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"Il fallait gérer ça comme une guerre": Didier Raoult défend son action lors de la crise du coronavirus

Didier Raoult.

Didier Raoult. - BFMTV

Didier Raoult a accordé à deux de nos journalistes, Margaux de Frouville et Ruth Elkrief, un long entretien diffusé ce mercredi soir sur notre antenne. Il s'y est montré très offensif, a cherché à étayer sa vision médicale, tout en écartant toute ambition politique.

Didier Raoult pourrait presque se passer de présentation, tant sa notoriété excède désormais largement le petit cénacle de ses pairs infectiologues et microbiologistes. Mais le professeur, directeur général de l'IHU Méditerranée Infections de Marseille, et promoteur de l'emploi de l'hydroxychloroquine pour traiter les cas de coronavirus, a tenu à préciser à nos deux journalistes, Margaux de Frouville et Ruth Elkrief, qui sont allées le rencontrer à Marseille ce mercredi:

"La notoriété acquise à cette occasion me pèse plus qu’autre chose, je m’en fous un peu."
  • Les soins avant la recherche 

Lors de cet entretien exceptionnel d'environ une heure, diffusé sur notre antenne ce mercredi soir à partir de 19h, il a défendu sa vision de la meilleure marche à suivre pour affronter la propagation du coronavirus. Alors que ses détracteurs ont affirmé que ses équipes s'étaient affranchies de la méthodologie qui doit être observée afin de valider une démarche scientifique, Didier Raoult a balayé:

"Pour moi, il fallait gérer ça comme la guerre et ce dont on parlait à chaque fois c’était d’essais, ou de recherches. J’ai passé ma vie à faire de la recherche. Mais il y a un temps pour tout, pour le soin, gérer la crise et pour la recherche. Pour moi, la question n’était pas de savoir si on allait ‘protocoliser’ les patients alors que les résultats ne sortiraient pas avant la fin de l’épidémie." Et d'insister: "La déontologie du médecin, c’est soigner compte-tenu de l’état de ses connaissances, de l’état de la science, en prenant le moins de risques possibles pour son patient".
  • Hydroxychloroquine et méthodologie 

Le bien-fondé de l'utilisation de l'hydroxychlorquine contesté? Didier Raoult a dressé sa typologie des travaux parues sur le sujet.

"Il y a quatre études randomisées, trois qui disent que la chloroquine marche mieux que le placebo, et une que le placebo marche de manière équivalente à la chloroquine. Il y a cinq études observationnelles faites par des médecins qui rapportent leurs expériences, ce sont des études non randomisées, elles sont toutes en faveur de la chloroquine. Et il y a trois méta-analyses, faites par des gens qui ne sont pas médecins, y compris d’autres qui sont des pieds nickelés, qui montrent que l’hydroxychloroquine ne marche pas", a-t-il détaillé. il a ajouté:

"Toute une série de travaux ont été faits et montrent que les études observationnelles sont plutôt meilleures que les études randomisées parce qu’elles ont moins de biais."

Il y a quelques jours, la prestigieuse revue The Lancet décourageait l'utilisation de l'hydroxychloroquine. Depuis, cette étude a été largement discréditée, et l'OMS a annoncé ce mercredi la reprise des essais cliniques de cette molécule. Didier Raoult a commenté:

"Je relis cinq à six papiers par jour, c’est mon métier, je suis éditeur de la plupart des revues sur les maladies infectieuses. On ne peut pas me leurrer comme ça. Que les gens du Lancet se soient fait leurrer comme ça c’est inimaginable."

Plus tard, il a poursuivi: "Moi j’ai honte, on est dans une situation atroce. Des revues scientifiques publient des articles biaisés, tout est au service de leurs opinions."

  • Didier Raoult estime qu'on aurait pu sauver davantage de vies 

L'un des axes de la réponse apportée par Didier Raoult au virus entre les murs de son IHU marseillais a en revanche fait consensus: sa politique précoce de dépistage massif. Interrogé sur cette question, il y a vu un manquement de l'Etat:

"La France a été le pays où on a fait le moins de tests donc on n’a pas fait les tests, on ne pouvait pas faire les diagnostics. Une fois qu’on a dit : ‘On ne peut pas diagnostiquer ni traiter’ effectivement, ça devient compliqué."

Et pour lui, les moyens ont bon dos. "Les moyens, c’est la volonté", a-t-il déclaré. Tandis que Ruth Elkrief lui demandait s'il jugeait que si on avait disposé de moyens plus importants on aurait pu sauver davantage de vies, il a rétorqué:

"C’est ce que je crois. C’est toute la question de toute manière."

Le scientifique a fait valoir: "Je soigne les gens comme si c’était ma famille."

  • Sa place dans le panthéon scientifique français 

A son corps défendant ou non, le personnage même de Didier Raoult tient une grande place dans l'actualité qui s'agite autour de lui et de ses travaux. Soulignant le succès de sa carrière de chercheur et de médecin, il a lancé:

"Je trouve que la capacité à analyser la place des uns et des autres en science dans ce pays est mauvaise. Je pense que vous êtes plus compétents pour regarder les joueurs de foot. Donc si on vous demande qui sont les meilleurs joueurs de foot, tout le monde le sait partout mais si on vous demande quels sont les dix meilleurs chercheurs français les gens ne le savent pas."

Il a développé: "C’est comme si vous compariez Mbappé à un gardien de but de troisième division. Au bout d’un moment, vous savez que Mbappé n’est pas pareil, mais que vous ne sachiez pas que moi, je ne suis pas pareil…" Interrogé sur son égotisme, il s'est fendu d'une formule:

"La mégalomanie, ceux qui en parlent sont ceux qui sont incapables de voir la grandeur. On peut toujours dire que de Gaulle ou Churchill étaient mégalomanes. Ça m’indiffère."
  • Didier Raoult livre sa vision des médias 

Didier Raoult entretient une relation ambiguë avec les médias. S'il s'en méfie, il accorde de nombreuses interviews et multiplient les vidéos YouTube. Il s'est expliqué:

"Je ne trouvais pas normal que les gens n'aient pas accès à l'ensemble des connaissances actuelles. J'ai donc voulu que ces connaissances ne soient pas médiées, et donc ne passent pas par les médias". 

Il critique ainsi la presse ou plutôt l'influence qu'elle aurait eue auprès de la politique:

"L'écosystème qui s'est créé entre journalistes et politiques est une erreur. Vous travaillez au jour le jour, vous êtes journalistes, vous faites votre métier. Mais si les politiques agissent au jour le jour, on a un énorme problème". 
  • Didier Raoult écarte toute aventure politique 

Sa popularité, son volontarisme, sa personnalité ont poussé certains observateurs à lui prédire des lendemains politiques. Didier Raoult a cependant présenté la politique comme un caillou dans sa chaussure. Tout d'abord, elle l'aurait enveloppé d'une aura sulfureuse dont il se serait bien passé.

"Ça ne m’a pas rendu service que Trump soutienne l’hydroxychloroquine, parce que tous les anti-Trump sont devenus des anti-hydroxychloroquine car ils font des associations étranges", a-t-il ainsi lancé. 

Au plan personnel, il exclut ainsi toute aventure élective:

"Quand les gens me demandent si je vais faire de la politique, je leur dis qu'ils m'insultent et insinuent que je ne fais pas bien mon métier. Or, je le fais très bien". 
Robin Verner