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Covid-19: un reconfinement "pas justifié" par la situation actuelle? Des médecins contredisent Castex

Alors que selon Jean Castex la situation actuelle "ne justifie pas" à ce stade un nouveau confinement, des professionnels de santé militent au contraire pour ce tour de vis face à la situation sanitaire de la France.

La situation sanitaire "ne justifie pas à ce jour" un nouveau confinement, qui ne pourrait s'envisager "qu'en tout dernier recours". Voilà comment Jean Castex a expliqué, ce jeudi soir, lors d'une nouvelle conférence de presse, la décision du gouvernement de ne pas recourir au reconfinement de la population française pour lutter contre l'épidémie de Covid-19.

Face aux différentes données concernant le coronavirus en France, des nouveaux cas positifs aux hospitalisations en passant par les morts imputables à la maladie, plusieurs professionnels de santé ont fait part de leur étonnement face au statu quo choisi par le gouvernement.

"Le sanitaire ne prime pas"

Pour le Professeur Gilbert Deray, chef du service de néphrologie à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP) de Paris, invité ce jeudi soir de BFMTV, alors que la France est bien dans une vague épidémique, le sanitaire ne prime plus dans les décisions qui sont prises par l'exécutif.

"S'il primait, avec 500 morts par jour et 25.000 nouveaux cas quotidiens, ce qu'on a fait en mars, on le referait. Le sanitaire ne prime pas. (...) Si ce n'est pas un choix sanitaire, c'est donc un autre choix. L'autre choix serait de dire que c'est mieux pour l'économie, sur le plan psychologique ou sur le plan sociétal", a-t-il expliqué.

Selon lui, étant donné que la France a choisi la politique de vivre avec le virus, et non pas celle du "zéro virus", comme en Australie et en Nouvelle-Zélande, il est "inéluctable" que l'épidémie reparte. "La seule façon de casser l'épidémie, c'est de confiner totalement", a-t-il assuré.

"Qu'est-ce qui est le mieux: fermer le pays pendant quatre, six, huit semaines comme en mars, ou faire un plateau pendant six ou neuf mois comme on est en train de le faire avec les mesures actuelles?", s'est encore interrogé Gilbert Deray, persuadé que les mesures actuelles pèsent également sur le moral des Français.

"On est sous l'eau"

La docteure Hélène Rossinot s'est également étonnée, ce jeudi soir sur notre plateau, que des mesures plus drastiques ne soient pas prises par le gouvernement. Si, comme l'affirme Jean Castex, "la situation ne justifie pas à ce jour" un confinement, la médecin spécialiste de santé publique "considère donc que 350 ou 400 morts par jour depuis des mois, ça a l'air acceptable".

"Ça me gêne, ça m'embête. Il n'y a pas de troisième vague actuellement, on a déjà complètement coulé, on est sous l'eau. Le nombre de cas (quotidiens déclarés, ndlr) reste vers 20.000, 25.000, c'est déjà énorme. Sur les confinements précédents, on s'alertait beaucoup plus tôt. C'est pareil pour les hospitalisations et les réanimations. Ce qu'on tolère aujourd'hui, on ne l'acceptait pas il y a six mois. Je trouve qu'on est de plus en plus tolérants en disant qu'on ne reconfine pas", a-t-elle assuré.

Hélène Rossinot a également souhaité alerter sur les protocoles sanitaires qui ne sont "pas adaptés au mode transmission du Covid" dans les écoles, à savoir la contamination par aérosols. "On n'a toujours pas une vraie aération, on n'a toujours pas de capteur de CO2 et les cantines c'est toujours du grand n'importe quoi", a-t-elle déploré.

"Les chiffres ne sont pas très bons"

L'infectiologue Karine Lacombe, invitée de BFMTV ce jeudi soir, a qualifié la situation de "compliquée". "Doit-on discuter du sanitaire ou du politique avec au milieu tout ce qui concerne le psycho-social?", s'est-elle interrogée.

"Sur le plan sanitaire nous sommes dans une période extrêmement critique, puisque, quoi qu'on en dise, les chiffres ne sont pas très bons, on a une augmentation des arrivées en réanimation, une augmentation des arrivées en hospitalisation conventionnelle. On arrive dans un système qui va se saturer. Jusqu'à quel niveau va-t-on s'habituer à vivre avec un système saturé? Ça c'est une décision qui est politique", a expliqué la cheffe du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine à Paris.

Si, "sur des faits scientifiques", les médecins n'auraient pas pris la décision de ne pas reconfiner et d'autoriser les déplacements pendant les vacances, Karine Lacombe n'a pas souhaité critiquer "les décisions politiques qui ont été prises" et a assuré espérer "qu'elles seront les bonnes".

"C'est pire que tout"

Cécile Vigneau, cheffe de service de néphrologie à Rennes et membre du Collectif Inter Hôpitaux, n'a pas souhaité se positionner, ce jeudi soir, sur un éventuel reconfinement.

Elle a cependant voulu témoigner de la situation vécue depuis plusieurs mois à l'hôpital.

"Il y a eu la première vague. Puis, depuis octobre, on n'est jamais redescendu en tension. Avant le Covid, on avait déjà des problèmes de lits et des problèmes d'effectifs, mais là c'est pire que tout, comme on est sur un plateau extrêmement haut. On a tous les jours des malades du Covid, mais également tous les autres malades", a-t-elle décrit sur notre antenne.

En cas de "dégradation forte et rapide de la situation", le gouvernement n'hésitera pas à "prendre [ses] responsabilités", a tout de même assuré Jean Castex lors de sa conférence de presse, appelant les Français à "la plus grande prudence" pendant les vacances d'hiver.

Clément Boutin Journaliste BFMTV