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Dépistage du Covid-19: est-il pertinent de continuer à tester autant?

Le gouvernement a annoncé des records de nombre de tests ces derniers jours, mais les professionnels de santé se disent submergés par la demande, alors qu'Omicron est particulièrement contagieux.

Auditionné ce lundi devant le Sénat, le ministre de la Santé Olivier Véran a déclaré que la France en "est à plus de 11 millions de tests sur une semaine ce qui explose très largement tous les records jamais enregistrés dans notre pays", et ce sans compter les autotests. Cette hausse importante du nombre de dépistages est due à la vague du variant Omicron, particulièrement contagieuse, et aux protocoles en place, appelant à se tester en cas de symptômes ou de contact avec une personne infectée.

Et si la capacité de dépistage française peut sembler impressionnante devant ces chiffres, pour les professionnels de santé qui en sont les rouages, elle est actuellement un poids. Si certains appellent ainsi à revoir la stratégie du gouvernement, en priorisant par exemple les personnes à risque de faire des maladies graves du Covid-19, d'autres s'interrogent sur la pertinence même de ce dépistage massif.

"A mon sens Omicron a changé complètement la donne", déclare ainsi le pédiatre Robert Cohen, interrogé sur notre antenne. La stratégie des tests était "complètement souhaitable avec les anciens variants, mais avec Omicron, c'est tellement contagieux, il y a tellement de cas que très rapidement on est tous cas contact de quelqu'un. Aujourd'hui on voit la limite, et on voit que ce n'est pas réalisable".

"Il va falloir que l'on change de logiciel"

"Je crois qu'il va falloir que l'on change de logiciel" abonde sur notre antenne Olivier Guérin, chef du service gériatrie au CHU de Nice (Alpes-Maritimes) et membre du Conseil Scientifique. Le variant Omicron est un "Covid vraiment nouveau qui ne ressemble pas, ni par sa symptomatologie, ni par son mode de diffusion - avec une vitesse de propagation inouïe - aux virus qu'on a connus auparavant" souligne-t-il. En ce sens, il met en avant une stratégie de priorisation, déjà recommandée par la Direction générale de la Santé.

Dans un document du 7 janvier la DGS souligne en effet "une forte mise en tension du système de dépistage. Le nombre de tests effectués atteignant des records, le dispositif doit s’adapter à l’augmentation de la demande et il est primordial d’éviter toute situation de saturation".

Les personnes prioritaires pour un test PCR sont, selon la DGS, les personnes symptomatiques et les contacts à risque ou encore celles disposant d'une prescription médicale ou présentant un autotest positif.

Le PCR "est le test le plus sensible, le plus à même de détecter le virus, le plus fiable", et en ce sens, il serait logique de le réserver aux personnes les plus à risque "pour lesquelles on a vraiment besoin d'un diagnostic parce qu'il y a des conséquences de prise en charge qui suivent: si par exemple cela s'aggrave on sait que c'est le Covid et qu'il faut hospitaliser", juge l'épidémiologiste Arnaud Fontanet, interrogé ce lundi matin sur notre antenne.

"Pour les autres, les personnes qui ne sont pas à risque de formes graves, les autotests par exemple peuvent avoir vraiment un intérêt parce qu'ils sont faciles à faire, ils sont beaucoup moins chers", explique-t-il. "Je dirais par exemple qu'une personne qui est symptomatique mais qui n'est pas à risque de faire des formes graves, qui est jeune, vaccinée, elle se fait un autotest. S'il est négatif, elle le répète le lendemain, et avec deux autotests à 24 heures d'intervalle, vous aurez quand même une vision claire des choses".

Un "renforcement de notre politique de test"

Cette stratégie ne résonne pas aussi favorablement chez tous les professionnels de santé. Ainsi le pharmacien Pierre-Olivier Variot se voit mal faire des distinctions dans sa file d'attente, "je pense que cela va être compliqué". "Des gens non-prioritaires seront toujours présents dans la queue et leur dire de partir me semble compliqué. Sans compter que ce n’est pas notre rôle de faire la police dans les files d’attente. On a une charge de travail suffisante", déclare également dans Le Parisien François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes.

Pour Pierre-Olivier Variot, "ce qu'il faudrait c'est que les officines aient plus de bras" pour tester. Il appelle le gouvernement à "faciliter la vie" des pharmaciens, par exemple, "la capacité qu'on a à recruter des professionnels de santé pour qu'on augmente les tests". C'est cette voie qu'a choisi d'emprunter le gouvernement pour le moment.

Un point de vue partagé sur BFMTV par Laurent Kbaier, biologiste et porte-parole de BioGroup. Celui-ci ne veut pas réduire les tests car "tout cas retiré de la circulation sont des contaminations qu'on évite". Il explique notamment que cela est nécessaire pour éviter certaines conséquences sur la vie économique: "le nombre de cas contacts, le nombre de contaminations dans les entreprises, et même chez nous au sein de nos salariés, ça vous désorganise complètement. (...) La seule façon est de tester".

"On souhaite toujours qu'il y ait le moins de queue possible, le moins d'attente possible et le plus de tests possible", expliquait dimanche sur BFMTV le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, et pour cela, un plan de "renforcement de notre politique de test" a été lancé.

Le gouvernement va ainsi "multiplier les centres de tests", mais aussi "permettre aux pharmaciens de créer leur propre petit centre de dépistage", de recruter eux-mêmes temporairement des professionnels de santé et a élargi la liste des personnes autorisées à réaliser des tests. D'autre part, 11 millions d'autotests sont attendus cette semaine, contre 6 millions la semaine dernière.

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV