BFMTV
Santé

Cannabis: l'âge du début de consommation chez les adolescents compte 

Des chercheurs mettent en garde contre un déclin cognitif plus important chez les jeunes fumeurs de cannabis dans les années qui suivent que chez les adolescents qui n'en ont jamais consommé ou après l'âge de 17 ans.

Selon l'Observatoire Français des drogues et des toxicomanies, le cannabis est la première substance illicite consommée par les adolescents en France. De marginale en classe de sixième (1,5%), l’initiation au cannabis concerne pratiquement un adolescent sur quatre en troisième. Or, des chercheurs de l'université de Montréal confirment l'hypothèse que l'âge de cette expérimentation a une grande influence sur les effets neuropsychiques chez ces jeunes consommateurs, dont le cerveau est toujours en développement.

La conclusion de leur étude publiée dans la revue Development and Psychopathology révèle en effet que plus les adolescents tardent à consommer de la marijuana, mieux leur cerveau se porte. Concrètement, les adolescents qui fument du cannabis dès l’âge de 14 ans obtiendraient de moins bons résultats à certains tests cognitifs passés à l’âge de 20 ans et seraient plus nombreux à abandonner leurs études que ceux qui n'en fument pas.

"Ces résultats indiquent que, en plus de l’échec scolaire, les habiletés fondamentales nécessaires à la résolution de problèmes et à l’adaptation à la vie quotidienne peuvent être altérées", expliquent les chercheurs.

Ces derniers ont établi un lien entre une consommation précoce de cannabis et des lésions cérébrales, qui ont un impact sur certaines aptitudes cognitives liées aux régions frontales du cerveau, en particulier l’apprentissage par essais et erreurs.

La mémoire à court terme est immédiatement impactée

En revanche, si les adolescents attendent un âge plus tardif pour fumer leur premier joint, ces lésions ne sont plus perceptibles. "Les adolescents qui ont commencé à consommer du cannabis à l’âge de 17 ans ou plus tard ont obtenu les mêmes résultats que ceux qui n’avaient pas fumé de cannabis", précise l’auteure principale de l’étude, Natalie Castellanos Ryan.

Pour en venir à cette conclusion, les chercheurs ont examiné les cas de 294 adolescents qui faisaient partie d'une cohorte composée de 1037 garçons issus des quartiers les plus défavorisés de Montréal. Les adolescents ont effectué des tests cognitifs à l’âge de 13, 14 et 20 ans et ont répondu à un questionnaire une fois par an.

Près de la moitié (43%) des sondés ont déclaré avoir fumé du cannabis à un moment donné pendant cette période et la plupart ont dit ne l’avoir fait que quelques fois par année. À l’âge de 20 ans, 51% des adolescents interrogés ont rapporté qu’ils consommaient encore du cannabis.

Les chercheurs ont constaté qu'en général, ceux qui avaient fumé tôt du cannabis présentaient déjà une mauvaise mémoire à court terme et une mauvaise mémoire de travail (la capacité de retenir assez longtemps une information pour être en mesure de l’utiliser ou de suivre une instruction peu de temps après l’avoir reçue). En revanche, ils possédaient de bonnes aptitudes verbales et un bon vocabulaire.

Plus la consommation se fait tôt, plus les aptitudes déclinent

A la fin de l'étude, les chercheurs ont découvert que le fait de fumer du cannabis pendant l’adolescence était associé à des difficultés tardives en matière d’aptitudes verbales et cognitives et que ces aptitudes déclinaient plus rapidement chez les adolescents qui avaient commencé à fumer plus tôt que les autres. Le déclin de ces aptitudes verbales s'expliquait notamment par le fait que ceux qui avaient expérimenté le cannabis avant les autres avaient aussi tendance à abandonner leurs études plus tôt.

Enfin, les adolescents qui ont obtenu de mauvais résultats aux tests cognitifs (tests linguistiques et tests d’apprentissage) ont déclaré avoir fumé du cannabis au début de leur adolescence. Les résultats montrent que les répercussions de la consommation de cannabis sur l’intelligence verbale ne sont pas uniquement dues aux effets neurotoxiques du cannabis sur le cerveau, mais aussi à un possible mécanisme social.

"Les adolescents qui consomment du cannabis sont moins susceptibles d’obtenir un diplôme, ce qui peut influer sur les occasions de développement de leur intelligence verbale", remarque Natalie Castellanos Ryan.

"La prévention doit être plus importante de nos jours"

Les chercheurs souhaitent maintenant vérifier s'ils obtiendraient les mêmes résultats avec d’autres adolescents et déterminer si la consommation de cannabis peut être liée à d’autres problèmes plus tard dans la vie, comme la toxicomanie. La chercheuse recommande par conséquent de faire en sorte de retarder le plus possible la consommation de cannabis chez les jeunes.

"La prévention est d’autant plus importante de nos jours que la marijuana est beaucoup plus puissante aujourd’hui qu’elle l’était dans les années 90 et que les adolescents sont plus enclins à en consommer parce qu’ils la voient d’un bon œil, comme une drogue moins dangereuse que d’autres drogues récréatives", ajoute-t-elle.

Toutefois, si les chercheurs affirment qu'il existe bien des preuves sur ses effets particulièrement nocifs avant l'âge de 17 ans, ils recommandent de ne pas exagérer les effets nocifs du cannabis en général.

Alexandra Bresson