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Grippe saisonnière: pourquoi une telle surmortalité cette année?

Personne âgée admise aux urgences. (Illustration)

Personne âgée admise aux urgences. (Illustration) - BFMTV

L'épidémie de grippe saisonnière a déjà touché 2,5 millions de personnes en France et risque de faire plus du double du nombre habituel de victimes. Les personnes fragiles, notamment les plus de 65 ans, contribuent pour une large part à cette surmortalité. Mais leur fragilité n'explique pas tout.

Ce jeudi matin, sur notre antenne, Manuel Valls a donné quitus à Marisol Touraine pour sa capacité à "mobiliser l'ensemble des services hospitaliers public et privé" dans la lutte contre l'épidémie de grippe saisonnière. Une maladie qui, même si le pic épidémiologique est censé avoir été "franchi", s'est révélée cette année particulièrement meurtrière. Selon le dernier bilan de l'Institut de veille sanitaire, sur les 2,5 millions de personnes touchées, la grippe a déjà tué 98 personnes qui sont "les décès en réanimation, donc les cas les plus graves", précisait sur notre antenne Christophe Prudhomme de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).

Mais des milliers de morts, peut-être le double du nombre habituel, pourraient suivre, ont prévenu ces derniers jours plusieurs médecins urgentistes. Les personnes âgées de plus de 65 ans payent un tribut particulièrement élevé. Alors pourquoi une telle surmortalité, selon le terme employé pour souligner le caractère d'hécatombe de l'épidémie 2015?

Un système "constamment sous tension"

Dans sa volonté d'interpeller le Premier ministre, Christophe Prudhomme s'inquiétait d'un "serrage de vis" d'hôpitaux qui n'ont plus les moyens de répondre aux besoins de la population. La réponse de Manuel Valls a été sur ce point assez convenue, exprimant la nécessité "à la fois de faire des économies et de préserver le grand service public de la Santé", avant de saluer le travail des soignants et d'admettre qu'il puisse y "avoir des moments difficiles".

La réalité, selon les urgentistes paraît pourtant dépasser le "difficile" pour glisser vers le registre de l'impossible. L'urgentiste parle ainsi d'un système "constamment sous tension", qui n'arrive pas à faire face, que ce soit en "été" – on repense à la canicule de 2003 – ou en hiver. Dans de nombreux services d'urgences, les délais d'attente s'allongent, car la médecine de ville n'a parfois par pu suffisamment prendre le relais. Ainsi, explique l'urgentiste, des gens qui n'ont pu consulter leur médecin de famille ont été réorienté vers l'hôpital. Et en dépit du plan Orsan déclenché par la ministre de la Santé, des patients stagnent dans les couloirs d'hôpitaux débordés par l'affluence.

Des services d'urgence pris d'assaut

Des cas avérés à Paris comme en province. Ainsi à l'hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, Véronique Potinet, chef de service des urgences, rapporte que "l'hôpital est saturé depuis un mois ou deux. Les gens restent des heures sur les brancards. On a ce surcroît d'hospitalisation chaque hiver. On ne sait plus où mettre les patients".

La Direction générale de la santé (DGS) a reconnu pour sa part, mercredi, que des "tensions" étaient observées depuis janvier dans "certains" hôpitaux en raison de l'épidémie de grippe qui a débuté à la mi-janvier, couplée à "l'augmentation des autres pathologies hivernales".

Un manque d'anticipation?

Mais par-delà le manque de moyens chronique pointé par des services d'urgences de plus en plus sollicités et parfois à tort, un manque d'anticipation est aussi évoqué. C'est la thèse de l'Irsan, le nouveau réseau de surveillance qui se base sur des données fournies en temps réel par SOS médecin.

"Nous avons annoncé ce qui allait se passer mais les mesures n'ont pas été prises", regrette le docteur Christophe Demoor, médecin à l'Irsan qui cite l'instauration tardive de mesures de prévention, comme l'utilisation systématique de gel hydroalcoolique dans les collectivités recevant des personnes âgées. "En anticipant davantage, on aurait probablement diminué la propagation du virus dans ces lieux à risque" estime-t-il.

Un vaccin moins efficace qu'à l'habitude

Une autre réalité expliquant la virulence de l'épidémie tient au virus lui-même et à une efficacité relative d'une vaccination pas toujours bien suivie. La plupart des cas mortels l'ont été par des virus A (H3N2). Pour l'épidémiologiste Isabelle Bonmarin, chargée de la surveillance de la grippe à l'Institut de veille sanitaire (InVS), "la virulence des virus qui circulent cette année est assez classique". Mais elle souligne également que le virus A, le plus fréquemment observé cette saison et contre lequel le vaccin est peu efficace, "touche plus sévèrement les personnes âgées".

David Namias et AFP