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Comment prenons nous nos décisions dans la vie de tous les jours?

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- - iStock - zoranm

Des chercheurs ont étudié le comportement de personnes soumises à des choix faisant appel à la prudence, la patience ou l’effort et ont découvert qu’après avoir observé le comportement d’autres individus, ces personnes se mettent à les imiter. La prise de décision serait donc un acte qui peut être influencé, ce qui pourrait servir à diagnostiquer certaines pathologies psychiatriques.

Comment prenons nous nos décisions dans la vie de tous les jours? Nos traits de caractère sont-ils inscrits dans nos gènes ou résultent-ils d’un processus hérité de l’éducation et de nos interactions sociales? Telle est la question que se sont posés deux chercheurs de l'Inserm à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière à Paris, qui affirment que les comportements de nos voisins influent bel et bien sur nos propres décisions, et ce sans même qu'on puisse s'en rendre compte.

Une découverte qui mêle mathématiques et psychologie cognitive et qui pourrait avoir des retombées en neurosciences. Pour en venir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié trois caractéristiques et leurs traits inverses qui guident la plupart des décisions: la prudence et la prise de risque, la patience ou l'impatience, l'effort ou la fainéantise.

En pratique, ils ont recruté des volontaires qu’ils ont soumis à des tests décisionnels via un ordinateur qui leur proposait des choix engageant divers degrés de patience, d’effort et de prudence. Ils devaient par exemple choisir entre remporter deux euros tout de suite ou dix euros quelques jours plus tard ou encore appuyer sur une poignée souple pour un gain faible ou très dure pour une somme plus élevée.

Le "biais de faux consensus" s'installe

Quarante choix de ce type ont été proposés aux volontaires, permettant ainsi aux chercheurs de créer un algorithme représentatif de leur personnalité. Dans un second temps, les participants devaient prédire les choix d’un personnage fictif inventé à partir de l’algorithme, rendu plus prudent, fainéant et patient que le sujet lui-même ou l’inverse.

Tous les volontaires ont spontanément imaginé que ce personnage fictif ferait les mêmes choix qu’eux, quelle que soit la manière dont ils se comportaient. En clair, ils présument que les autres pensent et agissent comme eux, un phénomène qui porte un nom: le biais de faux consensus.

"Ce phénomène a déjà été décrit dans d’autres contextes, explique Jean Daunizeau, responsable de ces travaux. Pour des choix esthétiques ou moraux par exemple. Il stipule que les gens croient que leur jugement est celui partagé par le plus grand nombre. On retrouve cela ici pour les choix faisant appel à la patience, l’effort ou la prudence".

Mais ce biais est progressivement compensé par l’apprentissage. Après plusieurs erreurs et une période d’adaptation, les participants ont fini par comprendre de mieux en mieux les réponses de l'algorithme et par prédire correctement 85% des choix du personnage fictif à force d'observer son comportement.

"Notre attitude tend à s’aligner sur celle des autres"

"En moyenne, les gens sont donc capables d’interpréter finement les attitudes des autres", expliquent les chercheurs. Enfin, ces derniers ont soumis les volontaires à une troisième série de tests et ont constaté que les choix des volontaires étaient devenus plus semblables à ceux du personnage fictif.

"Ce type de mimétisme est relativement inconscient: lorsqu’on leur pose la question, les volontaires ne se rendent pas compte que la nature de leurs choix a évolué, qu’ils font preuve de plus de patience ou de prudence. Ce phénomène s’appelle le biais de contagion sociale et signifie que notre attitude tend à s’aligner sur celle des autres, précise Jean Daunizeau. On le connaissait pour certains comportements mais on le découvre ici dans la prise de décision".

Or, comprendre l'importance de l'influence des autres sur la manière dont les gens prennent des décisions pourrait avoir des retombées médicales. Si un mimétisme fort est constaté chez des sujets sains, qu’en est-il des personnes atteintes de pathologies psychiatriques qui affectent les relations sociales comme l’autisme ou la schizophrénie? C’est ce que les chercheurs souhaitent vérifier. "S’il existe des différences à ce niveau-là, l’absence de mimétisme pourrait peut-être devenir un élément diagnostic. Il y aurait alors un enjeu clinique", conclut l’équipe scientifique.

Alexandra Bresson