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Euro 2016: la marque de bière sponsor qui pose problème

Alors que la vente d'alcool a été interdite dans certaines villes hôtes de l'Euro 2016 pour éviter les heurts entre supporters, la présence d'une marque d'alcool comme sponsor de l'événement fait polémique.

Parmi les nombreux sponsors de l'UEFA et donc de l'Euro 2016 de football, on peut trouver Adidas, la Française des Jeux ou encore McDonald's. Mais depuis quelques jours, l'une de ces marques soulève des interrogations: il s'agit de Carlsberg, une brasserie danoise.

L'alcool, facteur des violences entre supporters

Depuis samedi, les violences se multiplient en marge des matches de l'Euro, que ce soit à Marseille, Lyon ou encore Lille, avec parfois de très graves conséquences. À Nice, un supporter nord-irlandais est mort dans la nuit de dimanche à lundi après avoir chuté de huit mètres de hauteur. À chaque fois, l'alcoolisation des protagonistes a été pointée du doigt.

Face à ces débordements, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a demandé aux préfets des zones concernées d'interdire la vente d'alcool dans les "périmètres sensibles" les jours de match. La mesure, qui pourra concerner "le domaine public, les commerces de proximité ainsi que les débits autorisés en cas de vente à emporter", a déjà été prise à Lyon par le préfet du Rhône.

Mais ces décisions peuvent laisser perplexe lorsque l'on sait qu'une marque d'alcool sponsorise l'événement, et est autorisée à en vendre sur les fan zones. Et ce, pour la huitième fois.

"C'est clairement créer les circonstances pour inciter à boire, dénonce le docteur Bernard Basset, vice-président de l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Quand vous avez une marque de bière qui est sponsor d'un événement sportif, c'est clairement une publicité. La publicité, c'est une incitation à consommer de l'alcool."

Contournement de la loi

Pourtant en France, la loi Évin est censée dissocier les événements sportifs de la consommation d'alcool, avec toutefois une petite nuance.

"La loi Évin ne permet pas à une marque d'alcool d'être sponsor d'un événement sportif, et plus exactement de communiquer sur ce sponsoring sur le territoire français, précise maître Olivier Poulet, avocat au barreau de Rennes. En purement franco-français, une marque de boissons alcoolisées ne pourrait pas, ne peut pas mettre en avant son sponsoring sur le territoire français."

Sponsoriser un événement sportif, oui, mais sans en faire la publicité. Pour respecter la loi, Carlsberg la joue avec finesse. Depuis le début de l'Euro 2016, la marque ne communique en France que sur sa gamme de boissons sans alcool. Une manière pour elle d'être toujours visible, et, par extension, développer ses ventes de boissons - alcoolisées cette fois-ci - dans les autres pays européens.

La loi Évin "détricotée"

Une attitude dénoncée par Claude Evin lui-même: 

"Nous sommes sur le territoire national, il n'y a pas d'extraterritorialité dans les fan zones. Pour moi ce qu'il se passe dans leur enceinte avec la présence de Carlsberg est contraire à la législation", a dénoncé l'ancien ministre de la Santé sur BFMTV.

De leur côté, les spécialistes en addictologie rappellent que la loi Évin a été assouplie par les députés en novembre 2015. L'objectif était de distinguer publicité et information, afin de promouvoir la culture gastronomique française. Mais le résultat s'est surtout vu... dans l'espace public.

"Le lendemain de la mise à nu de cette loi, on a vu fleurir dans les rues de Paris entre autres, et dans le métro, des publicités pour vanter l'alcool, rappelle Amine Benyamina, psychiatre au service d'addictologie de l'hôpital de l'hôpital Paul Brousse à Villejuif, et président de la Fédération française d'addictologie. On est pas contre l'alcool, mais on pense qu'à un moment donné, il ne faut pas envoyer des signaux d'innocuité dans certaines circonstances liées à l'alcool."

Pas étonnant donc, selon le médecin, que les autorités soient contraintes de prendre des mesures en dernière minute, comme dépassées par la situation.

"On le voit bien, lorsque les périmètres ne sont pas bien délimités, lorsque l'alcool n'a pas ses limites dans l'espace public, il peut se passer des choses de cette nature, regrette Amine Benyamina. On se retrouve à légiférer, à prendre des mesures, en laissant les municipalités se débrouiller seules alors que l'exemple devrait être donné par la représentation nationale, ce qui n'a pas été le cas pour la loi Évin."

Autre subtilité de la loi Évin: les fan zones ne sont pas considérées comme des enceintes sportives. La vente de boissons alcoolisées y est donc autorisée. Une incohérence de plus.
H. M. avec Sandra Gandoin et Caroline Dieudonné