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Faut-il désormais miser sur le traçage rétrospectif pour endiguer le coronavirus?

Test de dépistage du coronavirus à Berlin, le 21 octobre 2020

Test de dépistage du coronavirus à Berlin, le 21 octobre 2020 - STEFANIE LOOS © 2019 AFP

Afin de mieux comprendre les avancées de la maladie, plusieurs scientifiques assurent qu'il faut changer de stratégie de dépistage face au coronavirus, et pister les "super diffuseurs."

Lorsqu’il a été testé positif au coronavirus et hospitalisé début octobre, Donald Trump a été placé à l’isolement et très vite, les autorités sanitaires américaines sont rapidement parties en quête des cas contacts du président américain. Quelques heures plus tard, sa compagne Mélania et plusieurs de ses proches collaborateurs à la Maison Blanche subissaient le même sort.

Le traçage "à la japonaise"

Cette situation, le président des États-Unis n’est évidemment pas le seul à avoir dû y faire face puisque depuis le début de la pandémie de Covid-19, plusieurs millions de patients et leur entourage ont dû être eux-mêmes isolés en vue de limiter la propagation du virus .

Cette recherche systématique des cas-contacts, actuellement menée en France comme dans de nombreux autres pays du monde, est appelée traçage prospectif. Mais cette stratégie est de plus en plus discutée, car elle semble montrer ses limites, en particulier en ce qui concerne la localisation des contaminations. Les dernières données de Santé Publique France rapportent par exemple que seules 10% des contaminations sont issues des clusters identifiés par les autorités. Comment inverser cette tendance?

De plus en plus de voix, celles de scientifiques et de soignants, appellent ainsi les autorités françaises à avoir recours au traçage rétrospectif, le backward tracing, un procédé d'enquête plus poussé permettant de comprendre où la contamination a eu lieu. Appelé traçage "à la japonaise" pour son utilisation appliquée et réussie dans ce pays, ce système doit permettre de savoir de qui le patient infecté est devenu le cas-contact. Une stratégie qui s’avérerait, selon plusieurs études, payantes pour identifier les super-propagateurs et ainsi empêcher de potentielles futures contaminations.

Aux Etats-Unis, la question de savoir où Donald Trump a été contaminé s’est par exemple posée pendant plusieurs jours, et reste d’ailleurs toujours un mystère. Selon des travaux de Nicolas Low de l’université de Berne en Suisse, cette contamination aurait pu se faire à neuf endroits différents la semaine précédant sa contamination. Une enquête approfondie aurait ainsi permis d’empêcher d'autres contaminations là où Trump a été touché.

10 à 20% de super-contaminateurs

Afin de comprendre l’intérêt de cette méthode et son fonctionnement, le Journal International de Médecine s'est intéressé aux propos d'Antoine Flahault, spécialiste de la modélisation mathématique des maladies transmissibles. Selon lui, la méthode du traçage retrospectif pourrait être une alliée de poids dans la lutte contre la maladie.

"10 à 20 % des contaminations drivent toute la pandémie. Si 80/90 % des cas contaminent 0 ou 1 cas, on n’a pas à se fatiguer à travers leurs contacts. En revanche, il faut tout mettre en œuvre pour stopper la propagation causée par les 10 ou 20 % restants", détaille le spécialiste de la crise sanitaire.

Antoine Flahault confirme et explique les raisons pour lesquelles cette nouvelle stratégie pourrait faciliter l'identification des contaminations, et des lieux de contamination.

"Si je détecte un cas (de Covid-19) en routine, j’ai très peu de chance d’avoir affaire à un super propagateur. En revanche, la probabilité est plus élevée pour celui qui a contaminé mon cas. Surtout s’il l’a contaminé dans un lieu clos, bondé, mal ventilé, sans distance physique. Si le suspect est positif (…), vous convoquez tout le petit monde qui a côtoyé le cas index suspecté: quarantaines strictes, tests et si positifs, isolement (…). Seulement il faut aller vite", détaille-t-il.

Vers un changement de paradigme?

Si, d'aventure, les autorités françaises souhaitaient mettre en place ce backward tracing, alors il faudrait revoir la stratégie mise en place depuis plusieurs semaines. Contactée par BFMTV.com, l'épidémiologiste Catherine Hill, affirme qu'il faut désormais aller "plus rapidement" en France.

"La moitié des contaminés ne sont pas symptomatiques, certains ne le seront jamais. On s'évertue à trouver les cas contacts, cela a marché en Corée du Sud ou en Nouvelle-Zélande, mais ça a marché parce qu'ils n'avaient pas beaucoup de cas. Il faut changer de stratégie, tester massivement et surtout plus rapidement", estime l'épidémiologiste, considérant que cela "est faisable, à condition de changer de façon de faire, de séparer les tests en faisant des dépistages de 100 personnes".

Pour elle, plusieurs pistes sont prometteuses, dont celle des tests antigéniques "qui sont rapides" et dont on a les résultats dans les 30 minutes." Toujours sur les traçages rétrospectifs, Catherine Hill estime que leur mise en place serait un moyen de soulager les personnels de santé "qui sont sur les rotules."

"Demander aux autorités sanitaires qu’elles se consacrent prioritairement au traçage rétrospectif, c’est soulager leur job", confirme de son côté Antoine Flahault.

Outre l'aspect sanitaire, une meilleure localisation des lieux de contamination pourrait grandement améliorer le climat social. Comme l'évoque le journal Le Parisien, cela pourrait permettre d'adapter certains restrictions dans plusieurs endroits actuellement fermés, ou bien ouverts sous certaines conditions.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV