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Santé

Déconfinement: sans masques, la mortalité pourrait toucher jusqu'à 165.000 personnes, selon une modélisation

Plusieurs modélisations réalisées par des scientifiques invitent le gouvernement à la prudence dans la mise en oeuvre du déconfinement. Si les gestes barrières et le port de masques ne sont pas strictement respectés, une deuxième vague épidémique sera inévitable.

"Prudence" et "progressivité" ont été les maîtres-mots du plan de déconfinement présenté mardi par Edouard Philippe devant l’Assemblée nationale. Mais cette pondération suffira-t-elle à éviter une recrudescence de l’épidémie une fois la liberté retrouvée? Selon une modélisation épidémiologique réalisée par Public Health Expertise - une société spécialisée dans la modélisation des maladies - à laquelle s’est jointe une équipe d'épidémiologistes travaillant à l'AP-HP et à la Columbia University, rien n’est moins sûr. 

165.000 morts en l'absence de masques de protection

Le document, porté à la connaissance de l’exécutif la veille du discours du Premier ministre et relayé par l’Opinion, étudie les conséquences sanitaires d’un déconfinement progressif à partir du 11 mai et établit trois scénarios peu réjouissants. 

Premier postulat: les masques, rendus obligatoires dans les transports et jugés "préférables" dans de nombreuses situations, n’empêcheront pas la mortalité de grimper à 85.000 personnes. Sans protection, elle pourrait être encore plus grave et atteindre 165.000 personnes. 

Dans ces deux cas, les services de réanimation arriveraient à saturation et le plan du gouvernement resterait "insuffisant pour empêcher une deuxième vague épidémique", note l’Opinion.

200.000 morts sans le respect des gestes barrières

Deuxième option: si les gestes barrières ne sont pas strictement appliqués, le nombre de morts pourrait frôler les 200.000 personnes et ce, même avec la politique de tests virologiques que l’Etat compte développer "massivement" afin d’isoler les porteurs potentiels du Covid-19. Dans l'hypothèse où le port du masque et les gestes barrières ne seraient pas respectés, l'Ile-de-France devrait accueillir 2700 réanimations, soit l’équivalent du pic connu à la mi-avril, d'après une autre modélisation réalisée par l'Institut Pasteur pour l'ARS Ile-de-France et l'AP-HP, relayée par Les Echos

"Selon que le taux de reproduction de la vague 2 à la sortie du déconfinement est de 0,5 (hypothèse basse) ou 1,5 (hypothèse haute), le besoin en lits de soins critique fin juin pourra être très important. Or la disponibilité du personnel ne sera pas du tout la même qu'en début de vague 1 (besoin pour les personnels de prendre des congés, moindre possibilité de recours aux réserves sanitaires externes …)", précise l'AP-HP au quotidien.

Protéger les personnes âgées pour éviter un rebond

Troisième scénario: isoler les personnes vulnérables. D’après l’étude de Public Health Expertise, cette précaution serait la plus efficace pour contenir un rebond de l’épidémie après le déconfinement. Mais, pour éviter que le nombre de morts dépasse les 30.000, il faudrait protéger les 17 millions de personnes vulnérables que compte la France durant 38 semaines, soit jusqu’au 8 février 2021. 

"La protection des personnes vulnérables est la clé pour préserver le système de santé et éviter un reconfinement", soulignent les épidémiologistes dans leur étude.

Or Emmanuel Macron a clairement écarté cette solution en indiquant qu’il ne souhaitait pas "de discrimination à l’égard de nos aînés mais plutôt des recommandations" au moment du déconfinement.

Sans les bons indicateurs, le déconfinement reporté 

Une deuxième vague épidémique semble donc difficile à éviter d’autant que, selon une information des Echos, une note de l'Agence européenne de protection contre les maladies infectieuses (ECDC) avance que "la contagiosité est en France supérieure au chiffre du conseil scientifique (R0 = 0,7, soit un malade en contamine moins de un)". Une donnée toutefois contestée en raison de sa méthodologie. "Faute d'un grand testing, l'Agence surestimerait la prévalence du virus", explique le quotidien.

Ayant connaissance de ces modélisations pessimistes, Edouard Philippe n’a pas manqué de rappeler qu’une autre alternative existait: "Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai" ou alors "plus strictement".

Ambre Lepoivre