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Couleurs interdites: les tatoueurs craignent un avenir terne

Tin-tin et Grenouille, leaders du Syndicat national des artistes tatoueurs, ont été reçus mercredi à l'Assemblée nationale.

Tin-tin et Grenouille, leaders du Syndicat national des artistes tatoueurs, ont été reçus mercredi à l'Assemblée nationale. - -

Un arrêté du ministère de la Santé interdira dès le 1er janvier 2014 une série de pigments utilisés par les tatoueurs en France. La profession ne décolère pas, et craint une résurgence des salons clandestins.

C'est une profession que l'on entend peu, mais cette fois, sa colère est grande. Les tatoueurs français se disent menacés par un arrêté qui doit rentrer en vigueur le 1er janvier 2014, et qui met à jour la liste des substances interdites dans les tatouages. Reçus mercredi matin à l'Assemblée nationale par un député socialiste de l'Isère, Olivier Véran, ils ont pu exprimer leurs doléances. En cause? On trouve dans cette liste noire quelque 59 pigments utilisés dans les encres. "Principalement des couleurs chaudes", tonne Tin-tin, célèbre artiste à Montmartre, et président du syndicat des tatoueurs.

Il reste pourtant 27 colorants rouges et 13 oranges dans la liste des produits autorisés. Mais selon Tin-tin, joint par BFMTV.com, "ces pigments ne sont pas exploités par les producteurs d'encre français, chez qui on a l'obligation de se fournir, pour la bonne raison qu'ils sont trop photosensibles. Ils disparaîtraient en quelques jours si on les utilisait! A partir de janvier, il ne nous restera plus que du noir, du gris, quelques verts, blancs, et bleus". La fin des tatouages en couleur? C'est ce que pense la profession, qui s'inquiète des dérives.

"Les gens vont se tourner vers les tatoueurs clandestins, qu'on appelle les "scratcheurs" dans le milieu. Ils officient souvent à domicile, dans des conditions d'hygiène déplorables, avec des encres généralement contrefaites et achetées à bas prix en Chine. Nous, les professionnels, n'utilisons que des encres contrôlées, avec une traçabilité sur toute la chaîne. Il n'y a jamais eu de problème majeur. Pourquoi venir nous empêcher de travailler correctement?", s'indigne Tin-tin. "On aimerait une politique qui s'attaque aux tatoueurs non-professionnels, qui eux, présentent un danger sanitaire et échappent à tout contrôle".

"Principe de précaution"

De l'autre côté du mur, l'Agence française du médicament, l'ANSM. Elle est à l'origine de l'avis, datant de 2010, qui a servi de colonne vertébrale à cet arrêté du ministère de la Santé, et défend sa décision. "Nous avons estimé qu'il n'y avait pas de données suffisantes pour autoriser certains pigments dans les cosmétiques, et donc dans les tatouages, qui restent à vie et pénètrent dans la peau ", explique à BFMTV.com Cécile Vaugelade, directrice adjointe du service en charge des dispositifs médicaux thérapeutiques et des cosmétiques à l'ANSM.

"Il n'y a pas de bénéfice à faire un tatouage. Il faut donc que le risque soit minimal. Partant de là, nous avons décidé de faire jouer le principe de précaution. Rien n'indique que ces pigments soient cancérigènes, en revanche il y a un risque allergisant. A charge pour les producteurs d'encre de nous apporter des études scientifiques prouvant l'innocuité de ces produits, et nous pourrons nous reposer la question", poursuit l'experte.

Du côté politique, le député PS Olivier Véran, qui a reçu le syndicat des artistes tatoueurs mercredi dans le cadre d'un projet de loi de transcription des directives santé au niveau européen, dit les avoir entendus. "Concernant le danger des encres contrefaites utilisées en dehors des circuits officiels, je compte faire passer un amendement à ce sujet, avant l'examen du projet de loi, le 19 décembre. Quant à l'arrêté sur les pigments, mon rôle n'est pas de le remettre en cause, mais j'ai entendu leurs arguments, et je n'ai pas pu leur fournir de réponse. Je vais donc saisir l'ANSM et la Direction générale de la Santé dans la journée, pour solliciter des explications", confie-t-il à BFMTV.com. Une initiative que louent les tatoueurs, qui craignent cependant que les dés ne soient déjà jetés.

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Alexandra Gonzalez