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Fertilité: des chercheurs alertent sur la diminution mondiale du nombre de spermatozoïdes

Un scientifique examine au microscope un don de spermatozoïdes au Japon (illustration)

Un scientifique examine au microscope un don de spermatozoïdes au Japon (illustration) - Yuichi YAMAZAKI / AFP

Une étude pointe du doigt la forte baisse de la concentration de spermatozoïdes chez les hommes, partout dans le monde, un signal "alarmant" pour la chute de la fertilité.

"Le nombre de spermatozoïdes diminue à un rythme accéléré dans le monde", écrivent des chercheurs dans une étude publiée ce mardi dans la revue scientifique Human Reproduction Update. Selon leurs observations, la concentration en spermatozoïdes a diminué de moitié entre 1973 et 2018 et ce phénomène est en accélération. Et si le nombre de spermatozoïdes est un indicateur "imparfait de la fertilité", il est "étroitement lié" aux chances de concevoir soulignent les chercheurs.

Pour obtenir ces conclusions, les auteurs de l'étude ont réuni les données de 223 études sur le sujet, issues de 53 pays (dont la France) sur 6 continents.

Une baisse de 51,6% depuis 1973

D'après leurs résultats, la densité du nombre de spermatozoïdes est passée de 101,2 millions par millilitres en 1973, contre 49 en 2018. Elle a diminué de "51,6% dans l'ensemble", explique l'étude. Si ce rythme peut déjà sembler inquiétant, les auteurs de l'étude note également une "augmentation marquée" de cette baisse récemment: elle était d'1,16% de 1972 à 2000 et après les années 2000, elle passe à 2,64 % par an.

Ce qui est "inquiétant, c'est qu'il y a une baisse et qu'elle semble s'accélérer", déclare à BFMTV.com Micheline Misrahi-Abadou, responsable du laboratoire national de référence pour les infertilités génétiques à l'hôpital Bicêtre-APHP et la faculté de médecine Paris-Saclay. Mais les niveaux de concentration de spermatozoïdes restent encore assez hauts, souligne-t-elle.

L'OMS fixe en effet "la limite inférieure de référence pour la concentration de sperme" à 15 millions par millilitres.

"Passé un seuil de 40 à 50 millions/ml, une concentration en spermatozoïdes plus élevée n'implique pas nécessairement une probabilité de conception plus élevée", peut-on lire dans l'étude, mais "en dessous de ce seuil, la probabilité de conception diminue rapidement à mesure que la concentration en spermatozoïdes diminue."

"Une question de santé publique"

La grande force de cette étude est d'avoir établi que la diminution de la concentration en spermatozoïdes est mondiale. Une précédente recherche avait conclu à une baisse de la concentration en spermatozoïdes avec des données de 1981 à 2013, mais elles ne parlaient que d'hommes d'Amérique du Nord, de l'Europe et d'Australie, faute de données ailleurs. Celle-ci signale aussi une baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes en Amérique du Sud/centrale, en Asie et en Afrique.

Cette situation est qualifiée "d'alarmante" par les auteurs, rapporte Le Monde. "Nous avons entre les mains un problème grave qui, s’il n’est pas maîtrisé, pourrait menacer la survie de l’humanité", explique le co-auteur de l'étude Hagai Levine, médecin de santé publique et épidémiologiste, de l'Université hébraïque de Jérusalem.

"C'est en effet une question de santé publique", abonde Micheline Misrahi-Abadou.

Et dans cette situation, "la France ne fait pas exception. En France, grâce à la disponibilité de données de bonne qualité, nous avons la certitude qu’il y a un déclin fort et durable, comme ailleurs dans le monde", déclare Hagai Levine.

Mieux comprendre les causes de l'infertilité

Si le nombre de spermatozoïdes est un paramètre important pour identifier la fertilité d'un homme, The Guardian souligne toutefois que les chercheurs n'ont "pas examiné d'autres marqueurs de la qualité du sperme" dans leur étude. Sur son site, l'université de médecine de l'Utah (États-Unis) explique en effet que lors d'une analyse de semence, le "pourcentage de spermatozoïdes mobiles ou capables de nager", et la forme des spermatozoïdes sont aussi étudiés.

Sur ces derniers sujets, "il est difficle de comparer ce qui se faisait avant, les techniques ont beaucoup évolué", et des données sur la vitalité ou la forme des spermatozoïdes datant de 1973 ne sont pas comparables avec celles obtenues actuellement, déclare Micheline Misrahi-Abadou.

Il est difficile de mettre le doigt sur la cause exacte de cette baisse du nombre de spermatozoïdes chez l'homme, mais plusieurs causes ont été mises en avant ces dernières années pour expliquer la baisse de fertilité chez l'homme: l'Assurance maladie cite ainsi la consommation de tabac, l'obésité, les perturbateurs endocriniens mais aussi les nombreux polluants présents dans notre environnement.

"10 à 15 % des couples sont infertiles dans le monde, et 70% des causes d'infertilité sont inconnues", rappelle Micheline Misrahi-Abadou qui appelle à plus d'études pour identifier les causes de cette baisse du nombre de spermatozoïdes, et mettre en place des politiques de prévention. Elle souligne que le gouvernement français a commandé et reçu en février dernier un rapport sur les causes de l'infertilité.

Pour Hagai Levine, les résultats de l'étude publiée ce mardi sont "un autre signal que quelque chose ne va pas avec le monde et que nous devons faire quelque chose à ce sujet. Je pense que c'est une crise qu'il vaut mieux affronter maintenant, avant qu'elle atteigne un point de basculement qui pourrait ne pas être réversible", explique-t-il au Guardian.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV