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Face à Omicron, faut-il changer de méthode de suivi de l'épidémie?

Un personnel de santé réalise un test antigénique de dépistage du Covid-19 dans le groupe scolaire Fénelon Notre-Dame à La Rochelle, en Charente-Maritime, le 13 janvier 2022

Un personnel de santé réalise un test antigénique de dépistage du Covid-19 dans le groupe scolaire Fénelon Notre-Dame à La Rochelle, en Charente-Maritime, le 13 janvier 2022 - Philippe LOPEZ © 2019 AFP

Très contagieux, mais moins virulent, ce variant a entraîné une vague de contaminations sans précédent dans le pays, qui interroge sur les modes de suivi de la propagation du Covid-19. Face à ce constat, à quoi bon continuer à compter le nombre de personnes infectées chaque jour?

Le variant Omicron "c'est une autre histoire, c'est autre chose", déclarait le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy mardi sur FranceInfo. Il rappelait alors la très grande contagiosité de ce virus, mais aussi sa virulence moins importante que les autres variants, avec proportionnellement une baisse des personnes admises à l'hôpital. Cet effet est accentué par la vaccination, qui protège contre les formes graves, alors que plus de 90% de la population éligible est vaccinée.

"Cela veut dire que dans notre logiciel, dans notre vision qu'on a vis à vis de cette infection en ce moment, on doit changer", assure-t-il.

"Tout le monde va être positif, tout le monde est cas contact"

Ainsi, surveiller le nombre de contaminations quotidiennes, pour avoir une idée précise du nombre de personnes infectées peut en effet sembler obsolète. Actuellement, plus de 300.000 personnes sont testées positives chaque jour, - 10 fois plus que pendant les pics des précédentes vagues - ce qui entraîne une cohorte de cas contacts. Mi-janvier, le ministre de la Santé évaluait même le nombre de contaminations réelles - détectées ou non - entre 500.000 et un million par jour.

"Omicron représente plus de 90% des infections maintenant, tout le monde va être positif à un moment, tout le monde est cas contact" explique à BFMTV.com Carole Poupon, présidente du Syndicat National des Biologistes des Hôpitaux.

Aujourd'hui, "la seule chose que cet indicateur [le nombre de contaminations, ndlr] nous dit, c'est que vraiment, il y a beaucoup de personnes qui ont été contaminées", explique à BFMTV.com Renaud Piarroux épidémiologiste à l'AP-HP et professeur à la Sorbonne Université. Il explique préfèrer s'attacher à d'autres données, comme notamment le nombre de personnes hospitalisées, ou le nombre de décès, pour avoir une idée de la gravité de la vague en cours.

"Les bons marqueurs vont être maintenant l'impact sur le système de soin", déclarait également Jean-François Delfraissy mardi.

Tourner le regard vers l'hôpital

Pour surveiller l'épidémie, Philippe Amouyel, professeur de santé publique au CHU de Lille, regarde lui aussi le nombre des patients en hospitalisation et en réanimation, qui donne une image plus claire de la gravité de la vague, "c'est cela qui compte".

Le nombre de cas positifs détectés est forcément moins exact, car il "dépend de la façon dont on fait les tests, quelle campagne est en cours", explique-t-il. Et les politiques sanitaires de dépistage ont été modifiées à plusieurs reprises ces derniers mois.

Les autotests sont ainsi maintenant inclus dans le protocole à observer si une personne vaccinée est cas contact. Après un test antigénique "dès que possible", il est actuellement demandé de faire deux autotests de contrôle à J+2 et J+4 aux personnes présentant un schéma vaccinal complet.

"On ne sait plus où on en est, il y a trop de tests, on ne suit plus rien", déclare Carole Poupon, rappelant que "les autotests ne sont pas comptabilisés" dans les données nationales concernant les dépistages. "Au bout d'un moment ces chiffres ne veulent plus rien dire", déclare la biologiste, pour qui "le meilleur indicateur restent les hospitalisations".

Renaud Piarroux souligne d'ailleurs que, si en proportion, le nombre d'hospitalisations est moindre comparé au nombre de contaminations, "en chiffres absolus à l'hôpital on a actuellement autant d'hospitalisations que pendant les autres vagues".

Les tests ne servent-ils donc plus à rien?

Dans ce contexte particulier d'Omicron, Le Parisien pose la question d'arrêter carrément de faire le compte précis des tests positifs, et de se concentrer plutôt sur les formes graves. Mais si le nombre de contaminations journalières est à regarder d'un oeil différent, il a permis dans cette vague de démontrer la très grande contagiosité d'Omicron, de donner une échelle de grandeur des infections. Le chiffre de personnes infectées, "est majeur, il est massif, on n'a jamais vu cela autour de nous", déclarait ainsi le président du Conseil scientifique.

Il ne faut pas non plus oublier que les tests permettent d'identifier des cas positifs, qui s'isolent par la suite et donc contaminent moins de personnes, cela permet aussi de casser une chaîne de contamination. Avec des centaines de milliers de personnes testées positives chaque jour, un manque de personnel important s'est d'ailleurs fait ressentir dans certaines branches, comme l'hôpital, souligne Renaud Piarroux.

La politique de tests "permet aussi de marquer une tendance à la hausse ou à la baisse, de l'épidémie", note Philippe Amouyel.

D'autre part, avec le séquençage des dépistages, "les tests permettent également de détecter l'émergence de nouveaux variants à surveiller", explique Carole Poupon, et leur propagation peut entrainer un rebond épidémique, ou un changement de la politique sanitaire en cours.

Quel indicateur suivre?

Pour avoir un suivi non biaisé de l'évolution des contaminations, Philippe Amouyel recommande de suivre les données récupérées dans les eaux usées. "Il n'y a pas de différence au niveau du nombre de tests, et toute une population est évaluée, pas seulement les cas contacts et personnes symptomatiques", explique-t-il.

L'épidémiologiste Yves Coppieters, aimerait, lui, un "indicateur intermédiaire" entre les contaminations détectées et les formes graves, explique-t-il au Parisien.

"On ne peut pas passer outre le nombre de malades symptomatiques dans le suivi d’une épidémie. Mais ce nombre de malades ne correspond pas à celui de cas positifs", développe-t-il.

De son côté, Renaud Piarroux regrette qu’il n’y ait pas eu de cohorte de personnes testées régulièrement pour avoir une vision, par extension, de la propagation de l'infection au niveau national. Cela aurait permis d'avoir "une idée de l'évolution des contaminations dans le pays sans tester tout le monde tout le temps".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV