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Covid-19: pourquoi le variant Delta progresse même dans les pays qui vaccinent beaucoup

Le variant Delta est déjà responsable d'une reprise épidémique au Royaume-Uni ou en Israël. Alors même que la couverture vaccinale de ces deux pays fait partie des plus importantes au monde. Un phénomène normal qui s'explique statistiquement, comme le rappellent des scientifiques.

À mesure que certains pays déconfinent, à l'image de l'Espagne ou de l'Italie qui ont désormais abandonné le port du masque en extérieur, le variant Delta poursuit sa propagation à travers la planète.

Ce variant du Covid-19, identifié pour la première fois en Inde en avril, est désormais présent dans au moins 85 pays, selon l'OMS. Le Portugal a annoncé qu'il était désormais majoritaire sur son territoire. Il pourrait l'être aussi en Afrique du Sud. En Australie, la ville de Sydney a même dû être totalement reconfinée, en raison de la flambée de nouveaux cas provoquée par cette mutation plus contagieuse.

Un peu partout, les autorités sanitaires redoutent déjà des nouvelles vagues épidémiques, alors que plusieurs pays comme Israël ou encore le Royaume-Uni enregistrent de nouvelles hausses du nombre de contaminations, parmi lesquelles des personnes vaccinées. Alors pourquoi ces pays où les couvertures vaccinales sont les plus importantes au monde (près de 60% des adultes complètement vaccinés au Royaume-Uni au 22 juin, 55% en Israël à date du 25 juin), connaissent de tels rebonds épidémiques?

Quelle efficacité pour les vaccins?

Que disent les chiffres? Les données officielles britanniques montrent bien qu'en Angleterre, la majorité des décès liés au variant Delta (60%) interviennent désormais chez des personnes déjà vaccinées, qu'elles aient reçu une ou deux doses. À date du 14 juin, 35.521 des 53.163 personnes testées positives au variant Delta au Royaume-Uni n'étaient pas du tout vaccinées, soit 67% d'entre elles. 25% n'avaient pas encore été complètement vaccinées, et 7,7% l'étaient entièrement. Dans cet article de presse, les épidémiologistes allemands interrogés mettent en avant le fait qu'une personne ayant reçu une seule dose de vaccin est loin d'être complètement protégée contre le virus.

En effet, après une 1e dose de vaccin à ARN messager (à savoir Pfizer ou Moderna), le risque d'infection est réduit 57.7% et de 75.7% pour le risque d'hospitalisations, selon une étude menée en Israël, et publiée dans la revue The Lancet début mai. Après la deuxième dose, cette étude montre que le Pfizer/BioNTech protège à 95,3% contre les infections, à 97,2% contre les hospitalisations et à 96,7% contre les décès chez les personnes de plus de 16 ans, sept jours après la seconde dose.

Ils insistent aussi sur le fait que le taux de protection vaccinale d'une dose d'AstraZeneca est moins important, et qu'une majorité de personnes ont reçu ce sérum dans le pays. Selon une étude britannique publiée mi-juin, une dose du vaccin AstraZeneca protègerait à 76% contre les formes graves du virus, deux doses à 79%.

Plus une population est vaccinée, plus la proportion de vaccinés sera grande parmi les contaminés

De la même manière en Israël, "entre 40 à 50% des personnes nouvellement infectées" sont des personnes vaccinées, selon les estimations de l'ex-directeur général de la Santé israélien Chezy Levy. À première vue, ces données peuvent paraître alarmantes quant à l'impact de la vaccination. Et pour tenter d'expliquer ce paradoxe, certains remettent en question l'efficacité de la vaccination, même au sein de la classe politique. Mais ces chiffres sont en réalité moins inquiétants qu'il n'y paraîssent.

L'épidémiologiste américaine Katelyn Jetelina (de l'université du Texas) explique, dans une publication mise en ligne sur son blog dimanche, en quoi cela doit être mis en perspective. Elle rappelle: "le professeur Levy dit qu'en Israël, 'la moitié des personnes infectées ont été vaccinées'". "L'expression est importante car dire ça, ce n'est pas dire: 'la moitié des personnes vaccinées ont été infectées'. Or, ce genre de malentendus arrive tout. le. temps".

Pour Kately Jetelina, l'explication est en effet statistique. Plus une population est vaccinée, plus la proportion de personnes vaccinées sera grande parmi les personnes infectées par le Covid. Elle explique: "Par exemple, en admettant qu'un groupe de personnes soit vacciné à 100% contre le Covid-19. S'il y a transmission du virus entre eux, nous savons que de nouveaux cas émergeront forcément. Ainsi, par définition, 100% des personnes qui auront été infectées seront des personnes vaccinées. Ce sera simplement 100% des gens sur un nombre plus petit".

Aucun pays n'a atteint 100% de couverture vaccinale

Elle rappelle aussi qu'"aucun pays au monde n'est vacciné à 100%", que ce variant est plus contagieux que les précédents. Vendredi dernier, plus de cinq des 9,3 millions d'Israéliens (55% de la population) avaient reçu deux doses de vaccin. Le problème est le même, pour Antoine Flahaut: "tout le monde n'est pas encore totalement vacciné". Selon lui, c'est précisément "cette absence de couverture totale" qui pêche à ce jour.

"Il va nous falloir une couverture très élevée pour se débarasser de ce problème", note-t-il.

Près de "60% de la population israélienne est vaccinée, c'est en effet beaucoup, c'est l'un des records", note sur BFMTV l'épidémiologiste et directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève. "Mais on voit que ça ne suffit pas pour assurer cette immunité collective qui protégerait vraiment contre l'arrivée de tout variant.

"Vous savez, une vague épidémique, c'est environ 5% de la population", explique le spécialiste. "Donc quand vous vaccinez 60%, il reste encore 40% qui peut potentiellement encore être contaminée, et contribuer à une vraie vague épidémique, y compris parmi des personnes âgées ou fragiles. Donc on le voit: Israël n'est pas complètement à l'abri d'un rebond, on peut juste espérer que cela soit limité grâce aux gens vaccinés."

Vacciner "à 80%"

Avec le variant Delta, les scientifiques estiment qu'il faudrait vacciner plus de 80% de la population, un niveau ambitieux même pour les pays aux campagnes de vaccination les plus performantes. En effet, plus un virus est contagieux, plus le niveau de vaccination nécessaire pour atteindre l'immunité de groupe (le seuil au-delà duquel il ne parvient plus à circuler) est haut, explique à l'AFP Samuel Alizon, biologiste spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses.

Antoine Flahaut confirme que cela ne remet aucunement en cause l'efficacité des vaccins. "(Ils) sont très efficaces, ils tiennent bien: on le voit, il y a très peu de gens pleinement vaccinés dans les hôpitaux. En France, le variant n'est pas encore majoritaire, mais il représente 9 à 10% des nouvelles contaminations. Du côté de la vaccination, presque la moitié de la population française (49,5%, 33.372.708 personnes) a reçu au moins une injection et près d'un tiers (31,6%, soit 21.278.460 personnes) est complètement vacciné.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV