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Confiner Paris pour trois semaines? Ce qu'en pensent les médecins

Pour de nombreux professionnels de la santé, cette mesure serait efficace uniquement si elle s'inscrit dans une stratégie plus globale de "zéro Covid".

L'annonce a causé stupeur et interrogations. Jeudi soir, quelques minutes seulement après la conférence de presse de Jean Castex, qui a annoncé que vingt départements étaient désormais placés sous "surveillance renforcée", Emmanuel Grégoire s'est à son tour exprimé. Au micro de France Info, le premier adjoint à la mairie de Paris a assuré que la municipalité souhaitait proposer un confinement de trois semaines pour la capitale afin d'endiguer les contaminations.

Quelques heures plus tard ce vendredi matin, ce même Emmanuel Grégoire a tempéré son propos, et assuré que ce confinement de Paris était une simple "hypothèse", tout en indiquant que la mairie n'est pas favorable à un confinement le week-end.

Dès jeudi soir, ces déclarations avaient provoqué une levée de boucliers au sein de l'opposition parisienne. Dans un communiqué, la maire LR du 7e arrondissement Rachida Dati a dénoncé "une méthode du fait accompli (...) inacceptable", tandis que son homologue du 15e arrondissement, Philippe Goujon, a évoqué un manque de discussion et de "concertation."

Pas la bonne stratégie

De leur côté, les professionnels de la santé ne semblent pas non plus emballés par cette proposition. Invité ce vendredi sur BFMTV, Djillali Annane, chef du service de réanimation à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, dans les Hauts-de-Seine, souligne qu'une telle mesure serait inefficace "dans la stratégie de la France qui est celle de vivre avec le Covid."

"Le reconfinement territorial est une stratégie qui marche dans une stratégie globale zéro Covid. Là, il y a scientifiquement très peu de chances que ce soit efficace. On peut proposer ce que l’on veut, dans cette stratégie, le reconfinement n’a pas sa place mais un coût sanitaire exorbitant avec une augmentation des décès et des hospitalisations", souligne-t-il, rappelant qu'il "tirait le signal d'alarme" depuis un mois.

Interrogée dans le même temps sur les ondes de RTL, Karine Lacombe, infectiologue et cheffe du service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP) à Paris a également évoqué cette stratégie "zéro Covid."

"Est-ce suffisant, je ne sais pas, mais pour une stratégie zéro Covid, c'est évident qu'il faudrait aller dans cette direction-là. [...] On a eu deux confinements, il y a eu les couvre-feu, et malgré le couvre-feu, c’est une stratégie qui ne marche plus. On change d'épidémie, on a une souche originelle qu’on connaissait bien, puis un variant anglais, Les mesures antérieures ne marchent plus et il faut changer, s’adapter, être proactif", prévient-elle.

"Absurde"

Sur BFMTV, Philippe Juvin, chef du service des urgences de l'hôpital Georges Pompidou à Paris, est quant à lui monté d'un cran dans la critique, qualifiant "d'absurde" la proposition de la municipalité parisienne. Il a également souligné un problème d'échelle et de moyens dans cette proposition.

"Confiner Paris tout court, ça ne sert à rien. Je crois qu’il y a quatre millions de personnes qui entrent et sortent tous les jours, c’est hyper dense. Si on décide de faire quelque chose à Paris c’est Paris et région parisienne. [...] Je n'ai pas trop compris, elle (Anne Hidalgo, NDLR) peut dire ce qu'elle pense mais c'est absurde. Comment vous allez contrôler les passages à la porte de Chatillon, de Champerret ou Maillot? On ne va pas mettre des barrières avec des douaniers", ironise Philippe Juvin.

Pour le président de la Ligue nationale contre le cancer, Axel Kahn, c'est la politique de confinement localisé qui est à revoir dans son intégralité et selon lui, la proposition parisienne lui "semble d’un point de vue sanitaire et scientifique extrêmement singulière."

"Les confinements locaux n’en sont pas. C’est le week-end. C’est la pire de toutes les punitions, vous allez boulonner et le week-end vous êtes confiné. [...] J’espère que ce sera suffisant, mais si vous me demandez, malheureusement je ne crois pas, et c’est peu probable que ca le soit", explique-t-il, soulignant que les dernières mesures prises par l'exécutif étaient "totalement à l’inverse de ce qu’était la politique annoncée par le Président de la République fin octobre avant le confinement de novembre."

Finalement, Aurélien Rousseau, directeur de l'ARS (agence Régionale de Santé) d'Île-de-France, a tenu à tempérer la situation.

"Ce qui est certain, c’est qu’une mesure de confinement n’est pas anodine, ça fait un an que les concitoyens vivent ça. Ce n’est pas parce qu’on va confiner trois semaines qu’on est sûrs de reprendre la vie d’avant. [...] La question est légitime, on va travailler avec la Mairie de Paris, mais aussi avec les retours des autres parties du territoire pour voir ce qui fonctionne bien", conclut-il.
https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV