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Identification, modélisation, vaccin: la course contre-la-montre des scientifiques contre le coronavirus

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Le dernier bilan connu du coronavirus ce mercredi s'élève à 132 morts et plus de 6000 cas en Chine. Tandis que le virus s'étend et fait le tour de la planète, les scientifiques s'échinent pour percer les mystères de la maladie, en définir la structure et proposer un vaccin afin de la contrer.

C'est une guerre, et elle se tient sur plusieurs fronts. Si la lutte contre le coronavirus est un conflit à bas bruit, une bataille menée depuis les laboratoires, les couloirs des hôpitaux, il présente déjà un bilan humain, qui pour être limité n'en est pas moins lourd: selon la dernière liste livrée ce mercredi par l'université américaine John Hopkins, 132 personnes ont perdu la vie dans les fièvres de cette pneumonie virale et 6057 individus souffrent de la maladie. 

Universités et sociétés médicales, médecins et laborantins se battent donc non seulement contre ce virus émergent et contre l'horloge. Ils dirigent trois combats concomitamment et parallèlement: celui visant à l'accumulation des connaissances autour de la pathologie, sa modélisation et l'élaboration d'un vaccin. 

  • Répondre aux questions soulevées par le virus

L'adjectif "mystérieux", très souvent accolé au coronavirus dans les premiers temps de la maladie, se dissipe peu à peu mais cette nuée qui s'en va laisse de nombreuses questions toujours soumises à la sagacité des experts. La revue STAT, qui en a fait la recension mardi, note ainsi que si les scientifiques ont d'abord pensé qu'un patient ne pouvait devenir contagieux qu'après avoir développé des symptômes - sur le modèle du SARS, maladie de la même famille et issue de la même région ayant sévi en 2003 - ils se trouvent à présent plongés dans une grande perplexité. 

Cette interrogation est dérivée d'une autre: la durée de la période d'incubation. Or, à ce propos, les savants tâtonnent encore. Des scientifiques de la province de Guangdong en Chine avaient évoqué un laps de temps de quatre à cinq jours, quand l'OMS lundi a ouvert en grand la fenêtre, parlant de deux à dix jours. Vendredi, un article paru dans la publication scientifique The Lancet avait quant à lui estimé qu'au sein d'une même famille la maladie n'avait besoin que de trois à six jours pour se manifester.

Les formes de la contagion par le coronavirus flottent également. Il apparaît que la sévérité des symptômes varie d'une personne à l'autre. Les experts ont même souligné le fait que certains individus atteints semblent ne jamais devoir en produire. S'agit-il là d'exceptions ou de pans entiers de la patientèle engendrée par la maladie? Ces individus porteurs mais incognito peuvent-ils transmettre le fléau? Et si oui, à quelle fréquence? Voici, les enjeux que les scientifiques doivent encore démêler. 

Enfin, la matrice du coronavirus elle-même est remise en cause. Si les autorités chinoises ont vite affirmé que tous les premiers malades avaient été en contact avec un marché de fruits de mer de la ville de Wuhan, une équipe de chercheurs, citée ici par The Lancet, a assuré qu'une première victime de cette nouvelle pneumonie, sans lien aucun avec ce lieu de vente, avait été admise dans un hôpital de cette ville du centre du pays une semaine avant les premiers cas en relation avec ces halles abritant poissons et crustacés potentiellement contaminés. 

  • En Australie, des scientifiques modélisent la maladie 

Dans le même temps, des chercheurs cherchent à évoluer de la connaissance au traitement et à mêler la théorie et la pratique. C'est ainsi le cas d'une équipe rassemblée par l'Institut Doherty en Australie. Cette instance a déclaré ce mercredi être parvenue à créer un nouveau coronavirus à partir d'un échantillon prélevé sur un patient infecté. 

Julian Druce, l'un des responsables du laboratoire concerné, a expliqué le sens de cette démarche: "En obtenant le vrai virus cela signifie que nous avons maintenant la capacité de valider et de vérifier tous nos tests, et d'en comparer les réactions et les sensibilités. C'est fondamental pour le diagnostic". 

L'initiative a une autre vertu. Cette duplication artificielle du virus laisse envisager la possibilité de le repérer, de l'identifier, avant même qu'il ait commencé à émettre ses signes annonciateurs. Cette avancée, à tous points de vue cruciale, le serait même davantage si, comme le soupçonnent certains médecins et chercheurs, l'expression des symptômes s'avérait moins systématique que pressenti à l'origine. 

  • La quête du vaccin 

Mais le morceau de choix reste la quête d'un vaccin. Elle emprunte diverses voies, détaillées ici par le New York Times. Les chercheurs des Instituts nationaux de santé du Maryland sont parmi les plus actifs dans ce domaine. Barney Graham, directeur adjoint du centre de recherche de vaccin de cette institution, a d'abord demandé aux autorités chinoises de partager avec lui et les siens la composition génétique du coronavirus avant de travailler à partir de la base de données rendue publique le 10 janvier. En quelques heures, son équipe avait établi, partiellement, son code génétique. Dès le 11 janvier, ses membres comparaient le séquençage du coronavirus avec celui du SARS ou d'un autre syndrome, le MERS. L'idée maîtresse guidant leurs travaux est de mettre au point un système apte à entraver l'action de la protéine spiculaire liée à la maladie. C'est en effet cette protéine qui lui sert à pénétrer les cellules hôtes. 

Pour y parvenir, ces scientifiques essayent d'utiliser le modèle établi au moment de l'étude du SARS en modifiant le code génétique. L'horizon espéré est de composer une information génétique pour créer un message ARN (le coronavirus est une maladie dite ARN, par opposition à ADN) convoyant les éléments dirigeant la fabrication de protéines. Le procédé pourrait fournir les anticorps capables de bloquer la protéine spiculaire. 

Mais franchir une à une les étapes séparant les premières recherches de la mise en circulation d'un vaccin est une route piégeuse et longue. Il est difficile de concevoir, en principe, un délai inférieur à un an, au bas mot. Pourtant, le docteur Anthony Fauci, qui supervise le labeur de l'équipe de Barney Graham, s'est montré optimiste auprès du quotidien new yorkais. "Si on ne se heurte pas d'ici là à des obstacles imprévus, nous pourrions entrer en phase 1 (le moment des premières expérimentations sur l'être humain, NDLR) d'ici trois mois, ce qui serait un record de vitesse."

Leur entreprise n'est pas isolée. Des groupes pharmaceutiques jettent aussi leurs forces dans les hostilités contre le coronavirus. C'est le cas de Moderna Therapeutics, qui s'est associé aux scientifiques du Maryland, de Johnson & Johnson ou encore d'Inovio Pharmaceuticals. Inovio a d'ailleurs reçu neuf millions de dollars de subvention, en provenance de Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (ou "Coalition pour les innovations dans la préparation épidémique" en français), une société dont l'objectif est d'accélérer la mise sur le marché des vaccins. 

L'épidémie du SRAS, qui avait éclaté en 2003, avait été endiguée par des mesures sanitaires énergiques avant même qu'un vaccin ait pu être obtenu. 

Robin Verner