BFMTV
Santé

Comment expliquer la multiplication rapide des cas de choléra à Mayotte?

Selon les autorités sanitaires, ce lundi 29 avril, 29 cas confirmés de choléra ont été recensés à Mayotte dans un nouvel épisode de propagation dans le département. Les facteurs explicatifs sont pluriels.

Le début d'une épidémie? En l'espace de 72 heures, entre le vendredi 26 avril et lundi 29 avril, le nombre de cas de choléra confirmés à Mayotte a tout simplement doublé. L'Agence régionale de santé (ARS) du département fait désormais l'état de 29 infections confirmées depuis la mi-mars et le début de l'alerte sanitaire.

Bastien Morvan, le directeur de cabinet de l'ARS Mayotte souligne auprès de BFMTV.com l'aspect localisé des cas. "Ils ont tous été notifiés sur la même commune, Koungou, au nord de Mayotte", appuie, notant une "augmentation" ces derniers jours.

Il s'agit par ailleurs de cas "autochtones" - qui se sont déclarés sur place - contrairement aux premiers cas qui avaient été importés des Comores. Mais comment et pourquoi cette bactérie, la Vibrio cholerae, se propage-t-elle?

"Une maladie qui suit les malheurs humains"

D'une manière globale, le monde vit actuellement sa 7e pandémie de choléra. "Celle-ci dure depuis déjà 60 ans", indique à BFMTV.com le professeur François-Xavier Weill, responsable du centre national de référence Vibrions et du choléra à l'Institut Pasteur. Plusieurs cas sont même recensés chaque année sur le territoire métropolitain.

"Cette bactérie bénéficie d'un réservoir en Asie du Sud et se propage par les mouvements de populations et est favorisée par les manquements à l'hygiène et de défauts d'assainissements des eaux usées", pointe-t-il. Ainsi, la maladie peut-être transférée directement d'humains à humains, mais aussi par l'intermédiaire de sources d'eau contaminées par des déjections humaines.

L'un des exemples récent de diffusion de la bactérie, l'épidémie d'Haïti, après le séisme d'octobre 2010. Des casques bleus originaires du Népal ont amené la bactérie jusqu'à la zone déjà en proie à une crise humanitaire et sanitaire sans précédent.

"C'est une maladie qui suit les malheurs humains", résume François-Xavier Weill.
Covid-19: 4 ans après, a-t-on tiré toutes les leçons de la pandémie?
Covid-19: 4 ans après, a-t-on tiré toutes les leçons de la pandémie?
21:38

Une conséquence de la crise de l'eau?

La gestion des eaux grises est particulièrement importante. Les personnes infectées souffrent de "vomissements et de diarrhées terribles" chargées en bactéries. La mauvaise gestion de ces déchets peut ainsi mener à davantage d'infections. L'accès à de l'eau claire, propre et potable est donc primordial.

La disponibilité de l'eau est d'ailleurs une question récurrente à Mayotte. Un jour sur trois, le réseau d'eau potable est interrompu, comme le souligne sur X le député LR du département Mansour Kamardine. Mais existe-t-il un lien?

L'eau qui est distribuée dans le réseau est potable et "fait l'objet d'un contrôle régulier et systématique", comme le rappelle l'ARS, qui ne voit "pas de sujet de ce côté-là". Elle pointe toutefois la vulnérabilité des personnes qui ne sont pas raccordées à ce réseau.

"Globalement, l'explication (de cette multiplication de cas, NDLR) est multifactorielle (...) nous avons affaire à des transmissions du choléra qui peuvent découler d'une faute d'hygiène, avec une contamination des mains", suggère le cadre de l'ARS Mayotte.

Des services de santé surchargés

Le traitement des malades est relativement aisé. La mortalité liée à la maladie a été jugulée grâce à un protocole de réhydratation des malades, parfois couplée à une prise d'antibiotiques. Mais à Mayotte, comme le rappelle l'ARS, "il existe une très faible densité de professionnels de santé". La crise sanitaire actuelle met donc le personnel à rude épreuve.

Deux "unités choléra" sont actuellement actives pour traiter les malades. "Le CHM a dû fermer une partie de l'activité de ses dispensaires et ses premières consultations non urgentes pour pouvoir assurer l'activité de cette deuxième unité anti-choléra", précise Bastien Morvan. Des renforts sont d'ailleurs attendus dans les prochains jours pour soulager les besoins à l'hôpital mais aussi sur le terrain.

Outre le traitement, des soignants sont mobilisés pour "étouffer toute propagation de la maladie". Des efforts de dépistage, vaccination et des maraudes prodiguant des bons conseils, comme le lavage de main, sont mobilisés.

Tom Kerkour