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"Elles mènent à des amputations": le boom des injections illégales inquiète les spécialistes

Les injections illégales à visée esthétiques connaissent une croissance inquiétante en France. Ces actes médicaux, réalisés de manière amateure, entraînent fréquemment des complications lourdes. Un phénomène dangereux nourri par les réseaux sociaux.

Des lèvres pulpeuses, une mâchoire liftée, un nez plus harmonieux... Sur les réseaux sociaux, les promesses d'injections peu chères à visée esthétique pullulent. Des amateurs et amatrices proposent de réaliser, pour un coût jusqu'à trois fois moins élevé, des injections censées être faites chez un professionnel.

Cette pratique clandestine explose. Les signalements réalisés auprès du Conseil national de l'ordre des médecins ont doublé entre 2022 et 2023, passant de 55 cas signalés à 103. Il ne s'agirait-là que de la "partie émergée de l'iceberg", comme l'explique sur BFMTV Nathanel Edery, chirurgien plastique et esthétique.

Ce dernier reçoit régulièrement dans son cabinet des victimes de ces actes manqués, qui nécessitent un rattrapage par un professionnel. "On en voit de plus en plus souvent. Moi, personnellement, une à deux fois par semaine. Chez mes collègues, c'est sensiblement pareil", dénombre-t-il.

Nécroses, risque de perdre la vue

Ces patientes - beaucoup plus rarement des patients - se rendent en cabinet lorsqu'elles font face à des complications. Quand c'est "déjà probablement un petit peu trop tard". Problèmes cardiovasculaires, artère touchée pendant l'injection, nécrose... Les conséquences nécessitent parfois une "amputation partielle de la zone injectée".

Comme le souligne Catherine Bergeret-Galley, la secrétaire générale du syndicat national de la chirurgie esthétique, la liste des risques associés à ces pratiques est extensive. "Risque de cécité, perte de la vue, perte d'un œil, nécrose du nez, des lèvres, de certaines extrémités", liste la spécialiste avant de rappeler qu'il s'agit d'une "activité médicale".

Simple, peu cher, totalement illégal

Une enquête de nos confrères de RMC pointe du doigt la facilité avec laquelle les adolescentes peuvent entrer en contact avec des injectrices clandestines de botox et d'acide hyaluronique.

"Il suffit de leur envoyer un message par Instagram, et tout de suite on va avoir une réponse. C'est très peu cher, on est sur des prix trois fois moins élevés qu'un chirurgien. Moi, celle que j'ai visitée, proposait une seringue de 20 ml à 150 euros, ce qui vraiment défie toute concurrence", explique Lucille Pascanet, journaliste et autrice d'une enquête en immersion sur la pratique.

Ce problème de santé publique est aggravé par la facilité d'accès à l'acide hyaluronique. Contrairement au botox, il est en vente libre dans les pharmacies, un point signalé par les syndicats aux autorités compétentes.

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Pour les injectrices clandestines, le risque est tout aussi lourd. Deux sœurs de 25 et 22 ans ont été jugées à Valenciennes, le 13 septembre dernier, après des plaintes regroupées d'au moins 30 victimes. Celle qui était surnommée "Dr Lougayne" a écopé de quatre ans de prison, dont trois avec sursis pour "mise en danger d'autrui" ou encore "exercice illégal de la profession de médecin".

Tom Kerkour