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Santé

GRAND ANGLE - Le sucre, cet ennemi qui se cache dans nos assiettes

Souvent présent en de trop grandes quantités dans les aliments vendus dans le commerce, le sucre favoriserait certaines maladies, engendrant même des addictions. Pour le contourner, de plus en plus de Français s’intéressent à des alternatives.

Des desserts presque comme les autres. Aux Belles envies, pâtisserie du Ve arrondissement de Paris, les éclairs au chocolat sont fabriqués avec trois fois moins de sucre que les éclairs normaux: chacun n’en contient que 8 grammes.

La boutique existe depuis deux ans. Ici, l’équipe produit plus de 800 pâtisseries par jour et les clients se pressent pour les déguster. Ce concept a été imaginé par Alixe Bournon, jeune entrepreneuse de 29 ans qui a quitté un grand cabinet de recrutement pour se lancer dans la pâtisserie. Pour faire des gourmandises peu sucrées, il faut ruser: en utilisant des farines complètes ou en remplaçant le sucre par des édulcorants naturels.

"On n’utilise absolument pas de sucres raffinés, et on utilise des sucres avec beaucoup de minéraux, tous naturels. Principalement le sucre de fleur de coco qui est un sucre avec un index glycémique très bas, donc qui fait peu monter la glycémie."

Prise de conscience

Depuis quelques années, le sucre a mauvaise presse: décrié, accusé de favoriser certaines maladies, il s’immiscerait partout. En 2015, l’Organisation mondiale de la santé, prenant conscience des dangers, a appelé les pays à mettre en place des mesures pour réduire la consommation de sucre. De fait, l’entreprise d’Alixe Bournon charme beaucoup de monde: ils sont une centaine à venir chaque jour acheter leurs pâtisseries dans sa boutique et la jeune femme, qui a déjà ouvert une deuxième enseigne, cherche encore à s’agrandir face aux sollicitations des grands hôtels parisiens.

"Si vous ne savez pas que c’est une pâtisserie alternative, vous ne voyez rien du tout, c’est délicieux", assure Cornélia, cliente dont le mari est "diabétique et quand même gourmand", en dégustant une tartelette au citron.

Le docteur Laurent Chevallier est nutritionniste depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui, un tiers de ses consultations se font pour des problèmes liés à la surconsommation de sucre:

"Il y a à peu près 150 ans, on consommait à peu près 3,5 kilos de sucre ajouté par an par personne en France. Aujourd’hui, on est à 10 fois plus", compare-t-il. "Cela a des conséquences sur le plan métabolique, sur le plan cardiovasculaire et sur le plan hépatique."

Pour ce médecin, c’est l’accumulation de sucres ajoutés qui est problématique, même dans des produits allégés. Car le "0%" imprimé sur certains paquets de fromage blanc "correspond au gras, mais a priori on n’imagine pas que ça contient du sucre, on s’imagine que c’est peu calorique, voire pas calorique du tout, ce qui n’est pas le cas à cause de la présence de sucre". En moyenne, "à peu près un morceau par pot."

Le sucre... jusqu'à l'addiction?

Les produits labelisés bio ne sont pas épargnés. Ainsi, Laurent Chevallier prend l’exemple d’une boîte de gâteaux ornée de rassurants labels verts: "Si vous prenez deux biscuits de ce type-là, vous consommez trois morceaux de sucre."

À force d’en consommer partout, sans forcément le savoir, un danger nous guetterait: l’addiction au sucre. C’est ce que laisse supposer une expérience stupéfiante, menée par le professeur de l’université de Bordeaux Serge Ahmed, au cours de laquelle des rats pouvaient choisir entre une dose de cocaïne et une dose d’eau sucrée:

"Face à ce choix, la vaste majorité des animaux testés ont développé une préférence très marquée pour la boisson sucrée", rapporte-t-il. "Ils ont même arrêté de prendre de la drogue alors qu’ils en consommaient tous les jours, et ce pendant plusieurs semaines avant qu’on leur propose le choix."

De fait, certaines molécules présentes dans le sucre agissent comme les drogues sur les récepteurs de notre cerveau. "Lorsque vous consommez ce sucre, il est coupé en deux par l’organisme entre glucose et fructose et c’est le glucose, à forte concentration, qui va monter au cerveau et agir directement sur le circuit de la récompense, et on va dire que c’est la première étape, pas suffisante mais essentielle pour le début d’une addiction".

L'abandon du sucre, une expérience extrême

Face à tant d’éléments incriminants, de plus en plus de Français tentent d’abandonner le sucre. À 45 ans, Danielle Gerkens, rédactrice en chef d’un magazine féminin, a décidé de se passer de sucres ajoutés pendant une année. Un processus parfois difficile: "Entre une et quatre semaines (…) vous réalisez que vous êtes vraiment conditionné au sucre", confie-t-elle. Elle a pourtant fini par en tirer de vrais bénéfices. Une perte de poids, comme elle s’y attendait, mais pas seulement: un teint plus "éclatant", ou encore la disparition des "coups de barre". "Quand vous ne mangez quasiment aucun sucre ajouté, votre glycémie reste très très stable toute la journée. Comme votre glycémie est stable, vous n’êtes pas fatigué".

Sans aller jusqu’à faire disparaître totalement le sucre de son alimentation, beaucoup cherchent à le réduire. Marion Thelliez, naturopathe, accompagne sa patiente Hélène dans cette démarche: "Le sucre se cache dans beaucoup d’endroits, notamment à cause du fait qu’on a quitté nos cuisines et qu’on a remis dans les mains d’industriels notre alimentation et notre façon de manger", explique la spécialiste.

Face au lobby du sucre et à la relative inertie des pouvoirs publics, les médecins estiment que ce sont les consommateurs qui, en choisissant mieux leurs produits, pousseront les industriels à réduire les quantités de sucre ajouté. 

B.P.