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Covid-19: est-ce bien le moment d'assouplir l'utilisation du pass sanitaire?

Médecins et chercheurs appellent à la prudence vis-à-vis de potentiels allègements des contraintes sanitaires. Si les chiffres s'améliorent, la situation peut rapidement rebasculer avec, entre autres, une couverture vaccinale qui reste en deçà des paliers conseillés par les scientifiques.

Une prudence de Sioux. Le monde médical fait preuve d'une grande prudence sur la question de l'assouplissement du pass sanitaire, que le gouvernement commence à l'envisager et à l'évoquer publiquement. Alors que la situation sanitaire s'améliore, l'exécutif commence à évoquer l'idée de pouvoir adapter les restrictions dans une logique territorialisée. Ainsi, les départements dans lesquels le taux d'incidence du Sars-Cov-2 est bas se verraient délestés de certaines mesures imposées par le pass. Mais pour l'heure, les professionnels de la santé restent dubitatifs, au regard des risques encourus par cette stratégie sanitaire.

Premier motif de réserve: "On est en régression forte en ce moment, mais on est quand même dans une fourchette fixe de 7000 à 8000 contaminations par jour", souligne le professeur Patrick Berche, médecin biologiste, membre de l'Académie de médecine et ancien directeur de l'Institut Pasteur de Lille, interviewé ce matin dans le Live Toussaint de BFMTV. Même son de cloche chez Anne Sénéquier: "Au niveau européen, nous avons depuis mi-juillet le même nombre de cas par semaine. On ne peut pas dire que l'épidémie disparaît", affirme la chercheuse et co-directrice de l'obervatoire de la santé à l'IRIS, ce matin à BFMTV.

Un message brouillé face à un virus inchangé

De fait, l'assouplissement des contraintes et du pass pourrait, selon les médecins, brouiller le message de la nécessité de conserver des attitudes prudentes, notamment les gestes barrières. "Le facteur humain est depuis toujours le maillon faible d'une épidémie, et celle-ci n'échappe pas à la règle, poursuit Anne Sénéquier. Cette communication sur les gestes barrières, la santé publique et l'intérêt commun est primordial". "En allégeant, le pass sanitaire, on laisse passer le message que, maintenant, les choses vont mieux" sans que cela soit nécéssairement le cas, ajoute Yves Buisson.

Car la logique du virus demeure inchangée: "Est-ce qu'on va avoir une remontée des taux d'incidence? C'est à prévoir lors de l'automne qui s'approche. On en a désormais l'habitude, c'est une épidémie qui fait le yo-yo", rappelle Yves Buisson, membre de l'académie nationale de médecine. D'autant que la situation nationale reste intimement liée aux évolutions internationales et que le risque, peu probable certes, d'une immixtion extérieure d'un mutant fortement contagieux - le variant Mu originaire de Colombie, particulièrement - n'est pas exclu, précise Patrick Berche.

30% de la population n'est pas encore vaccinée

Par ailleurs, le pass sanitaire doit être corrélé à la couverture vaccinale du pays. Or, celle-ci fait encore défaut pour Yves Buisson: "Au moins 30% de la population générale n'est pas vaccinée. Il y a donc une marge très importante pour le virus de circuler dans cette population." Surtout, l'ambition du pass sanitaire ne semble pas avoir abouti auprès de cette frange des Français réfractaires à l'idée de recevoir des doses, lui qui visait à inciter à la vaccination par des moyens coercitifs. Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation de l'hôpital Lariboisière à Paris, interrogé sur BFMTV, analyse :

Ce n’est pas parce que le virus circule faiblement dans certains territoires que l’on peut alléger ou supprimer le pass sanitaire. Car il a pour principale mission d’encourager la vaccination, qui est quelque chose de préventif en cas de re-circulation du virus. Et nous n’avons pas assez de recul dans le temps pour être sûr qu’il n’y aura pas de recirculation du virus au moment où il fera plus froid, vers mi-octobre.

Reste que les voyants demeurent pour l'heure au vert. Malgré des écoles ouvertes adosées à l'impossibilité de vacciner les moins de 12 ans, cela "n'a aucune répercussion sur la vitesse de régression du virus, qui continue de diminuer", tempère Bruno Mégarbane sur BFMTV.

"Il faut garder ces deux mots-clés: ici et maintenant. Il faut donner de l’espoir et élargir les espaces de liberté quand on a la possibilité de le faire. À l’heure actuelle, les chiffres sont bons. Maintenant, il faut bien dire: "aujourd’hui, on est bons", ça veut pas dire qu’il ne faut pas faire attention à demain", conclut Anne Sénéquier sur notre antenne.

Hugo Roux