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Santé

Dépakine: des conditions de prescription et de délivrance pas assez respectées

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Les femmes sous traitement contenant du valproate de sodium comme la Dépakine doivent désormais présenter un formulaire d’accord de soin et une ordonnance d’un spécialiste datant de moins de 1 an, en raison des risques de malformations en cas de grossesse. Mais une enquête de l'Agence nationale du médicament montre que ces conditions de prescriptions et de délivrance (CPD) ne sont pas suffisamment suivies.

La Dépakine (valproate de sodium) et ses dérivés (Depakine Chrono 500, Micropakine, Depakote, Depamide) sont indiqués pour deux indications, le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires. Il est désormais établit que les enfants nés de femmes ayant pris du valproate pendant la grossesse présentent un risque élevé de troubles du développement (jusqu’à 30% à 40% des cas) et/ou de malformations (10% des cas).

Plus la dose est élevée, plus les risques sont importants mais toutes les doses exposent à ce risque. Selon le deuxième volet d'un programme d’études mené par l'ANSM, entre 2 150 et 4 100 enfants exposés in utero au valproate sont atteints d'au moins une malformation congénitale majeure. Des résultats qui ont permis de montrer que ces traitements présentent bien un caractère "hautement tératogène".

Ainsi, ces spécialités ne doivent pas être prescrites chez les femmes enceintes et en âge de procréer, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses, comme l'indique l'ANSM qui a décidé en 2015 d'en durcir leurs conditions de prescription. Chez les femmes pour qui ces médicaments sont indispensables, la prescription initiale est maintenant réservée aux spécialistes (neurologie, psychiatrie).

Les formulaires d'accord pas assez présentés

Et depuis plusieurs mois, un pictogramme alertant sur les dangers de ces médicaments pendant la grossesse est apposé sur les boîtes des spécialités concernées. Enfin, une carte “patiente” diffusée aux professionnels de santé concernés doit être systématiquement remise aux patientes lors de la visite annuelle chez le médecin spécialiste, en complément d'un formulaire d’accord de soins. Il faut désormais présenter ce formulaire ainsi que l’ordonnance du médecin pour obtenir le médicament en pharmacie.

Mais une étude de l'ANSM publiée le 20 octobre montre que le niveau d’application de toutes ces conditions de prescription et de délivrance "est insuffisant." L'agence, en collaboration avec l’Ordre des pharmaciens, a demandé à Sanofi de réaliser une enquête sur deux échantillons de plus de 200 pharmacies. Les résultats indiquent que le respect de ces conditions était de l’ordre de 31% en 2016 et a depuis faiblement progressé: un taux de 47% en 2017.

Si l'obligation de fournir une ordonnance rédigée par un spécialiste était plutôt bien respectée car suivie par 81% des patientes, le formulaire d’accord de soins n’était quant à lui présenté que pour 50% des dispensations en 2017. Or, l'ANSM rappelle le rôle majeur de ce formulaire co-signé, car celui-ci "permet, dans le cadre du dialogue entre la patiente et son médecin, de formaliser les informations délivrées sur les risques associés à la prise de ce traitement."

Des disparités selon le médecin prescripteur

Plus précisément, les résultats diffèrent selon le médecin spécialiste qui a prescrit le traitement. Les conditions de prescription et de délivrance sont ainsi davantage respectées lorsque le prescripteur est un neurologue (67% des cas), puis ce pourcentage diminue à 42% quand il s’agit d’un psychiatre et aussi à 42% quand il s’agit d’un médecin généraliste. Ce taux différait également en fonction de l'âge, de la spécialité prescrite et de la région de délivrance.

En effet, ce dernier était de 51% en cas d'épilepsie, de 43% pour les spécialités indiquées dans les troubles bipolaires et était particulièrement faible en Ile de France (39%) et le plus élevé dans le Sud-Ouest (59%). En revanche, "dans la majorité des cas les pharmaciens se sont assurés que la patiente connaissait et comprenait les risques du traitement (88%) et connaissait son obligation de consulter un spécialiste au moins une fois par an (86%).", ajoute l'ANSM.

Quant à la carte patiente mise en place à partir de février 2017, celle-ci avait été remise dans 56% des cas. En conclusion, l'Agence estime que le niveau de respect des CPD "s’est globalement amélioré entre 2016 et 2017, et ce grâce à l’augmentation du taux de présentation du formulaire d’accord de soins notamment en cas de renouvellement de prescription." Une nouvelle enquête sera réalisée en 2018 pour estimer les progrès effectués dans ce domaine.

A noter que c'est dans le cadre de la logique initiée par "le pictogramme Dépakine" qu'un pictogramme "femmes enceintes" est appliqué depuis mi octobre sur les boîtes de médicaments présentant des risques pour les femmes pendant la grossesse. Il est apposé par les laboratoires afin de permettre une meilleure visibilité de cette information qui figure déjà sur la notice.

Alexandra Bresson