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Santé

Eau potable: la présence de plomb, un risque réel

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Un rapport d'une agence sanitaire sur la présence de plomb dans l'eau du robinet indique que la réduction du risque d'exposition doit passer par une combinaison d'actions et pas seulement la mesure principale, le recours aux orthophosphates, qui n'est pas toujours suffisante.

L’eau du robinet, destinée à la consommation humaine, est l'aliment le plus contrôlé. Elle fait l’objet de contrôles permanents, pour garantir sa qualité et donc une consommation sûre. Ces contrôles consistent notamment à déterminer si l'eau distribuée ne contient pas de plomb dans le réseau public, c’est-à-dire dès la sortie des sites de production d’eau potable. Or, elle peut se charger de ce métal lorsque les canalisations intérieures des immeubles qui l’acheminent au robinet sont en plomb.

L'Agence de sécurité de l'alimentation (Anses) vient de publier une expertise indiquant que la réduction des expositions de la population au plomb reste un objectif prioritaire de santé publique. L'agence rappelle les solutions envisagées pour le respect de la qualité de l'eau: remplacer les canalisations et traiter l'eau. La deuxième mesure consiste plus précisément à utiliser des traitements modifiant la qualité des eaux, comme l’ajout d’acide phosphorique ou d’orthophosphates.

Ce traitement peut être envisagé pour les eaux très minéralisées afin de former une couche protectrice sur les parois des canalisations. De fait, entre 2003 et 2013, dix usines de production d’eau destinée à la consommation en Île-de-France ont mis en œuvre un traitement par des orthophosphates. C'est justement pour déterminer l’intérêt de maintenir ce traitement, "au regard des conséquences qu’aurait son arrêt en termes de qualité d’eau distribuée et de déstabilisation de l’écologie microbienne dans les réseaux" que l'Anses a été saisie.

L'efficacité du traitement est variable

Il lui a été également demandé, en cas d’intérêt à maintenir ce traitement, des précisions sur les conditions d’encadrement qu’il y aurait lieu de prévoir. Sa réponse est mitigée: ses experts considèrent que cette mesure permet de manière générale de diminuer la concentration en plomb dans l’eau distribuée, mais que l’ampleur de cette diminution varie selon les sites, du fait des caractéristiques de l’eau distribuée et de la nature du réseau.

"Ainsi, le traitement ne permet pas de respecter en permanence et à tous les points d’usage, la limite réglementaire de qualité dans les eaux destinées à la consommation humaine", explique-t-elle. Il s'agit donc d'une mesure de protection collective possible, mais non suffisante à elle seule, alors que différentes stratégies existent, selon les experts: traiter les eaux au niveau de l'étape de production, par re-minéralisation ou décarbonatation, et poursuivre le remplacement des branchements et canalisations.

Elle ajoute, en outre, que "les données disponibles ne permettent pas d’évaluer avec précision les effets du traitement aux orthophosphates sur la qualité de l’eau distribuée." D'autres données sont insuffisantes en ce qui concerne "la part des logements dont l’eau distribuée au robinet présente une concentration en plomb supérieure à la limite de qualité." C'est pourquoi l'agence recommande d'améliorer "la connaissance des réseaux publics et privés dans le bâti ancien".

Quels risques pour la santé?

Quant aux risques pour la santé, celle-ci rappelle que les effets néfastes sont corrélés à la concentration en plomb dans le sang (la plombémie) et les signes cliniques sont parfois peu spécifiques et inconstants. Le saturnisme est le terme qui désigne une intoxication aiguë ou chronique par le plomb, et à ce sujet le ministère de la Santé précise que "l’ingestion de plomb via l’eau du robinet conduit rarement à des cas de saturnisme mais contribue à l’imprégnation de l’organisme."

Le plomb est en effet un métal toxique qui n’est pas totalement éliminé par l’organisme, encore moins par celui des enfants. C'est pourquoi ces derniers sont les plus à risque, ce qu'a confirmé l'Anses dans une étude de l’alimentation totale infantile publiée en septembre 2016. "La contribution des eaux destinées à la consommation humaine à l’exposition moyenne au plomb atteint 14% chez les enfants âgés de 13 à 36 mois", indique-t-elle.

Mais comme le précise l'association UFC-Que Choisir, c'est une exposition de plusieurs années à une eau non conforme qui peut poser problème, même si l’imprégnation au plomb par l’eau est moindre que par les peintures. Il est possible pour tout un chacun de se renseigner en faisant faire une analyse par un laboratoire agréé par le ministère de la Santé. "Si le taux dépasse les 10 microgrammes par litre, il faut changer les canalisations. S’il est en dessous, vous n’avez rien à faire", précise l'association.

Au quotidien, des mesures de prévention simples peuvent être mises en œuvre, en premier lieu laisser couler l’eau avant de la prélever pour une boisson ou la cuisson des aliments, afin de ne pas récupérer celle qui a stagné dans le réseau. Cette eau peut en revanche être utilisée pour d’autres usages afin d’éviter le gaspillage. De même, il est recommandé de ne pas utiliser l’eau du circuit d’eau chaude pour ces deux mêmes situations, une température élevée favorisant la dissolution des métaux.

Alexandra Bresson