine, la deuxième saison - qui aborde le traumatisme de la crise Covid - rencontre le même succès que la première, qui abordait celui lié aux attentats de Paris.

"La série m'a appris qu'il fallait suivre mon ressenti"

En tout cas, c'est grâce à cette fiction que la jeune Éloise a osé pousser la porte d'un psychologue pour la toute première fois il y a tout juste un an. "L'idée m'était déjà venue à l'esprit avant, mais je dirais que regarder la série m'a un peu aidé à franchir le premier pas", raconte à BFMTV.com cette étudiante en littérature à Lille. "

"J'avais le préjugé du divan, la peur de devoir m'allonger pour parler... Et beaucoup d'appréhension bien sûr, je ne savais pas trop si j'y avais ma place. J'avais le préjugé de me dire 'je n'ai pas d'assez gros problèmes'".

Mais ces a priori, la jeune femme les a dépassés. Désormais, elle est suivie une fois toutes les deux à trois semaines pour des troubles anxieux. Un suivi qui lui a permis de sortir d'une relation toxique. "En fait la série m'a appris qu'il fallait simplement suivre son ressenti. Si je sentais que j'avais besoin de parler, il ne fallait pas me réprimer".

Ludovic Gadeau, psychologue dans l'Isère et docteur en psychopathologie, se réjouit auprès de BFMTV.com qu'En thérapie permette de mettre en lumière et de démocratiser la psychanalyse. "La série a cette vertu de montrer ce qu'est la nature du travail psychique dans une thérapie et le travail analytique", estime-t-il.

"Mais aussi de montrer aussi un psychothérapeute engagé, empathique et soutenant pour ses patients, ce qui peut participer à rassurer certaines personnes. Elle peut aider à déconstruire, dans une certaine mesure, quelques préjugés présents dans la population."

"On se débat tous avec notre humanité"

Christine Chiquet, co-présidente de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse, juge la série très crédible à certains égards. Elle salue elle-aussi "une série qui raconte une histoire de personnes proches de nous dans leurs souffrances, et une histoire de psy. "Si on ne saurait la confondre avec l’histoire de tous les psys, elle permet tout de même de nous représenter ce qui se passe dans l’intime d'un cabinet."

Pour elle, "la série montre à quel point on se débat tous avec notre humanité". "Ça montre qu'aller chez le psy, ça n'est pas réservé aux 'fous' comme le pensent encore certains."

"On va chez le psy pour être plus tranquille avec soi-même, être plus ami avec ses imperfections et être en mesure d'affronter les épreuves de la vie", résume Christine Chiquet. "Ce que je trouve juste dans En thérapie, c'est que le psychanalyste est dépeint comme un humain très imparfait, qui n'a pas résolu tous ses problèmes et qui travaille avec ses imperfections d'humains. Ça, c'est la réalité et je trouve ça très intéressant de le voir porté à l'écran. C'est bien avec ça qu'on travaille."

La série "En Thérapie"
La série "En Thérapie" © Arte

Quand Stéphanie a commencé la première saison, elle était en arrêt maladie pour un épisode dépressif assez sévère et un trouble anxieux généralisé. "Ça m'a pas mal aidé, ça m'a distraite quand je n'arrivais pas du tout à dormir. Je trouvais que ça donnait une image assez positive de la thérapie, et ça me rappelait pas mal ce que je j'avais vécu moi-même. Ça m'a fait rire parce que quand j'étais plus jeune par exemple, mon psy aussi me faisait aussi payer les séances avec de la monnaie de ma caisse de marchande", comme le personnage du petit Robin dans la saison 2.

"J'ai adoré le personnage du psy, Philippe Dayan, très inspirant. En revanche, je n'ai jamais connu de psy aussi bavard ni aussi investi dans ma vie. Et pourtant j'en ai vu plusieurs ces dernières années!", sourit la jeune femme, bibliothécaire jeunesse de 33 ans qui vit en Gironde.

"De mon expérience ils ne parlent pas autant, et ils sont surtout beaucoup plus chers en vrai! Ça, ça n'est malheureusement pas très réaliste."

"Ça ne va jamais aussi vite"

"Ce qui m'a surprise, aussi, c'est à quel point les séances abordent vite le fond des choses. Je ne sais pas si c'est moi qui met du temps à me dévoiler mais je trouve que dans la série, les patients abordent leurs problèmes super facilement... dès la première séance, avec une pensée hyper construite", s'étonne Stéphanie à notre micro. "Même le gamin de 12 ans a une pensée extrêmement construite à son âge, je ne dis pas que ce n'est pas possible mais bon..."

En effet, "ça ne va quasiment jamais aussi vite", nous confirment Christine Chiquet et Ludovic Gadeau. "Il y a une confiance à acquérir. Quant ils arrivent dans nos cabinets, les patients ne savent souvent pas mettre des mots sur ce qu'il y a à l'intérieur d'eux-mêmes, et c'est bien normal", poursuit Christine Chiquet. "C'est précisément ce sur quoi on va travailler."

Ce rythme, "pas très crédible", qui "vend aux téléspectateurs l'impression que la psychanalyse est quelque chose d'un peu magique", est l'une des deux choses qu'elle reproche à la série. La seconde, c'est l'agressivité des patients, surtout dans la première saison. "Les personnages sont très souvent en colère, ils claquent les portes les uns après les autres et s'en prennent facilement à Philippe Dayan", note-t-elle. "Or ça, c'est quelque chose que nous psychothérapeutes voyons tout de même assez peu."

"Je ne dis pas que ça n'existe pas mais ça ne représente qu'une toute petite minorité de gens", assure-t-elle. "Au contraire, la plupart de ceux qui viennent nous voir sont des gens qui n'osent pas sortir du trou de souris dans lequel ils se sont engouffrés à un moment de leur vie. On a beaucoup plus affaire à patients ayant des problèmes de confiance en eux qu'à des patients affirmés, habitués et à l'aise avec la thérapie."

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV