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Covid-19: faut-il continuer de désinfecter les surfaces pour éviter la propagation du virus?

Des produits désinfectants dans une salle de classe à Provo dans l'Utah, le 10 septembre 202 (PHOTO D'ILLUSTRATION)

Des produits désinfectants dans une salle de classe à Provo dans l'Utah, le 10 septembre 202 (PHOTO D'ILLUSTRATION) - GEORGE FREY © 2019 AFP

L'OMS recommande toujours le nettoyage des surfaces comme geste barrière. Pourtant, aucun consensus scientifique n'existe sur l'importance des surfaces comme vecteur de transmission du coronavirus.

Depuis sa détection dans un marché de Wuhan en décembre 2019, les connaissances scientifiques n’ont cessé d’évoluer sur le coronavirus. Notre façon de s’en protéger aussi. Il y a un an, on s’interrogeait sur les précautions à prendre pour faire ses courses ou nettoyer son linge. Très vite, la désinfection des surfaces est apparue comme un geste barrière de premier ordre.

Les autorités sanitaires et le gouvernement ont enjoint la population à "nettoyer souvent les surfaces fréquemment touchées", comme dans le tweet ci-dessous datant d'avril 2020. Aujourd’hui, que sait-on de la transmission par les surfaces? Leur désinfection a-t-elle encore un sens? BFMTV.com fait le point.

"Le Covid-19 se propage rarement à travers les surfaces"

Selon les dernières recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les objets sont toujours décrits comme un vecteur possible de transmission:

"Les personnes porteuses du virus peuvent laisser des gouttelettes infectieuses lorsqu’elles éternuent, toussent ou touchent des objets ou des surfaces, comme les tables, les poignées de portes et les rampes. On peut alors être infecté par le virus si l’on touche ces surfaces contaminées puis que l’on se touche les yeux, le nez ou la bouche avant de s’être lavé les mains", peut-on lire sur le site de l’institution.

Pourtant, comme le souligne la revue scientifique de référence Nature dans un article publié vendredi dernier, le 29 janvier, "le Covid-19 se propage rarement à travers les surfaces. (...) Ce n’est pas une source majeure d’infection." L’auteur s’appuie sur une série d’études reconnues, mais aussi sur des avis d’autorités de santé, dont le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies, aux États-Unis, affirmant que la transmission par les surfaces n’est "pas considérée comme un moyen courant de propagation du Covid-19."

Une charge virale inconnue

Il y a, selon Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève, contacté par BFMTV.com, un "relatif consensus" autour des trois routes principales de transmission du Covid-19 dans la population. La première voie est celle des gros postillons que l’on produit en parlant, notamment avec les consonnes, en toussant ou en éternuant lorsqu’on ne porte pas de masque et que l’on se situe à moins de 2 mètres de notre interlocuteur.

La seconde est celle des aérosols, ces très petites particules qui restent dans l’air ambiant et dont le transfert dépend du contexte (pièce fermée ou milieu extérieur notamment). Enfin, la dernière correspond aux gouttelettes respiratoires qui tombent au sol ou sur les surfaces.

"Théoriquement, la surface peut rester positive à un test PCR plusieurs jours après le passage de la personne contaminée, convient Antoine Flahault. Mais si la surface est infectante, il n’y a pas d’études qui prouvent qu’elle porte encore une charge virale suffisante pour contaminer une autre personne."

Là est le problème central de la contamination par surface. Des dizaines d’études ont été lancées à ce sujet, mais aucune n'a permis d’aboutir à une recommandation unanime. L’une d’entre elles, faite au travers d’un essai randomisé*, a permis de conclure qu’entre un groupe de personnes qui se lavent les mains de façon intensive et un autre qui ne le fait pas, une différence de 15% de contamination a été constatée.

Principe de précaution

Aucun consensus scientifique n’existe donc à l’heure actuelle sur l’importance des contaminations par les surfaces. Il est pourtant depuis le début de l’épidémie, l’une des principales cibles des politiques de prévention. A l’inverse, la voie aérosole a été longtemps sous-estimée, voire négligée.

Dans la communauté scientifique, il existe, selon Antoine Flahault, une forme de résistance vis-à-vis de la contamination par aérosol, qui pousse à contrario en faveur d’une transmission manuportée (donc par les surfaces). Une mentalité qui résulte d’une tradition scientifique issue d’anciennes maladies, mais aussi de "la culture d’hygiène hospitalière", où la bactérie est la pire ennemie.

En politique de santé publique, les gouvernements ne prennent aucun risque en incitant au nettoyage systématique des surfaces. Ils appliquent le principe de précaution. Mais cette stratégie a un coût économique indéniable. Selon Nature, les ventes de désinfectant de surface dans le monde s’élevaient à 4,5 milliards de dollars en 2020, soit 30% de plus que l’année précédente. Un budget qui pourrait être investi sur un autre cheval de bataille, si un consensus scientifique émergeait enfin.

*Un essai randomisé: un essai clinique dans lequel les sujets sont attribués à un groupe (traité ou placebo par exemple) de façon aléatoire.

Esther Paolini Journaliste BFMTV