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Santé

Découverte d’un médicament prometteur contre la maladie de Charcot

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Plusieurs essais menés sur différents types d'animaux montrent l’efficacité potentielle d'un antipsychotique, le pimozide, dans le traitement de la sclérose latérale amyotrophique. Les chercheurs canadiens à l'origine de cette découverte vont prochainement mener des essais cliniques sur des patients.

Le pimozide (vendu sous le nom Orap) est un médicament bien connu depuis 50 ans, employé pour traiter certains troubles psychiatriques comme la schizophrénie. Mais des chercheurs du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) et de l’École de médecine Cumming de l’Université de Calgary y voient un autre intérêt jusqu'ici inconnu, le traitement de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot.

Popularisée il y a quelques années à l'occasion du "Ice Bucket Challenge", cette maladie neurodégénérative grave se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire et affecte également la phonation et la déglutition. Comme l'explique l'Inserm, "la SLA est due à la mort progressive des motoneurones, les cellules nerveuses qui dirigent et contrôlent les muscles volontaires." Son origine est complexe à déterminer, tout comme sa prise en charge ne permet pas de guérison.

Actuellement, celle-ci "cible les symptômes: aide technique, kinésithérapie et médicaments antispastiques pour contrer les troubles moteurs, myorelaxants et antalgiques contre les douleurs, prise en charge de la dénutrition, orthophonie pour les troubles de la parole et de la déglutition, accompagnement psychologique…", précise l'Institut. Mais un seul médicament, le riluzole, permet de ralentir l'évolution des symptômes et ainsi améliorer l'espérance de vie des patients.

Maintenir la jonction entre le cerveau et les muscles

Dans un récent article, les chercheurs canadiens affirment que le pimozide semble freiner l’évolution de la SLA à court terme. "C’est le premier médicament qui semble soulager les symptômes de la SLA chez l’animal. Le riluzole, actuellement utilisés chez l’humain, a des effets limités. D’autres recherches doivent être menées mais nous pensons avoir trouvé un médicament qui sera plus efficace pour améliorer la qualité de vie des patients.", résume Alex Parker, professeur à l’Université de Montréal.

Leur première étude sur le sujet a été menée il y a six ans sur un petit vers appelé C. elegans. En laboratoire, les chercheurs ont modifié génétiquement ces vers de sorte qu’ils présentent la forme humaine de la sclérose latérale amyotrophique, mais aussi des poisson-zèbres, un petit poisson tropical de cinq centimètres de long. Ils avaient auparavant criblé une banque de 3850 molécules approuvées pour le traitement d’autres maladies et trouvé cette classe de médicaments antipsychotiques.

Celle-ci a eu pour effet d’atténuer la perte de mobilité des vers et des poissons. "Le pimozide fonctionne particulièrement bien pour prévenir la paralysie chez le poisson en maintenant la jonction entre le système nerveux et les muscles.", explique Pierre Drapeau, chercheur au CRCHUM et principal auteur de l’étude. La prochaine étape a ensuite consisté à mener ce type d'expérience sur des souris, pour arriver à la même conclusion: le pimozide maintient la fonction neuromusculaire chez ces trois modèles animaux.

Des essais du ver à l'humain

En 2015, un premier essai préclinique auprès d’un petit groupe de 25 patients touchés par la maladie est lancé. Le but était d'établir la dose la plus élevée susceptible d'être tolérée chez ces derniers, une dose qui s'avère plus faible que celle utilisée pour soigner d'autres affections, et d'obtenir des preuves préliminaires de l'efficacité de ce médicament. Bien que modeste, cet essai a montré un premier indice d'efficacité en six semaines en ce qui concerne l’un des premiers signes de la SLA.

Il s'agit de la perte de contrôle des muscles du thénar, situés sur la paume de la main entre le pouce et l’index. Pour les patients qui ont pris du pimozide, cette fonction est demeurée stable, même si cette observation doit être confirmée. "Le pimozide agit directement sur la jonction entre le système nerveux et le muscle, comme chez nos modèles animaux. On ne sait pas encore s'il a un effet curatif ou si son action se résume à maintenir la fonction neuromusculaire normale pour au moins stabiliser la maladie.", mentionne le chercheur Pierre Drapeau.

Les chercheurs souhaitent maintenant mener un essai clinique de phase II auprès de 100 volontaires. Cette étude vise cette fois à vérifier l’innocuité du pimozide et à mesurer pendant six mois son effet sur la progression de la maladie, les symptômes et la qualité de vie des patients. Mais en attendant de nouveaux résultats, ces derniers précisent bien que les personnes atteintes de SLA ne doivent pas l'utiliser, d'autant que ce médicament est associé à des effets secondaires comme des maux de tête, des vertiges et de la somnolence.

Alexandra Bresson